Et si les acteurs politiques de 91, encore une fois acceptaient de se retrouver ensemble dans une large communion, et front commun pour repenser le progressisme, qui est un processus historique continu d’amélioration pouvant être poursuivi ou accéléré par des réformes radicales ?
Le Mali traverse une crise multiforme qui a impacté tous ses pans d’activité, se traduisant par une dégradation spectaculaire de sa situation sécuritaire qui, au départ était résiduelle, mais faute d‘être contenue est devenue rampante, puis effective a précipité la déliquescence et l’effondrement de ses institutions.
Son secteur économique au delà de tout discours triomphaliste et tonitruant, porté par une croissance robuste d’une dérivée seconde négative dans sa réalité factuelle, ne permet pas de résorber son chômage massif, et ses stratégies d’environnement peu agressives et attractives, n’incitent pas à l’éclosion des toutes petites entreprises et PMI qui ont l‘avantage, grâce à leur capacité de résilience de s’adapter mieux aux variations de la conjoncture.
La spécialisation de son économie faite sur deux produits de base, l’or et le coton concourant largement à sa croissance dont il ne maitrise pas les termes de l’échange, reste vulnérable, vulnérabilité surtout accentuée par un contexte de covid 19 qui déjoue toute hypothèse de croissance dans le sillage d’une croissance mondiale retournée, à cela s‘ajoute son effort de guerre, un véritable fardeau sur ses finances publiques sujettes à la mal gouvernance financière ayant provoqué une mauvaise évolution de la performance pays .
Sur le plan démocratique, les précurseurs de sa démocratie, qui se sont battus pour son avènement au prix des larmes et sang, dans leur quête d’idéal démocratique l’ont pensée en termes d’utilitarisme : un choix moral où l’élite politique, une minorité en charge de l‘exercice du pouvoir devait consentir tous les sacrifices afin que l’immense majorité puisse en tirer le bénéfice maximal.
Dans leur humilité, ils ont toujours compris qu‘une action politique n’est visible et satisfaisante que s’il y a un bénéfice commun derrière.
Malheureusement, au fil du temps ce concept philosophique et politique a été galvaudé et altéré par certains hommes politiques qui, au gré des circonstances, et dans leurs pratiques de la chose politique au quotidien ont rabougri son ambition, et introduit des rapports déments ayant développé des nouvelles strates sociales conduisant à « l’archepelisation » de la société avec des communautés au nord et au centre se côtoyant, mais vivent dos à dos, et un sud livré à une coterie s‘affranchissant de toute règle, lois, et normes se réduisant à du cherry picking : privilèges pour les plus nantis, coercition pour les couches populaires.
Ce manque d’intérêt, et de bienveillance envers le citoyen à généré d’énormes frustrations, laissant un goût amer au sein de la population, un sentiment de tartufferie, que l’homme public censé avoir un souci des deniers publics n’en a cure, et abime impunément l‘exemplarité.
Cette colère contre une fraude et corruption généralisées a atteint son paroxysme lors du scrutin législatif précédent, faute de trouver son expression dans les urnes, a fini par se déferler dans la rue, débouchant sur une rupture démocratique en confrontation avec la marche du monde dont certains dans une bataille sémantique appelleraient coup d‘état, révolution de velours, ou de palais, que sais je encore, chacun y allant de sa propre interprétation.
Quelque soit l’angle sous lequel l’on se place pour l’enjoliver, il est à rebours de tout précepte démocratique, et condamnable à tous points de vue.
Nous ne pouvons pas avoir la prétention que tout va bien dans notre démocratie, d‘autant plus que toute société mérite d‘être amendée.
Mais cependant, cette démocratie fustigée par ses détracteurs, en dépit de ses convulsions inhérentes au fonctionnement de toute démocratie comme partout ailleurs au monde, a un bilan reluisant en matière d‘infrastructures, sociales, éducatives, routières réalisées, comparativement au régime de type monolithique qu’a connu ce pays, et là dessus aucune vision manichéenne ne saurait masquer cette évidence.
Test d‘éthique et de sens de justice
Après l’euphorie d’une transition saluée par ceux qui la regardent avec les yeux de Chimène, la période post transition nous met face à une série de questions éthiques par rapport à la gouvernance, la problématique sécuritaire, éducative, sociale, et mission assignée à celui qui présidera les destinées futures de ce pays.
Comment allons nous collectivement y apporter nos réponses fortes à une équation laborieuse, est un test d‘éthique, et de sens de justice auquel l’ensemble de la classe sera soumise.
Léon Blum un homme d’action disait : En politique les vertus sont peu récompensées, mais les erreurs se paient cash.
