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Destitution d’IBK du pouvoir: La junte militaire n’est pas la solution au problème malien

Et de 4 pour le Mali ! Après Modibo Keita en 1968, Moussa Traoré en 1991, Amadou Toumani Touré en 2012, c’est au tour du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) d’être déposé par la soldatesque malienne.

Contraint par des officiers partis du camp militaire de Kati et à la solde de l’ex-chef de la sécurité du chef de l’État limogé quelques instants auparavant, IBK a présenté, tard dans la nuit du 18 août 2020, dans un bref message radiotélévisé, sa démission. Au passage, il a dissous l’Assemblée nationale, mettant ainsi fin à l’ordre constitutionnel. Les choses se sont donc accélérées ces dernières heures, précipitant ainsi à nouveau le Mali dans les incertitudes. 

Avant tout propos, l’on peut déjà se féliciter du sens élevé de responsabilité du président démissionnaire qui  a travaillé à minimiser les dégâts. Sous d’autres cieux, des chefs d’État accros du pouvoir auraient fait dans la résistance, transformant ainsi le pays en une mare de sang. Cela dit, la question que l’on peut, tout de go, se poser suite aux récents événements, est la suivante : l’armée peut-elle être la solution au problème malien ? 

L’armée est  elle-même l’une des causes du problème malien 

D’aucuns y croient dur comme fer si l’on se réfère aux scènes de joie qui ont suivi l’arrestation du chef de l’État. Sont de ceux-là, sans doute, les militants et sympathisants du Mouvement du 5 Juin/Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP) de l’imam Amadou Dicko, qui campaient dans la rue pour exiger le départ sans condition d’IBK de la présidence de la République. Mais que l’on ne s’y trompe pas, l’armée malienne ne peut pas être la solution au problème malien. Et pour cause. D’abord, parce qu’elle est elle-même l’une des causes du problème. En effet, parmi les raisons qui ont jeté les Maliens dans la rue, il y a l’insuffisance des résultats sur le front de la lutte contre l’insécurité. Malgré les immenses ressources financières englouties et l’assistance technique de contingents militaires étrangers, l’armée malienne qui ressemble, à bien des égards, à une armée mexicaine, peine à faire reculer les groupes armés qui écument le Mali. Et certaines causes de cette insuffisance de résultats, ce sont la corruption, l’affairisme et les détournements de deniers publics qui ont fait leur nid au sein de la haute hiérarchie militaire malienne.

Du reste, selon un récent rapport, au moins 9 généraux de l’armée figurent sur la liste des milliardaires maliens. C’est dire si la guerre au Mali est devenue une véritable industrie pour les militaires de notre pays. À ces maux bien connus, vient s’ajouter l’incompétence de ces hommes en armes dont les seuls hauts faits militaires sont les renversements des régimes politiques qui se sont succédé à la tête de l’État malien. Tout se passe comme si à Kati, d’où sont partis les hommes en armes qui ont destitué le président IBK et où est située la plus prestigieuse école militaire du Mali, l’on n’enseignait que les coups d’État. Ensuite, l’armée malienne ne peut être une solution à la crise malienne parce que, au fond, le problème du Mali est que les Maliens ne croient pas à la démocratie.

Le CNSP n’échappera pas au destin du CNRDRE

À l’exception du président Alpha Omar Konaré, ils ont chassé, par la rue, tous les dirigeants qu’ils se sont pourtant eux-mêmes librement choisis dans les urnes. Et c’est en cela que cet énième coup de force traduit l’échec non seulement des élites politiques et intellectuelles du pays, mais aussi celui de toute la société malienne. C’est dire que quel que soit l’homme qui s’installera aux commandes de l’appareil d’État au Mali, son action est vouée à l’échec à cause des comportements antidémocratiques des Maliens. L’autre question que l’on peut se poser face à la situation politique au Mali, est la suivante : la junte militaire qui a opéré le coup de force du mardi 18 août dernier, aura-t-elle plus de chances que le capitaine Amadou Haya Sanogo qui avait renversé, en 2012, le président ATT ?  Seuls les officiers qui la dirigent ont la faiblesse d’y croire, n’ayant pas compris que l’ère des coups d’État est définitivement révolue. Quand on entend le concert de réprobations qui fusent de par le monde, il est certain que ces officiers qui ont balayé le palais de Koulouba, n’auront pas le temps de s’y installer malgré le clin d’œil qu’ils font à la communauté internationale en appelant à la mise en place d’une « transition civile dans des délais raisonnables ». Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) présidé par le colonel Assimi Goïta et ses frères d’armes, n’échappera pas au destin du CNRDRE (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État) du capitaine putschiste qui a fait irruption sur la scène politique malienne, le 22 mars 2012. Il ne vivra que le temps d’un feu de paille. En tout cas, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a déjà pris une batterie de mesures de rétorsion, entend l’y contraindre.  

En attendant de voir donc de quoi sera fait demain pour le Mali, l’on peut craindre que cette brusque accélération des événements n’aggrave le péril sécuritaire au Mali et au-delà, dans la sous-région. Car, l’on se souvient que c’est le coup d’État de 2012 qui avait ouvert le boulevard aux groupes armés du Nord du Mali.

Quant à IBK dont le sort est encore entre les mains des putschistes, son cas devrait sonner comme un avertissement, sans frais pour tous les chefs d’État qui s’illustrent par la mauvaise gouvernance (politique et économique) et qui, comme Alpha Condé et ADDO, refusent de s’imaginer une autre vie en dehors du pouvoir.

Jean Pierre James     

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