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Destruction et pillage des banques au Nord du Mali : Les populations demandent réparation de préjudices

Depuis le premier coup de feu de la rébellion en 2012, plus précisément le 17 janvier 2012 (début de la rébellion dans la ville de Ménaka), les rebelles, après avoir attaqué la ville et fait descendre le drapeau malien, avaient comme cible une caisse d’épargne. Depuis ce jour, les institutions financières ne sont plus stables dans les régions nord du Mali. En faisant un tour dans les villes de Mopti, Tombouctou et Gao, nous nous sommes rendu compte que les banques sont revenues. Certains agences et guichets fonctionnent, mais la destruction et le pillage des banques à Tombouctou, Mopti et Gao ont déstabilisé les circuits financiers qui soutenaient l’économie de ces régions…

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Les conséquences demeurent que les populations, pour ne pas dire les déplacés et réfugiés, qui sont revenus, ont de sérieux problèmes car le tissu économique s’est détérioré à cause de la crise. Avec les réticences de l’Etat à indemniser les victimes et le manque de confiance des populations en ces institutions financières, la situation de crise, déjà grave, risque de s’empirer. Une tournée dans les régions concernées, nous a permis de voir certaines réalités de la vie au quotidien des populations.

Mopti est la seule région où tout fonctionne. Les banques, les caisses d’épargne, le trésor et les impôts y sont et fonctionnent. «C’est la pauvreté et la rareté de l’argent qui posent problème. Parce que les jihadistes n’ont pas séjourné chez nous et n’ont pas occupé la ville de Mopti», nous révèle Abdoul Konaté, enseignant à l’école Komoguel de Mopti. Certes, la ville de Mopti n’a pas été occupée par les jihadistes, mais les populations estiment en revanche que les choses ne sont pas faciles. Les touristes se font rares. Les hôtels, bars et autres espaces de loisirs ne marchent plus.

Au-delà de Mopti, nous nous sommes rendus à Tombouctou. La ville des 333 Saints vit au ralenti. Les jihadistes y ont séjourné durant 9 mois pendant lesquels rien ne marchait, car les banques ont été pillées. Certaines d’entre elles ont été même utilisées comme lieux d’hébergement.

Mais aujourd’hui, la ville se réveille petit à petit et commence à retrouver son visage naturel. Les déplacés et réfugiés sont de retour ou continuent de revenir. Tombouctou a 6 agences de banque et elles marchent toutes, sans problème. Certaines ont été refaites après la libération de la ville. Selon le premier adjoint au maire de Tombouctou, Kalifa Ag Imama, les agences fonctionnent aujourd’hui, mais le trésor et les impôts ne marchent pas.

Ce qui rend le travail de la mairie et d’autres structures étatiques difficile, surtout pour les fonds qui doivent passer obligatoirement par le Trésor public. Les marchés de reconstruction, les fonds d’appui, de développement des collectivités tournent au ralenti. Ce qui fait que les activités dans les collectivités traînent à Tombouctou.

«Même pour faire des demandes, c’est un problème parce que nous n’avons pas de timbres, le trésor n’est pas là. Les écoles de certaines communes ne marchent plus parce que le trésor et les impôts ne sont pas à Tombouctou. C’est une injustice, parce que c’est l’avenir de nos enfants qui est menacé par l’Etat malien», fulmine Mohamed Aguissa, enseignant au lycée Mahamane Alassane Haïdara de Tombouctou.

Alfaga Ag Assibite est un cultivateur qui n’a pas eu droit à des subventions agricoles, parce que les banques ont été pillées pendant la crise. La plupart des marchés qu’il avait avec les fournisseurs passaient par le Trésor public, mais aujourd’hui, ce sont de nombreux paysans qui attendent l’ouverture du Trésor à Tombouctou.

La situation est encore plus compliquée dans les collectivités décentralisées de la région. Les populations sont dans un contexte socio-économique de précarité qui reste lourd de dangers pour une résurgence des conflits, parce que le tissu économique est faible.

Quant aux femmes, elles lancent un cri de cœur. Elles qui bénéficiaient plus des fonds d’Ong et structures étatiques. C’est ce nous a expliqué la présidente des femmes de Kabara à Tombouctou, Maïga Zénab Cissé. Elle n’a pas caché les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées à Kabara.

La saison des pluies est terminée, mais elles n’ont pas eu de prêts, encore moins de soutiens. «Nous sommes là avec nos enfants, nous vivons au jour le jour. Maintenant, on ne parle plus d’argent, nous souhaitons le retour de la paix.

Les financements des activités sont révolus et les femmes se contentent des tontines. Même là encore, ce n’est pas facile de cotiser 500 Fcfa par semaine, c’est pourquoi on est à 250 Fcfa. Mais, ce ne sont pas toutes les femmes qui peuvent payer ça et faire face aux dépenses quotidiennes dans les foyers», explique-t-elle.

Le souhait des femmes de Tombouctou est que l’Etat essaye de redonner confiance aux partenaires afin qu’ils reviennent financer les activités génératrices de revenus pour les femmes. «L’Etat doit nous mettre dans nos droits, en nous aidant. Si cela n’est pas fait, il aura à payer des dommages causés par son absence», ajoute-t-elle.

