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Dialogue avec les jihadistes: nouvelle trajectoire et nouveaux impératifs

Après le bad buzz provoqué par le ministre des Affaires religieuses, du culte et des coutumes, suite à sa demande au Haut conseil islamique du Mali (HCI) d’engager un dialogue avec les leaders de groupes armés terroristes, en l’occurrence Iyad Ag GHALY et Amadou KOUFA, le Gouvernement se ravise, l’abandonne en plein vol et rectifie son plan de vol. Quelle est la nouvelle trajectoire et quels sont les nouveaux impératifs ?

 

Dans l’ambiance de la « rectification de la trajectoire de la Transition » ou de la « rectification de la Transition, selon qu’on parle sur les berges du Joliba ou sur la colline de Koulouba, une autre rectification de trajectoire s’impose, à savoir celle du dialogue avec les chefs jihadistes.

Un nouveau cap
En adoptant un nouveau cap, le Gouvernement ne change pour autant pas de destination : « Le gouvernement a bien noté les recommandations formulées lors du Dialogue national inclusif, DNI, et la Conférence d’entente nationale, allant dans le sens de négociations entre tous les fils du pays afin de les réconcilier pour la stabilité du Mali ».
En effet, le Dialogue National Inclusif (DNI du 14 au 22 décembre 2019) a recommandé : « Engager le dialogue avec Amadou KOUFA et Iyad Ag GHALY pour ramener la paix au Mali »
Auparavant, la Conférence d’Entente Nationale (CEN du 27 mars au 2 avril 2017) avait également préconisé : « négocier avec les belligérants du Centre en l’occurrence Amadou KOUFFA tout en préservant le caractère laïc de l’Etat ; négocier avec les extrémistes religieux du Nord notamment Iyad Ag GHALY tout en préservant le caractère laïc de l’Etat ».
Selon des sources autorisées, c’est une première expérience de négociation, en l’occurrence entre les chasseurs et les jihadistes, dans le Cercle de Niono, qui a atomisé le «caractère laïc de l’Etat » et éclaboussé par la même occasion les autorités de la Transition qui a imposé un tel recadrage. Et pour cause, aux termes de l’accord de cessez-le-feu obtenu par le HCI, les jihadistes ont obtenu de pouvoir prêcher en armes dans les villages, d’imposer le voile aux femmes dans les zones qu’ils contrôlent, de prélever la zakat, de rendre la justice par les Cadis pour les populations qui le souhaitent. Certes, ces concessions ont varié d’un accord à un autre (14 mars 16 avril 2021), mais n’ont pas manqué de susciter de vives préoccupations.
Pourtant la Constitution du 25 Février 1992 toujours en vigueur dispose respectivement en ses articles 4 et 25: « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi » ; « Le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque, et sociale ». Cet arrangement de Niono était un cas typique de flagrance de violation de la Constitution du Mali que même une Transition ne pouvait estampiller.
D’ailleurs, l’on apprend que le gouvernement, plus précisément le ministère de la Réconciliation nationale qui avait certes mandaté une délégation du Haut conseil islamique pour faciliter les discussions n’aurait pris aucun engagement, surtout pas de se plier à l’exigence du départ de l’Armée de Farabougou formulée par les jihadistes.
Le pataquès qui consistait à donner une chandelle à Dieu et une au diable autour de l’éphémère accord de Niono, à en croire nos sources, justifie cette annonce : « Lorsque le Gouvernement de la République du Mali jugera opportun d’ouvrir des négociations avec des groupes armés de quelque nature que ce soit, le peuple malien sera informé par les canaux appropriés ».
En fait, dans le nouveau plan de vol, quand bien même le Gouvernement doit faire mince de détourner son regard des regards inquisiteurs de femmes voilés, de zakats prélevées, de justice selon la loi islamique, dans certains villages du Centre, il voudrait que les négociations avec les leaders de groupes armés terroristes se tiennent dans un cadre républicain, dans le respect des dispositions constitutionnelles de laïcité de l’Etat.

Les impératifs du moment
En outre, la rectification du cap, après la demande du ministre Mamadou KONE, le 19 octobre, adressée au HCI, répondait également à un impératif du moment de faire bonne figure devant de illustres hôtes. En effet, une délégation du Conseil de sécurité de l’ONU était attendue dans la capitale du 23 au 24 octobre. Son séjour dans notre pays s’inscrivait dans le cadre des consultations périodiques avec les Nations Unies depuis l’établissement de la MINUSMA en 2013.
Un autre impératif du moment, c’est une désescalade après la salve de critiques ravageuses contre notre « partenaire historique » d’abandon en plein vol et qui refuse catégoriquement l’option du dialogue avec les groupes extrémistes radicaux, du moins officiellement. On se rappelle en effet que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a jugé lundi 26 octobre 2020, à Bamako, qu’un dialogue n’était pas possible avec les groupes djihadistes.
« Disons les choses très clairement: il y a les accords de paix (…) et puis il y a les groupes terroristes qui n’ont pas signé les accords de paix (…) Les choses sont simples», a déclaré devant la presse le chef de la diplomatie française.
À son tour le président MACRON avait lancé dans un entretien avec l’hebdomadaire Jeune Afrique, il y a un an: « Avec les terroristes, on ne discute pas. On combat ».
« Il faut s’inscrire dans la feuille de route claire que sont les accords d’Alger », a souligné Emmanuel Macron en référence à l’accord de paix conclu en 2015 entre le pouvoir central malien, les groupes armés pro-Bamako et l’ex-rébellion à dominante touareg du nord du Mali.
« Ceux-ci prévoient un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats ».
Selon un analyste, le renoncement des autorités intérimaires au Mali au mandat accordé au Haut Conseil islamique d’engager des pourparlers avec les dirigeants des groupes armés dans le Nord reflète leur crainte à ce que la France instrumentalise quelques dossiers sensibles, dont le plus dangereux demeure la division du pays et l’établissement d’un État des Touaregs dans le Nord.
Le Chef du gouvernement a évoqué cette question au cours d’une interview accordée à la radio publique algérienne, lorsqu’il a lancé «qu’il existe certaines zones dans le nord du pays qui sont interdites d’accès à l’armée malienne par la France, ce qui nous a créé un État à l’intérieur de l’État ».
Plus grave encore selon MAIGA, c’est « l’ancien Président français, Nicolas Sarkozy, (2007- 2012) qui avait promis à des rebelles dans le Nord malien de leur accorder un État indépendant».
Mais, au constat, l’on peut dire que le Mali a fait un pari gagnant puisque la « scène de ménage » semble se tasser avec l’audience accordée par le Premier ministre Choguel Kokalla MAIGA à l’ambassadeur de France Joël MEYRER. Si le diplomate français a fait part de « la volonté de son pays de renforcer la coopération avec le Mali », mettant l’accent sur le fait que «la France ne se retirera pas du Mali », le chef du Gouvernement a évoqué le besoin de «consolider la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, l’insécurité, la corruption et l’impunité ».

PAR BERTIN DAKOUO

Source : Info-Matin

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