Faux enregistrement de marchés publics pour un montant total de 30 786 017 FCFA ; réception sans réserve des marchés non entièrement exécutés pour un montant de 52 605 500 FCFA ; non-mobilisation de la caution de la garantie de restitution de l’avance de démarrage pour un montant de 118 497 960 FCFA ; et apposition de visa sur des marchés dont les prix sont supérieurs à ceux indiqués par la mercuriale pour un montant total de 783 749 928 FCFA ; en passant par la gratuité accordée sans base légale pour un montant total de 663 075 708 FCFA et à la distribution fictive d’équipements agricoles pour un montant total de 518 738 107 FCFA .
Autant de pratiques frauduleuses décelées par le vérificateurs général dans la gestion de la Direction des Finances et du Matériel (DFM) du Ministère de l’Agriculture et qui ont occasionné une perte sèche de plus de 2 milliards FCFA (2 167 453 220F) pour l’Etat malien, pendant les exercices 2021 (à partir du 2e trimestre), 2022, et 2023 (30 septembre).
Décidemment, la DFM du Ministère de l’Agriculture est mal barrée. Les irrégularités financières engendrées au niveau de ce service dépassent l’entendement. D’où des contre-performances. A tous les niveaux. Ou presque.
En clair, la DFM du Ministère de l’Agriculture dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à une personnalité, aussi controversée que le DFM, Mohamed M. Traoré. Pendant 2 ans, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit. Et les irrégularités financières n’ont pas été comptabilisées en centaine de millions mais en milliard de FCFA : 2,167 milliards de nos francs.
La DFM du Ministère de l’Agriculture n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, ses responsables n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, la mauvaise gouvernance au sein de ce service n’a atteint un tel degré.
Irrégularités administratives
La vérification financière de la gestion des exercices 2021 (à partir du 2e trimestre), 2022, et 2023 (30 septembre) de la DFM du Ministère de l’Agriculture a permis de déceler que des commissions de gestion dans les zones encadrées par les DRA (Direction régionale de l’agriculture) délivrent des autorisations d’achat groupées. Au lieu d’une autorisation d’achat par producteur, lesdites commissions délivrent en une seule autorisation, des quantités d’engrais destinées à plusieurs producteurs. Pire, les services techniques du Ministère de l’Agriculture ne s’assurent pas du respect des calendriers de livraison de l’engrais subventionné. L’analyse des attestations de livraison a révélé que plusieurs fournisseurs n’ont pas respecté les délais de livraison fixés.
La Commission de Gestion et de Suivi du programme pilote de subvention des équipements agricoles a effectué des distributions irrégulières d’équipements. En effet, sur la base de saisines individuelles de postulants, ladite commission a elle-même procédé à la distribution des équipements acquis dans le cadre du programme de subvention, contrairement aux dispositions de la convention qui attribue le rôle de répartition à l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture (APCAM) et aux Chambres Régionales d’Agriculture (CRA).
La Direction des Finances et du Matériel a admis une expression de besoin non conforme. Pour la demande d’achat de trois (3) machines de nettoyage de semence initiée par la Direction Nationale du Génie Rural (DNGR) à travers sa Lettre n°0107/DGNR du 3 mai 2023, la DFM n’a pas demandé les éléments permettant d’établir que la commande répond à un besoin comme l’exige la réglementation en vigueur. En outre, les équipements, objet du marché d’un montant de 394 993 200 FCFA notifié le 19 septembre 2023 pour un délai de 60 jours, n’ont pas été livrés malgré le dépassement du délai contractuel. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même la DFM du ministère de l’Agriculture ne procède pas à la codification et à l’immatriculation des immobilisations. En effet, les équipements agricoles acquis dans le cadre du programme de subvention ne sont pas codifiés et immatriculés avant leurs transferts aux bénéficiaires.
La gestion de la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Agriculture est comparable à celle d’une épicerie. Elle n’utilise pas le compte bancaire pour l’alimentation de la régie d’avances. En effet, dans les lettres de prélèvement adressées au Trésor public, le DFM demande l’émission des chèques au nom du Régisseur au lieu de la Direction des Finances et du Matériel. Le Régisseur opère alors tous les règlements en espèces et ne respecte pas le montant maximum de disponibilités de la Régie d’avances.
Le Régisseur d’avances, Ibrahima Aliou Touré, a dépassé le plafond des dépenses autorisé sur la régie. Il a effectué des dépenses de fonctionnement dont les montants individuels sont supérieurs à 200 000 FCFA, plafond fixé par la réglementation.
Le Régisseur d’avances procède à des décaissements avant justification. En effet, le Régisseur d’avances, au lieu d’exécuter les dépenses, remet des avances aux responsables des services relevant du Département contre des décharges.
Irrégularités financières
D’un montant total de 2 167 453 220 FCFA, les irrégularités financières de la DFM du département de l’Agriculture sont relatives au faux enregistrement de marchés publics par des titulaires de marchés pour un montant total de 30 786 017 FCFA ; à la réception sans réserve des marchés non entièrement exécutés par la commission pour un montant de 52 605 500 FCFA ; à la non-mobilisation par le Directeur des finances et du matériel de la caution de la garantie de restitution de l’avance de démarrage pour un montant de 118 497 960 FCFA ; à l’apposition de visa par le Délégué du Contrôle Financier sur des marchés dont les prix sont supérieurs à ceux indiqués par la mercuriale pour un montant total de 783 749 928 FCFA ; à la gratuité accordée sans base légale pour un montant total de 663 075 708 FCFA ; à la distribution fictive d’équipements Agricoles pour un montant total de 518 738 107 FCFA.
Bref, la DFM du Ministère de l’Agriculture a été sacrifiée sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, la caisse de la structure a subi une saignée financière de plus de 2 milliards de francs CFA.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « prince » de la DFM du Ministère de l’Agriculture.
Selon ce système, le responsable de la structure veille aux « bons soins » de ses pots et de sa propre personne: enveloppes de fin du mois, marché de gré à gré, bon de carburant à gogo, voyages à l’étranger et autres cadeaux en nature. Du moins, s’il veut éviter les « ennuis ».
En revanche, les faits relevés dans le rapport du vérificateur général et qui sont susceptibles de constituer des infractions à la loi pénale et à la législation budgétaire et financière concernant ces irrégularités financières ont été dénoncés au Procureur de la République du Pôle National Economique et Financier et transmis au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême. Depuis, les responsables de la DFM du Ministère de l’Agriculture ne dorment plus que d’un œil.
Jean Pierre James