Allons nous encore une fois de plus susciter un homme providentiel, un souverain absolu aux pouvoirs étendus, placé sur un piédestal qui se contenterait de survoler nos souffrances, ou allons nous changer de paradigmes, admettant avec humilité que la souveraineté appartenant au peuple, aucune prétention d’une culture d’homme providentiel aussi habile soit elle, ne saurait se substituer à un peuple souverain, et providentiel?
Le changement auquel nous aspirons tous, ne viendra d’aucune vérité révélée, sans l‘implication profonde et inclusive de toutes les forces vives de ce pays dans nos mécanismes de solidarité et d’entraide mutuelle.
Face à une telle réalité chaque parti politique, fort de son expérience, et parcours, peut marquer notre chemin commun, par dessus tout, il s ‘agit de rebâtir notre patrie menacée d‘effondrement.
Ce texte peut paraître verbeux, nourri d‘une phraséologie et rhétorique désuètes aux yeux de certains, notamment par la garde montante mettant en avant le jeunisme comme panacée universelle, et
le ‘’dégagisme’’ (une hérésie politique) disqualifiant la vieille garde, dont les chantres du jeunisme dans leur verbatim considèrent qu’il est une thérapie choc menant au sursaut collectif, il n’en demeure pas moins qu’il reste d’une acuité certaine pour rappeler à cette jeunesse que Rome ne s‘est pas construite en un jour ,et qu‘il y a un fonds précieux derrière notre héritage démocratique qui mérite d‘être jalousement préservé et transmis, certes amendable, mais reste une boussole, et une source d‘inspiration, pour tous, car un pays se construit et se développe avec un savant mélange de jeunes et vieux grands commis de l’Etat qui est une continuité, et en sont le dépositaire de sa mémoire, et non avec les uns contre les autres.
Les pourfendeurs du mouvement démocratique de 91 blottis dans la pénombre du CNSP, distillent et entretiennent des bas instincts d’opinion que l’ancienne classe politique est essorée, ses leaders politiques usés, perdus dans la forêt, et sont en panne d’inspiration..
Des telles fausses vérités savamment orchestrées n‘appréhendent point les raisons profondes, et la nature de la Crise, ni l’Etat du pays.
Parmi la vieille garde, que l’on tente de démolir, il y a encore des vrais patriotes qui ne sont pas abîmés par leur passé, et ont le Mali chevillé au corps, et ceux-ci se sont illustrés dans l‘exercice de leur fonction comme étant son dernier porte étendard, le défendant partout, et ont réussi à le faire rayonner sur la scène internationale.
Cette jeunesse aussi abrite en son sein des compétences avérées, mais parallèlement on y trouve aussi des brebis galeuses comme il nous a été donné de voir et juger à la pièce à travers leur gestion de la chose publique.
N’allons pas y chercher que des hommes à la patte blanche en matière de probité la perfection n‘étant pas de ce monde, tomber dans une telle arène avec des attaques uninominales, n’élève, ni n‘honore le débat.
Le prochain président après des élections libres et transparentes rondement menées, suite aux réformes hardies engagées et conformément aux nouveaux textes qui en résulteront, et tirant sa légitimité des urnes d’une manière incontestable et incontestée, doit être en phase avec un nouveau mode de gouvernance, et faire preuve d‘empathie, et de compassion à tout égard.
Il doit pouvoir mettre en œuvre, une justice respectueuse du droit du citoyen, et enclencher des dynamiques politiques nouvelles s’inspirant d’une vision partagée autour d’un programme bien construit qui ne serait pas qu’un miroir aux alouettes, mais qu’il appliquera, dans lequel chaque malien se reconnaîtra et y trouvera son compte, bien que la démocratie n’est pas faite pour rassembler sur les idées, elle est faite pour diviser (Alfred sauvy ) afin que la meilleure l’emporte .
Sa détermination à incarner l‘intérêt commun permettra l‘émergence d’une nouvelle transformation de l’action politique, exprimée au moyen d‘une nouvelle énergie communicative autour des résultats concrets.
ll doit aussi comprendre qu’un pays ne se gouverne pas qu’avec des incantations, des formules, postures, des spécialistes de réunions, commissions, et experts en tous genres grevant le budget de l’Etat, plutôt se gère avec des objectifs précis et bien planifiés .
En somme, il se doit d’être didactique afin d’aider à la compréhension des enjeux.
Devant une tâche vaste et un chemin ardu, il a le devoir impérieux de rassembler au delà de tous les clivages politiques, afin de ramener la paix sociale, et surtout travailler à un nouvel imaginaire politique qui puisse vertueusement imprimer ses actions au quotidien, et s’entourer d‘hommes politiques responsables, ancrés dans nos valeurs humanistes, des hommes intègres dotés des compétences étendues, et qui sont en capacité de répondre aux énormes attentes et défis de ce pays .