Gao, la grande ville qui vit au rythme de la crise

Pendant l’occupation jihadiste, et lors de la guerre de libération, Gao, la grande ville dans le Nord du Mali a été victime de plusieurs actes. Ici, les banques, le Trésor public, les impôts ont été pillés ou saccagés par les jihadistes. Mais de nos jours, Gao retrouve son souffle : les banques sont ouvertes, le trésor et les impôts travaillent, même s’ils sont dans d’autres bâtiments en attendant la fin des travaux.

Ici, les fonctionnaires de l’Etat, les enseignants et autres agents des collectivités disent avoir choisi d’autres travaux, en plus de ce qu’ils font. Mais certains ont préféré quitter l’étatique pour aller avec le système des Nations-unies. La région est couverte par la Minusma qui est devenue aussi source de nouveaux boulots pour les jeunes chômeurs.

Mais, selon Aboubacar Maïga, cordonnier au quartier Dioulabougou, «rien ne peut remplacer l’Etat, parce que ce sont des emplois ponctuels. Nous faisons ce que nous voyons et trouvons pour vivre. Nous vivons en fonction de la crise, mais il faut de vrais boulots», nous raconte Aziza Koné, nouvellement recrutée à la Minusma, bénévole à l’hôpital de Gao pendant la crise.

Elle a même oublié ses arriérés de salaire parce que les banques ne fonctionnaient pas et l’Etat n’avait pas fini de payer les fonctionnaires à Mopti, Ségou et Bamako, à plus forte raison assurer les maigres sous des bénévoles et stagiaires. C’est pourquoi, avec l’arrivée de la Minusma, elle a passé le concours pour être recrutée.

Si certains jeunes se tirent d’affaire, tel n’est pas le cas pour tous. Car l’économie de la ville ne tourne pas beaucoup. La raison est simple. Selon le président de l’Association des banques et établissements financiers du Mali, la crise a occasionné la perte des encours de crédits sur la clientèle dans les trois régions occupées, qui sont de 11 milliards 852 millions de Fcfa au 30 avril 2012. Selon lui, lors des différents pillages, plusieurs titres de propriété donnés en garantie des encours bancaires consentis aux emprunteurs ont été emportés. De même, les documents administratifs ont subi des dommages.

Les problèmes sécuritaires ont entraîné le rappel du problème bancaire : 74 agents bancaires ont été rapatriés de Kidal, Gao et Tombouctou. Ce qui rend la reprise difficile. Plusieurs jeunes ont perdu leur boulot, car les banques, en revenant, ont pris des dispositions. Celles qui étaient sous le choc, ne sont pas revenues à temps. Les agents des banques, enseignants, fonctionnaires de l’Etat qui font fonctionner l’économie, ont eu des problèmes qui ont déstabilisé les circuits financiers.

Gao fonctionne, les choses reprennent, mais loin du rythme habituel. «Pour revenir à la situation d’avant-crise, ce sera difficile parce que l’Etat n’est pas revenu totalement, plusieurs structures et Ong traînent les pas. C’est pourquoi l’Etat doit revenir, sinon son retour sera difficile», avoue Abdoulaye Guindo, commerçant au marché de Dioulabougou.

Les banques maliennes ont perdu plus de 17 milliards 700 millions Fcfa

C’est ce que nous a confié Moussa Alassane Diallo, président de l’Association des banques et établissements financiers du Mali (Apbef). Les pertes enregistrées par les banques, au titre des encaisses emportées par les rebelles au 30 avril 2012, se chiffrent à 3 milliards 824 millions Fcfa. Par ailleurs, les encours de crédit sur la clientèle dans les trois régions occupées sont de 11 milliards 852 millions Fcfa au 30 avril 2012.

Au 30 avril 2012, l’évaluation de la valeur des dégâts causés sur les immobilisations des différentes banques a atteint 2 milliards 091 millions Fcfa. Sans oublier les dégâts concernant les mobiliers et matériels de bureau, les matériels informatique, bureautique, monétique, les agencements et installations, les bâtiments et les matériels roulants. Ces matériels ont été emportés, détruits ou brûlés, selon le premier responsable de l’Association bancaire.

En récapitulant, «les pertes probables des banques dans les régions du Nord du pays sont aujourd’hui estimées à 17.768, 62 milliards Fcfa», indique Moussa Alassane Diallo. Selon lui, des réflexions très approfondies doivent être menées pour la relance de l’économie malienne.

À ce titre, selon lui, deux pistes d’analyse semblent opportunes : l’investissement et la consommation. Le président de l’Apbef met l’accent sur la création d’un fonds d’indemnisation des victimes. Ce fonds n’a pas vu le jour encore et plusieurs victimes sont dans l’attente. L’Etat a tout de même donné des prêts à certains commerçants afin qu’ils puissent reprendre leurs activités dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal.

Avec les réticences de l’Etat à indemniser les victimes et le manque de confiance des populations dans ces institutions financières, la situation de crise, déjà grave, risque de s’empirer. La destruction et le pillage des banques à Tombouctou, Mopti, Gao et Kidal ont occasionné la perte de 18 milliards de Fcfa, selon le président de l’Association des banques et établissements financiers du Mali.

À en croire Moussa Alassane Diallo, un tel contexte socio-économique de précarité reste lourd de dangers pour une résurgence des conflits. De ce fait, les populations demandent réparation des préjudices causés par l’Etat à travers son absence dans les régions du nord, qui crée une situation d’injustice.

 

Kassim TRAORE 

Source: Le Reporter

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