Exploitation outrancière des ressources minières proches du pillage au détriment des communautés locales, désintérêt et fausses promesses d’investissement des autorités, négligences et exclusion dans la prise en compte des projets de développement, enclavement et sous-développement sur tous les plans… La 1re région administrative a ingurgité jusqu’à la lie le miel amer de l’abandon et de la méprise insultants des autorités. Seconde Vache laitière du pays, à côté de Sikasso, Kayes dit stop au « nyedonya » (manque de respect et de considération). À l’initiative de la jeunesse consciente et des leaders de la diaspora, Kayes a enfin choisi de se faire entendre. Soutenu par Koulikoro, la région a décidé d’une grande journée de mobilisation contre l’oubli, l’abandon, la méprise et les faux engagements des autorités en bloquant, ce vendredi 23 aout 2019 la RN1.
Ainsi donc, à l’initiative des organisateurs, il n’y aura pas de trafic toute la journée de ce vendredi 23 aout 2019 de Kati à Kayes et de Kayes à Diboli. Objectif de cette détermination populaire : amener les autorités à respecter leurs engagements en matière de désenclavement et de développement, dont le premier attendu par l’ensemble de la région qui est la réparation de la route Kayes-Bamako.
À l’origine de l’initiative, l’appel de jeune Kayesien Mamedy Dioula Dramé, très engagé pour la cause, très vite adoubé par la diaspora. Début août, il lance un vibrant appel vidéo sur les réseaux sociaux aux populations de Kayes et de Koulikoro pour une grande mobilisation afin d’exiger la réparation sans délai de la route. Au fil des ralliements, la date du 23 août a été retenue et la revendication a été étendue à la reprise du train voyageur ainsi qu’à d’autres routes. Pendant une journée, les véhicules gros porteurs ou bus ne sortiront pas et ne rentreront pas également.
Une région délaissée
depuis 1960
Coup de pub d’activistes locaux en quête de notoriété ou gestation d’une révolte longtemps contenue par toute une région ? Il serait d’un bon conseil de se déconnecter des conseilleurs de Bamako, se pencher véritablement sur les souffrances longtemps endurées par les populations de cette région qui, plus que Kidal, donne tout et manque de tout. Depuis l’indépendance, les populations de toutes communes de la région, notamment celles des zones aurifères, vivent dans la poussière des pistes soulevée par le va-et-vient incessant des énormes camions des industries minières. Les enfants y vivent continuellement dans la poussière, des maladies pulmonaires se développent chez la majorité d’entre eux entrainant des décès précoces, des handicaps à vie.
Depuis l’indépendance, les populations de l’ensemble des cercles de cette région vivent comme une fatalité des décès brutaux liés à des accidents, faute d’infrastructures routières et/ou sanitaires adéquates. Chacun se souviendra du problème du scanner de l’hôpital régional de Kayes pour l’acquisition duquel il a aussi fallu que toute la région donne de la voix. Mais tout le monde oublie ou feint d’oublier en même que les 340 milliards de manne financière provenant de la diaspora et l’or produit dont les recettes soulagent le Trésor public provient, en grande partie de cette région et de ses enfants expatriés. Une région qui a vu et voit chaque jour défiler des autorités, accueillies à bras ouverts, venant rechasser de promesses qu’elles oublient avant de regagner Bamako.
Au nombre de chimères vendues à cette région, on peut citer entre autres : outre le second pont de Kayes, les travaux de réhabilitation du tronçon Kati-Kolokani-Didieni, la route Sadiola-Kéniéba, celles de Kita-Toukoto-Bafoulabé avec la construction de deux ponts et de Nioro-Yélimané-Dialaka… mais où en sommes-nous avec la première phase de la réhabilitation de la route Kati-Diéma-Kayes-Diboli ?
Long de 154 km, le Tronçon Kati- Kolokani –Didiéni sur la RN1 fait partie des tronçons les plus dégradés au Mali. Or, ce tronçon (Kati – Kolokani-Didiéni- Dièma-Kayes), constitue la principale porte d’entrée terrestre des marchandises au Mali. Les travaux de sa réhabilitation, estimés à 78,47 milliards FCFA pour une durée de 30 mois, sont en arrêt quelques semaines seulement après leur lancement officiel, le 23 octobre 2018, malgré les promesses mensongèrement rassurantes de la ministre en charge des Infrastructures et des Equipements Traoré Zenaibou Diop.
Promesses non tenues
Pour qui s’en souvient, cette dame honorable qui serait elle-même originaire de Kayes (quand ça l’arrange) la ministre en charge des Infrastructures et des Equipements, Traoré Zenaibou Diop, puisque c’est d’elle dont il s’agit, lors d’une interpellation, avait soutenu que le financement de la réhabilitation de cet axe était acquis, voire disponible. Un an après, force est de constater que sa parole n’a eu la noblesse de s’allier aux faits.
Des travaux, ils ne sont que nom, le prétexte de l’hivernage ne peut cacher 11 mois de stagnation et l’effilocha de l’espoir des Maliens, notamment ceux de Kayes.
