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Démocratie en Afrique : malgré ses nombreux scrutins, l’Afrique régresse.

Le dernier rapport sur la démocratie dans le monde publié par « The Economist » montre que, malgré ses nombreux scrutins, l’Afrique régresse.

Une présidentielle au Togo et en Côte d’Ivoire, des législatives en Guinée et en Éthiopie. L’année 2020 sera riche en élections pour les Africains. Sont-elles pour autant garantes d’une démocratie pleine et entière ? Rien n’est moins sûr. Car malgré la vigueur de la sphère politique africaine, la démocratie y est en recul. C’est le constat du dernier indice de The Economist Intelligence Unit (EIU), un groupe de chercheurs rattaché au magazine britannique du même nom, sur le sujet.

Dans cette 12e édition, les analystes, réputés exigeants, ont évalué le niveau de démocratie des pays selon cinq critères : le processus électoral et le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique et l’état des libertés civiles. En résulte un classement, où les 165 États étudiés y sont classés selon quatre types de régimes : « pleine démocratie », « démocratie imparfaite », « régime hybride » ou « régime autoritaire ».

L’Afrique en régression

Même si un recul global de la démocratie a été constaté en 2019 – l’indice, à 5,44, est le pire score observé depuis sa création en 2006 – l’Afrique subsaharienne fait figure de mauvaise élève aux côtés de toutes les régions du monde. Son indice, à 4,26, est le plus bas depuis 2010. En cause, selon le rapport : des régressions constatées dans les processus électoraux, et moins de pluralisme politique. Au Niger et aux Comores, par exemple, « les autorités ont mis en œuvre des règles interdisant aux personnalités de l’opposition de se présenter à l’élection présidentielle », justifie l’étude. Au Nigeria, même si les élections générales de février 2019 ont été jugées libres et équitables, le processus électoral est resté insatisfaisant, estime EIU.

Pour les économistes, la situation sécuritaire qui prévaut dans le pays a en effet entravé le vote, et constitue l’une des principales raisons de la faible participation électorale, à seulement 34,8 %. « Des taux de participation faibles, engendrés par un intérêt en baisse pour le vote, mais aussi par des problèmes de transport ou d’électricité, ont entravé les processus électoraux qui ont eu cours en 2019 », explique Benedict Craven, économiste chargé du Moyen-Orient et de l’Afrique au sein de l’EIU. Autre élément pointé du doigt par le chercheur, « les changements de Constitution ». Une initiative qui a le vent en poupe en Afrique et qui, pour Benedict Craven, est « une porte ouverte à la manipulation de la population ».

De l’espoir quand même

Malgré de médiocres résultats constatés dans la plupart des pays africains, les analystes ont relevé tout de même quelques progrès. Ils saluent, par exemple, le scrutin à Madagascar, qui, malgré les controverses autour de ses candidats, « a tenu des élections libres et équitables ». Autre bon élève africain de l’étude, la Gambie, dont les analystes saluent le lancement de la Commission vérité et réconciliation. Chargée de faire la lumière sur les crimes perpétrés sous Yayah Jammeh, l’instance a participé à la promotion des droits de l’homme dans le pays, et du débat citoyen. Au Maghreb, c’est la Tunisie qui récolte les bons points des analystes de EIU. Le pays, dont le classement a de nouveau progressé cette année au 53e rang mondial, a passé avec brio le test des élections libres, malgré un contexte peu favorable avec le décès brutal de Béji Caïd Essebsi.

Les initiatives des nouveaux présidents éthiopien et angolais, Abiy Ahmed et Joao Lourenço, sont également accueillies avec optimisme par l’étude. Mais à cause de « la rigidité de ces systèmes basés sur le favoritisme, enracinés depuis des décennies, ils seront difficiles à réformer », prévient-elle. « En Éthiopie, des réformes positives ont été lancées, mais il faudra être patient pour en récolter les fruits, affirme Benedict Craven. La création du Parti de la prospérité, la grande coalition d’Abiy Ahmed, est aussi sujette à interrogations. Maintenant que l’opposition l’a rejoint, où est le contre-pouvoir ? Ce n’est pas bon signe pour la démocratie éthiopienne. » Un constat qui, pour l’économiste, justifie la position du pays à la 125e place de l’index, et son classement dans le groupe des « régimes autoritaires ».

Attentes autour de l’Algérie et du Soudan

Un statut que l’Algérie n’a plus dans le nouveau classement. Désormais « régime hybride », le pays remonte de 13 places, et passe du 126e au 133e rang. Les nombreuses et régulières manifestations, qui ont débouché sur une élection présidentielle en décembre, ont dynamisé la démocratie dans le pays. Malgré tout, la situation reste fragile. Certes « Abdelmadjid Tebboune a remporté une nette victoire avec 58 % des voix », explique l’étude. « Cependant, les candidats étaient tous globalement proches de l’armée, et de nombreux partisans de l’opposition ont boycotté les élections ». Benedict Craven confirme : « Malgré un an de hirak et des élections, l’armée est toujours là. »

Cette mainmise militaire sur les révolutions, l’étude l’observe également au Soudan. Le pays, qui a gagné huit places dans le classement grâce à l’explosion de la « participation politique », est à l’aube d’un profond changement. Omar el-Béchir écarté, les membres du Conseil souverain ont la lourde tâche de conduire la transition démocratique. Mais là aussi, le processus reste tangent. Car l’influence de l’armée dans la sphère politique reste forte. Abdel Fattah al-Burhan, le chef du Conseil militaire de transition, est en effet le président du Conseil pour ses 21 premiers mois. « Il y a un vrai risque de ne pas voir les promesses de la transition se matérialiser. Le Soudan en encore un long chemin à parcourir », prévient Benedict Craven.

Un des plus gros points d’interrogation de l’étude reste le Sahel. La crise sécuritaire violente dans laquelle la région est engluée amplifie « des lacunes » déjà constatées depuis plusieurs années en matière de démocratie. Surtout, elle rend le Burkina Faso et le Mali « de plus en plus dépendants de leur ancienne métropole, la France », que les analystes qualifient de « protectorat de bas niveau ». Un piège, dans lequel s’enferment peu à peu la région et ses gouvernements, « qui ont perdu le contrôle sur la situation », déplore Benedict Craven. Les élections prévues cette année dans la région constitueront un ultime test.


Le Point / MCP, via mediacongo.net

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