Au plan sécuritaire
Toute armée est bâtie autour d’une vision idéologique : le patriotisme.
Elle est l’émanation d’une vision impulsée par son chef suprême des armées.
Notre doctrine militaire doit être révisée de fond en comble pour l’adapter à la nouvelle menace terroriste, cela nécessite fondamentalement que l’on ajoute une nouvelle corde supplémentaire à notre arc en diversifiant notre coopération militaire avec d‘autres puissances étrangères qui viendront en appui à barkhane, avec ultime objectif d’accélérer la montée en puissance des Famas afin qu’elles puissent assurer leur propre autodéfense à Moyen terme.
Aucun pays souverain ne doit durablement confier sa sécurité à des forces étrangères, ni la sous traiter indéfiniment.
Au plan éducatif
Investir massivement dans le capital humain valorisé par l‘instruction et le savoir afin que notre jeunesse soit bien préparée aux métiers de demain qui sont logés dans les niches d‘innovation technologique: start up, et dans la transition numérique..
Au plan sanitaire
L’Etat doit poursuivre ses efforts dans la création et réhabilitation des centres hospitaliers afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients dans les CSCOM, et mettre le personnel soignant dans les meilleures conditions rémunérant bien sa prestation, et valorisant son salaire afin qu’il puisse dignement exercer son métier.
Au plan démographique
La population malienne atteindra 25 millions d‘habitants en 2025. Cette forte croissance 3% par an, absorbant le surplus dégagé par la croissance. Cette démographie galopante ne s‘accompagnant pas assez d’une amélioration du niveau de vie individuel, finira au regard de l’évolution des besoins croissants par exercer une pression forte sur les ressources budgétaires.
Au plan économique.
Son économie reste marquée par la faiblesse de son industrie, 300 industries y compris les boulangeries dont 90 en panne, et caractérisée par la vétusté de ses équipements bénéficiant de peu de financement. En cause sa mauvaise articulation au secteur agricole ne facilitant pas la transformation des produits primaires, et l‘inexistence d‘un marché bancaire conséquent favorable à l‘investissement et à son développement.
Autant d’obstacles freinant l’ambition d‘une politique fiscale compatible avec le financement du budget.
Au plan des infrastructures.
Il y a une forte montée du localisme suite à une dégradation des routes qui ne peut trouver réponse que dans une décentralisation poussée, où les régions disposant des ressources qui leur seront attribuées pourront à l’avenir s’occuper de la gestion des routes.
De quel horizon viendra le prochain président ?
Il y a une envie d’aller dans l’univers associatif et société civile, qui envoient quotidiennement des cartes postales et servent d’encartés dans les réseaux sociaux pour le CNSP, suscitant sa présidence pour la transition, et misent après sur un retour de l’ascenseur pour qu’enfin une personnalité de la société civile soutenue par la junte puisse sortir du bois, émerger, et finir par s’imposer naturellement.
Sans apriori aucun, et sans préjuger des prochaines élections le jeu étant ouvert, les Maliens mettront toujours un politique de l’ancienne classe politique sur le podium ; ils savent par empirisme qu‘en politique on construit sa carrière marche après marche, et qu’il ne sert à rien de courir comme un papillon qui aime brûler ses ailes aux plaisirs de la vie, ni jeter ce pays dans une aventure.
Au moment venu ils préfèreront toujours des vieux expérimentés qu’à un jeune qui préfère jouir d’un moment de gloire fugace à toute une vie de sens et de but, comme nous l’avons vu avec un certain clan, j‘aimerais en être démenti, mais l‘avenir nous le dira.
Robert kenedy a dit un jour : « Peu d’entre nous auront la grandeur de changer l’histoire, mais chacun de nous peut changer une partie des événements pour que la totalité de tous ses actes permettent d’écrire l’histoire d’une génération »
Un pays qui brandit l’orgueil au plus haut comme moyen de réussite, et où l’humilité est au plus bas, de surcroît récompense l‘ignorance au détriment de l‘intelligence, les vertus n’y peuvent que sauter.
Au peuple avant gardiste de 91 et à tous les dignes fils de ce pays, le Mali gémissant est à la croisée des chemins. Encore une fois, il lance un vibrant appel à tous.
L’énergie sur laquelle nous avons construit sa démocratie ne doit pas s‘essouffler, mobilisons nous, non pas dans l’adversité totale, mais dans une dynamique unitaire pour imprimer la nouvelle période qui s’ouvre de la marque de 91, et pour rappeler que son héritage est à pérenniser et à faire fructifier.
Hamet Soukouna
Commerçant
Source: Le republicain mali