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Dialogue Inter-Maliens : Goïta anticipe le jackpot électoral

Entamé le 12 avril avec la phase de communes, le dialogue inter-Maliens a connu son épilogue, le 10 mai 2024, au Centre international de conférences de Bamako (CICB), sous l’égide du président de la Transition, Colonel Assimi GOÏTA, et le regard vigilant du président de comité de pilotage, Ousmane Issoufi Maiga.

Les retrouvailles – dont la finalité était de trouver une alternative à l’accord d’Alger jugé caduc avec la reprise de Kidal par la force – auront drainé du beau monde. Y figurent le PM et l’ensemble des membres de son gouvernement, le Président du Conseil national de la Transition, les gouverneurs, des représentants du corps diplomatique, des délégués des régions et de la diaspora ainsi des syndicats et d’autres couches importantes de la société malienne. Boycotté par les états-majors de nombreuses formations politiques, le Dialogue inter-Maliens a été néanmoins assorti d’une kyrielle de recommandations en rapport avec la paix et la réconciliation nationale, la politique et des institutionnelles, de l’économie et du développement durable, de la sécurité et la Défense du territoire ainsi que de la géopolitique et de l’environnement international.

300 nouvelles recommandations viennent ainsi se greffer à celles déjà faites par les Concertations nationales et les Assises nationales de refondation successivement organisées par les mêmes acteurs de la Transition depuis la chute d’IBK. Quoi qu’il en soit, le président de la Transition s’engage à les mettre en œuvre au nom du retour définitif de la paix. Jouissant d’un nouveau bail de 2 à 5 ans que le même Dialogue lui a accordé dans la foulée, Assimi Goïta s’attaquera notamment au retour des déplacés, à leur réinsertion économique et à l’instauration d’un dialogue permanent intra et intercommunautaire ainsi qu’à l’assistance humanitaire des populations affectées par la crise. Dans la même veine, son engagement auprès des participants au Dialogue inclut également la dissolution des milices d’autodéfense et l’insertion de leurs éléments dans l’armée régulière, l’ouverture du dialogue avec les mouvements armés maliens et même les djihadistes. La prévention et la gestion des conflits, selon l’esprit du Dialogue, passerait aussi par le recours aux leviers coutumiers et la lutte contre les stigmatisations raciales ainsi que les pratiques esclavagistes, entre autres. Et ce n’est pas tout. Les participants à la phase terminale du DIM ont recommandé le contrôle la ligne éditoriale des prêches afin d’éviter la propagation des messages haineux ou porteurs de conflits entre tendances religieuses.

Aux plans politique et institutionnel, les recettes issues du Dialogue ont surtout trait à la préservation des acquis démocratiques et au respect des règles du jeu démocratique. Toutes choses qui impliquent, aux yeux des participants, une relecture la Charte des partis politique et la réduction de leur nombre en durcissant la procédure de leur création et en supprimant leur financement par le budget public. L’œuvre de dépolitisation concerne en outre l’administration – avec un plan de carrière pour les agents en lieu et place des récompenses politiques – et s’étend à une régulation de la politique attentatoire aux principes constitutionnels du multipartisme. En atteste l’interdiction du terrain partisan aux chefs religieux, aux chefs de villages et de quartiers ainsi qu’aux responsables de la société civile, au contraire de l’ouverture de l’arène politique : prorogation de la Transition pour une nouvelle durée de 2 à 5 ans par le Dialogue, qui a acté en même temps la candidature d’Assimi Goïta à la prochaine présidentielle. La charte de la transition est proposée à la révision à cet effet, quoique l’une de ses dispositions dispose qu’elle n’est pas révisable dans ce sens.

Dans le même sillage, le président de la Transition et 5 autres de ses autres collègues colonels sont proposés au grade supérieur de Général, à savoir : Malick Diaw, Sadio Camara, Ismaël Wague, Modibo Koné et Abdoulaye Maiga.

La paix et la réconciliation nationale ne sont pas moins tributaires des questions économiques et du développement durable par rapport auxquels le conclave a été tout aussi prolifique en recommandations : renforcement de la gouvernance et de la planification économique, création des mécanismes d’intervention stratégiques, gestion optimale des ressources naturelles, réduction du train de vie de l’Etat et accès des populations à l’eau et à l’énergie, etc. Au titre du même chapitre s’inscrit la création d’une banque de la diaspora, tandis que dans le domaine de la sécurité et défense les recommandations ont trait à la moralisation du recrutement dans les FDS, la surveillance des frontières à travers un meilleur maillage, la lutte contre l’économie criminelle, puis la professionnalisation et l’équipement de armée, entre autres suggestions lumineuses dont l’écriture de l’histoire militaire du Mali et son introduction dans les programmes scolaires, la dotation d’un satellite de communication et de surveillance et la militarisation de tous les services paramilitaires y compris la Douane.

Le chapelet de suggestions embrasse également la géopolitique et l’environnement international au sujet desquels il a été recommandé la création d’un Institut de Formation Géopolitique, l’intensification de la coopération entre les Forces de Défense de Sécurité (FDS) des pays de l’AES et le développement d’un partenariat stratégique sur le plan de la défense et de la sécurité avec les pays limitrophes. Par-delà l’élargissement de l’AES à d’autres pays et la création de la confédération de l’AES avant le fédéralisme, les participants ont également recommandé la renégociation des mesures en matière de barrières douanières avec la CEDEAO ainsi que l’application et le respect systématique des principes constitutionnels et des principes de réciprocité. Ils ont enfin demandé aux autorités d’initier des actions en vue de l’adhésion du Mali aux BRICS et de coopérer avec tous les partenaires selon les trois principes constitutionnels.

Aussi pertinentes qu’elles puissent paraître, les recettes du processus endogène tant agité ne se singularisent guère par une originalité qui présage de plus de chance de réussite que les expériences antérieures de stabilisation du pays, toutes heurtées à un défi de concrétisation. La nouvelle tentative comporte au contraire les tares congénitales d’une inclusivité mitigée qu’elle tente de corriger à l’arrivée, d’une participation au rabais ainsi que d’une légitimité compromise par la désignation des décideurs à l’arbitraire. Aucun atout ne conforte les motivations sous-tendues   du processus que surplombent, en définitive, ses non-dits, ses desseins sibyllins et conclusions inopportunes. Il en résulte une démarche sur commande dont le commanditaire est l’unique bénéficiaire pour en avoir raflé le jackpot. En plus d’une prorogation de la Transition doublée d’un déverrouillage au forceps de son inéligibilité à la magistrature suprême, Assimi Goïta est rassuré de n’affronter aucune concurrence redoutable à une éventuelle compétition électorale. Et pour cause : sa candidature tient lieu d’investiture tacite pour être portée par la même légitimité qui en impose le déverrouillage.

Amidou Keita

Le Témoin
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