Evénement socio-culturel qui est à sa 196è édition, le « Yaaral » marque le retour de transhumance des troupeaux
Diafarabé est une localité située à 45 kilomètres de Ténenkou. Le village est célèbre pour sa traditionnelle traversée des animaux de retour des zones exondées du Sahel pour les bourgoutières du Delta central du Niger. Diafarabé ouvre le cycle des traversées qui vont se poursuivre à un rythme régulier et finiront par la localité de Dialloubé en avril prochain.
Cette 196è édition de la traversée était placée sous la présidence du ministre du Développement rural, Bocari Tréta, qui avait à ses côtés son homologue de la Fonction publique et des Relations avec les Institutions, Bocar Moussa Diarra, l’ambassadeur d’Allemagne au Mali, Günter Overfeld, le chef de la Délégation de l’Union européenne, Richard Zink, le gouverneur de la Région de Mopti, Kaman Kané et le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM), Bakary Togola. Comme à l’accoutumée, la foule était au rendez-vous de la manifestation culturelle.
La traversée représente un événement majeur dans la vie socio-culturelle de la zone. Pour l’occasion, les jeunes filles revêtent leurs plus beaux atours. Les jeunes femmes et jeunes filles peules se tressent les cheveux et se tatouent les mains et pieds au henné. Elles arborent leurs bijoux en or massif ou en argent et rivalisent avec les grands boubous en bazin brodés.
Animations folkloriques, chants de bergers et déclamation de poèmes ont largement agrémenté la journée. Les festivités se poursuivront pendant des semaines dans les autres villages qui participent à la traversée.
Le chef coutumier, le Diowro, qui est en même temps le gestionnaire des bourgoutières, Elhadj Amadou Barry, a donné le coup d’envoi de la traversée. Les bergers installés sur la rive opposée n’ont pas tout de suite entendu le signal. Il a fallu trois coups de fusil des chasseurs traditionnels pour que les bergers comprennent que le signal de la traversée avait été donné. Ainsi, selon un ordre préétabli, ce sont les animaux de Ouro Tamara, suivis de ceux de Baguidji et de Diaradji qui ont eu l’honneur de traverser les premiers. Ensuite, tout le reste des troupeaux massés sur les berges du défluent principal du fleuve Niger, le Diaka, ont suivi, selon toujours un ordre bien établi.
DES PATURAGES DE PLUS EN PLUS RARES- C’est Amadou Barry, un jeune homme de 15 ans conduisant le troupeau de Diorodji, qui a été désigné comme « meilleur berger » par la commission d’organisation. Il a reçu des mains du ministre du Développement rural une enveloppe de 500.000 Fcfa. Le second au classement est Amadou Diallo (de Naye Cukkibori) qui a reçu une enveloppe de 300.000 Fcfa. Le troisième prix (200.000 Fcfa) est revenu à Sidi Diallo. La remise des prix aux bergers primés et des cadeaux à la délégation ministérielle s’est déroulée dans un tohu-bohu indescriptible.
Les jeunes garçons primés et les autres bergers ont bravé, 6 mois durant, les intempéries, et supporté les privations pour faire paître leurs animaux et leur assurer à l’arrivée un bel embonpoint. Les bergers ont expliqué que le plus dur pour eux avait été de trouver des pâturages et des pistes de transhumance. Ces espaces sont, pour la plupart, occupés aujourd’hui par des champs.
Le chef coutumier, le Diowro, Elhadj Amadou Barry, un fonctionnaire à la retraite, a fait un bref historique du « Yaaral » qui veut dire en langue peule « traversée des animaux ». Au départ, se raconte-t-il, les meilleurs bergers recevaient des mains des jeunes filles, des paniers de colas. C’est dans les années 1940 que le vétérinaire français Marcel Draon a introduit la pince à castrer et des équipements vétérinaires pour récompenser le troupeau le plus gras, le troupeau qui nage le mieux et le berger qui nage le mieux.
REFUS DE PAYER LES FRAIS DE VACCINATION- En 1942, le chef de canton Elhadj Demba Diallo a offert une bague en argent au meilleur berger Bokary Ali Dia de Mamba. A partir de 1961, Barema Bocoum, alors ministre des Affaires étrangères, a invité les ambassadeurs à la traversée. C’est à cette date que les autorités se sont intéressées à la traversée. En 1963, le président Modibo Kéita présida la cérémonie.
Quarante ans plus tard, en 2003, le président Amadou Toumani Touré assista la traversée. Pour la présente édition, le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita était annoncé. Des banderoles avec des messages de bienvenue et des portraits du chef de l’Etat sont ainsi affichés un peu partout. Mais l’urgence provoquée par la brusque poussée de fièvre Ebola, a contraint Ibrahim Boubacar Kéita à réviser son agenda. Après avoir présenté des excuses au nom du président de la République, le ministre du développement rural a promis de s’investir pour que le chef de l’Etat soit présent à la 197è traversée en 2015. Cette annonce a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements par la population.
Cette année, le département du Développement rural a donné une nouvelle dimension à l’événement en offrant aux éleveurs une importante quantité de vaccins (17.500 doses) pour lutter contre certaines pathologies animales. Ce don vise à encourager les vaccinations de masse du cheptel. Il faut dire que les éleveurs bien que conscients de l’importance de la vaccination sont de plus en plus réticents à se prêter à cette pratique. Pendant la crise sécuritaire dans les régions du Nord, le Comité international de la croix rouge (CICR) avait organisé des campagnes de vaccination gratuite du cheptel en vue de compenser l’absence des vétérinaires dans la zone. Depuis, la plupart des éleveurs ne veulent plus payer les frais de vaccination du cheptel lors des campagnes organisées par le gouvernement. Pourtant, ces sommes sont véritablement à la portée de la bourse des éleveurs : de 100 à 175 Fcfa la dose et par tête. La culture de l’assistanat et de la gratuité est malheureusement passée par là.
Envoyé spécial
M. COULIBALY
source : essor