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Des centaines de milliers de réfugiés fuient les attaques djihadistes au Burkina Faso

« C’est la crise humanitaire qui grossit le plus vite au monde », s’alarme Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), en visitant Barsalogho, petite ville du centre-nord du Burkina Faso, région qui accueille 270 000 déplacés et réfugiés fuyant les violences djihadistes et intercommunautaires.

« En févier 2019, il y avait 60 000 déplacés au Burkina. Il doit y en avoir plus de 600 000 aujourd’hui. Les gens ont peur », souligne M. Egeland, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des affaires humanitaires. « Ce chiffre devrait atteindre 900 000 personnes d’ici avril. Les violences continuent de contraindre des familles à quitter leur foyer ».

Le Burkina Faso, frontalier du Mali et du Niger, est confronté à des attaques djihadistes, qui ont fait plus de 750 morts depuis 2015. Sous-équipées et mal entraînées, les forces de l’ordre burkinabè n’arrivent pas à enrayer la spirale de violences. Selon l’ONU, les attaques djihadistes au Mali, au Niger et au Burkina ont fait 4000 morts en 2019.

Viols et meurtres

Dans le camp du secteur 2, des enfants piaillent sur une petite aire de jeu tandis que des femmes préparent le repas. Un océan de tentes blanches carrées entoure des hangars.

Tahibata Ouédraogo, mère de trois enfants, vit là depuis cinq mois.

« Nous avons fui les attaques à Guiendbila (40 km au nord de Barsalogho). Nous avons essayé d’y retourner après quelque temps mais on a été interceptés par des terroristes qui nous ont fouettés, puis ont exécuté l’apprenti chauffeur du véhicule qui nous transportait », explique Tahibata, la gorge nouée, toujours sous le choc.

« Quand nous allons chercher du bois en brousse, ils (les terroristes) nous attrapent, en violent certaines ou introduisent des objets dans notre sexe. Certaines ont été évacuées à Kaya pour ces faits et d’autres sont mortes ».

« On tue nos maris et nos enfants. Qu’allons-nous devenir sans maris ni enfants? »

Un millier de personnes vivent sur le site du secteur numéro 2, installé depuis six mois par le NRC.

« On ne sait pas qui nous attaque, mais ce sont généralement des jeunes hommes aux traits de Peuls. On entend des bruits de motos et brusquement ce sont des tueries. Ils viennent en binôme à moto. Un qui conduit tandis que l’autre tire sur les gens. Ils tirent à l’aveugle », explique Adama Zabré, un commerçant de 52 ans, père de 15 enfants, qui a fui son village, abandonnant tous ses biens, notamment son magasin de pièces détachées.

Selon lui, « avant, les djihadistes tuaient uniquement les adultes. Mais présentement, ils tirent sur tous les garçons, adultes et enfants ».

Avec les autres hommes du camp, ils passent la journée à discuter. « On n’a rien d’autre à faire. On ne peut pas cultiver. On ne peut pas s’aventurer dans un rayon de deux kilomètres hors de Barsalogho, au risque de se faire tuer », affirme Adama Zabré. « L’avenir est sombre. On n’a pas de ressources, on vit au jour le jour ».

Au camp du secteur 4, près de 2000 déplacés vivent dans quelque 350 abris dressés par les communautés.

« Des déplacés continuent à arriver. Hier, près de cinquante personnes sont arrivées dans le camp », souligne Adama Derra, qui dit avoir fui Gasseliki depuis sept mois avec ses 4 femmes et 17 enfants.

Dans les camps des secteurs 2 et 4 vivent exclusivement des Mossis, l’ethnie majoritaire au Burkina. Les Peuls vivent sur un autre site, quelques kilomètres plus loin.

« Il ne s’agissait pas de faire une différence, mais les communautés se déplacent entre elles et s’installent ensemble », explique Moussa Tiemtoré, un des responsables du camp.

Les conflits intercommunautaires entre populations mossies et peules sont désormais fréquents dans le pays.

Des non-Peuls font souvent l’amalgame entre Peuls et djihadistes, générant parfois des actions punitives qui appellent ensuite des vengeances, dans un cercle vicieux sans fin.

Grande pénurie

Sur le site abritant la communauté peule, il n’y a « que des veuves et des orphelins », explique Bintou Dicko, une sexagénaire dont l’époux et trois enfants ont été tués lors d’affrontements intercommunautaires dans le village de Yirgou en janvier 2019. Ce sont 48 personnes selon le gouvernement et plus de 200 selon la société civile qui ont été tuées lors de représailles contre des Peuls après l’attaque de Yirgou par des djihadistes. « Nous manquons de tout. Mais ce que nous souhaitons par-dessus tout, c’est la sécurité ».

Contrairement aux autres sites, des militaires y tiennent un poste.

« Ces derniers jours, on évite d’aller au marché car deux d’entre nous y sont allés et ont été battus par des Mossis », témoigne Djetou, fille de Bintou Dicko. « Nous souhaitons une réconciliation entre les communautés, même si on a peu d’espoir de voir cela se réaliser très rapidement ».

Beaucoup de déplacés ne s’arrêtent plus à Barsalogho, jugée trop dangereuse. Sur la piste de terre rouge orangé menant vers le Sud et à Kaya, charrettes et triporteurs se suivent.

« Nous fuyons avant qu’on nous tue », lance Abibata Derra, tirant une charrette de paille.

ledevoir

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