Les Procureurs des Pôles économiques et financiers de Bamako et de Kayes procèdent depuis quelques semaines à des interpellations dans le cadre de la lutte contre la corruption. Les mandats de dépôt et les contrôles judiciaires se suivent à un rythme régulier, semant la panique dans les rangs de celles ou ceux qui se croyaient intouchables. L’opinion publique nationale et les partenaires techniques et financiers suivent de près les dossiers liés aux détournements de deniers publics.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle opération est déclenchée par la Justice. Sous le président Alpha Oumar Konaré, il y a une vague d’arrestations de PDG et de DG dans le cadre de la fameuse lutte contre la corruption et la délinquance financière. La montagne a accouché d’une souris car ils ne sont pas nombreux à avoir été condamnés et la plus plupart d’entre eux se sont retournés contre l’Etat.
Jusque-là, le ministre de la Justice et les magistrats à la manœuvre aujourd’hui ont la réputation d’être intègres pour résister à l’instrumentalisation à des fins de règlement de compte politique ou personnel. Ils ont la lourde responsabilité de veiller à ce que la justice soit juste. Et surtout d’éviter toute théâtralisation de la procédure.
Le président IBK et son gouvernement n’ont d’autre choix que leur faciliter la tâche. Les institutions de la République sont suffisamment discréditées aux yeux de l’opinion nationale et des partenaires techniques et financiers. Certains diplomates ont cassé la digue des réserves par rapport aux affaires maliennes. L’ambassadeur de la République Fédération d’Allemagne au Mali, Dietrich Becker, déclarait il y a peu faire plus confiance aux chefs de village qu’aux institutions de la République et qu’il n’encouragerait pas un Allemand à investir au Mali vu l’état de corruption de la justice. Avant lui, une célèbre avocate qui fut par la suite Garde des sceaux n’a-t-elle pas déclaré devant le Président de la République, président du Conseil supérieur de la Magistrature que « les magistrats sont indépendants de tout sauf l’argent sale ?».
Les pouvoirs publics ont l’obligation de soutenir cette lutte implacable contre la corruption et autres mauvaises pratiques qui minent la gouvernance du pays. Bien menée, cette opération pourrait contribuer à donner un peu de crédit à la gestion des affaires publiques par le président IBK qui, dit-on et à sa décharge, refuse toujours de s’interférer dans les dossiers au niveau de la justice. L’hebdomadaire « L’inter de Bamako » a titré dans sa dernière parution que le chef de l’Etat a rabattu le caquet à certains caciques du Rassemblement pour le Mali (RPM) en leur déclarant que personne ne sera protégée et que chacun répondra de ses actes devant la justice.
S’ils décident de prendre leur courage à deux mains, les juges peuvent convenablement aider le Mali à se redresser. Sauf que l’autre grande plaie de la démocratie malienne est le manque de courage des juges. La thèse a d’ailleurs été brillamment défendue par le jeune procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bougouni, Idrissa Hamidou Touré, dans son réquisitoire lors de sa prestation du nouveau gouverneur de cette région. « Il y a deux couches sociales qui sont à la base de tous les problèmes que nous avons : les politiques et les juges. Les premiers ont manqué d’honnêteté et le second de courage pour les arrêter. Ces hommes politiques depuis l’avènement de ceux qui appellent la démocratie ont été malhonnêtes, ils n’ont jamais dit la vérité au peuple. Ils manipulent le peuple pour arriver à leurs fins. Les juges ont manqué à leur rôle. Les juges ont manqué le courage de mettre les hommes politiques en prison », a-t-il déclaré.
Comme quoi, le Mali regorge encore d’hommes et des femmes honnêtes et intègres pouvant monter à l’arbre de la transparence, donc capables de mener à bout cette lutte contre la corruption et la délinquance financière qui anéantissent tous les efforts de développement.
Source : Le Challenger