En tout cas, au constat, la dégradation scandaleuse de ce tronçon considéré comme la principale porte d’entrée des marchandises au Mali affecte sérieusement les recettes douanières 2019, lesquelles ont été du reste revues à la baisse et pour cause, on peut se demander si les orties théâtrales sur le terrain et ses promesses saisonnières n’étaient finalement que de la poudre aux yeux. C’est pourquoi beaucoup de ressortissants de Kayes estiment que toute négociation avec les autorités en vue de la reprise des travaux devraient passer par son limogeage pour promesses non tenues. Et d’autres vont plus loin en disant attendre le choix du président IBK entre toute la région de Kayes et sa ministre de l’Équipement.
Le ton des messages partagés sur les réseaux devrait, en raison de la grogne légitime des populations de cette région et de l’impératif de la cohésion et de la stabilité du pays, conseiller les autorités à plus de clairvoyance et de justesse dans les décisions. La menace de sécession brandie est certainement excessive, mais elle n’en demeure pas moins une menace de plus à tenir compte dans les fragilités que le pays vit. La docilité de ces populations ne pouvant en aucun cas être prise comme de la servilité.
Des motifs d’interpellation
L’erreur serait de croire qu’il s’agit d’un mouvement d’humeur de jeunesse ou spontané qui peut être contenu à coup de piston ou de baga-baga, comme par le passé. La mobilisation et la détermination de grogne doivent être sérieusement analysées, les autorités pouvant difficilement alléguer la bonne foi.
En effet, le gouvernement, à travers un ministre, s’était engagé. L’état de la route Bamako-Kayes doit aujourd’hui interpeler au regard du nombre des morts enregistrés chaque semaine : une dizaine avec un pic en octobre 2018 où l’on a enregistré 26 morts en 16 jours et une centaine de blessés.
Ce même mois d’octobre, le président de la plateforme politique « IBK Doublé 2018 », Boubacar Touré a été victime d’un accident de circulation sur le même trajet. Un bus d’une compagnie de transport Nour a fait, le 20 octobre 2018, un accident sur le tronçon Kayes-Bamako, plus précisément entre Sandare et Kayes. Le bilan est lourd : 4 morts et 18 blessés graves.
Le dimanche 21 juillet, le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Logement social, Hama Ould Sidi Mohamed Arbi, et les membres de son cabinet, qui revenaient d’une mission à Kayes, ont dû constater avec amertume l’état impraticable de la route nationale 5 reliant Bamako au Sénégal, en passant par la première région du Mali, Kayes.
À cela, il faut ajouter les fréquentes attaques contre les Cars et les véhicules sur cette route devenue la plus dangereuse de la République. La route de Bamako-Kayes via Didiéni qui tue … Son état désastreux engendre des accidents mortels, la prolifération des coupeurs des routes. Les chauffeurs contraints à rouler à vitesse réduite, les convois deviennent vite des proies faciles pour « les coupeurs « de routes …ces braqueurs n’hésitant pas à faire usage de leurs armes pour tenir en respect et dépouiller les passagers livrés à eux-mêmes, dans l’oubli de la République.
Kayes zappée par IBK
Est-ce au regard des risques d’accidents que le président IBK a préféré se rendre à Kayes, en fin octobre 2018, par avion au lieu d’emprunter la route pour constater par lui-même le calvaire que vivent ses compatriotes de cette région ?
En tout cas, il n’a pas échappé aux kaysiens que lors de son adresse à la nation pour le nouvel an, le président IBK auquel ils ont donné leurs suffrages leur a superbement ignoré et a totalement zappé leur région. Aucune promesse de routes, d’échangeur, de viaduc, de rails… encore moins le paiement des cheminots. Des cheminots qui attendent toujours la reprise du train voyageur promis depuis 2013. Les édifices du chemin de fer sont toujours là, mais les trains ne sifflent plus de Bamako à Kayes en passant par Kita malgré les promesses… Les richesses minières, les opportunités notamment en matière agricole, pastorales et touristiques.
Qu’est-ce que Kayes a fait pour mériter un tel délaissement, un tel oubli, une telle méprise ?
Un pays est un ensemble de personnes ayant la même histoire, la même civilisation, la même culture vivant sur un territoire précis et gouverné par un chef suprême que nous appelons d’ailleurs président de la République. Ce dernier est le père de toute la nation dans sa diversité ethnique et religieuse, linguistique et régionale, ses ambitions et priorités partagées.
Pourquoi vouloir oublier et exclure Kayes, pendant qu’on puise et pille ses ressources minières pour renflouer les caisses de l’État. Le manque de moyens ne peut expliquer la négligence que subit Kayes en matière d’infrastructures, sur le plan du développement et du désenclavement. Comme le disent les enseignants : ‘’peut mieux faire, l’État du Mali pour Kayes’’.
La colère des jeunes, la grogne des populations excédées doit à cet égard être comprise si on ne veut pas donner de prétexte à d’autres irrédentistes de ce côté-là aussi. Comparaison n’est pas raison, peut-être ! Mais, l’exemple surtout quand il est mauvais, mais profitable est parfois contagieux.
Que dieu inspire et éclaire nos autorités et les populations de Kayes pour la cohésion, l’unité et le progrès de l’ensemble du Mali.
Par Sidi DAO