Aux Etats-Unis, le chef du Pentagone claque la porte. James Mattis, considéré comme « la voix de la modération » au sein du cabinet Trump, a annoncé jeudi 20 décembre qu’il quitterait ses fonctions fin février. Sa lettre de démission souligne des désaccords profonds avec la politique menée par le président.
James Mattis était pourtant l’un des conseillers de la première heure. Nommé au tout début de l’administration Trump, l’ancien général des Marines, surnommé le « moine soldat » en raison de sa culture historique militaire encyclopédique, était l’un des seuls à tenir encore. Mais le chef du Pentagone est très clair dans sa lettre de démission : s’il part, c’est qu’il ne peut plus cautionner la politique menée par le président. Un aveu, au passage, assez rare pour un secrétaire américain à la Défense.
Il faut dire que ces derniers mois James Mattis avait dû ronger son frein. Renoncer, par exemple, à d’importantes manœuvres militaires en Corée du Sud ou œuvrer à la création d’une force spatiale contre laquelle il s’était exprimé publiquement. Autre contrariété: le président a ignoré son avis en choisissant le prochain chef d’état-major américain. L’annonce du retrait des troupes américaines de Syrie a sûrement été le geste de trop ; l’ancien général, qui a combattu en Irak et en Afghanistan, s’y opposait farouchement.
Inquiétudes de part et d’autres de l’échiquier politique
Son départ semble inquiéter aussi bien dans les rangs démocrates que républicains. Même des soutiens traditionnels de Donald Trump louent, depuis jeudi, les qualités de James Mattis. Ainsi, l’influent sénateur républicain Lindsey Graham salue « l’un des grands chefs militaires de l’histoire américaine ».
James Mattis était considéré, aux Etats-Unis comme à l’étranger, comme l’un des rares conseillers encore capables de raisonner le président et de freiner sa politique « à l’instinct ». « Je n’aurais pas accepté ce poste si je n’avais pas pensé que le président élu serait ouvert à mes suggestions », remarquait le secrétaire à la Défense en janvier 2017, lors de son audition devant les élus du Congrès qui devaient approuver sa nomination. Force est de constater que ces derniers mois, le président ne l’écoutait plus. Tout comme l’un de ses proches alliés à la Maison Blanche, l’ancien secrétaire d’Etat Rex Tillerson, limogé sans ménagement au mois de mars. Ou le conseiller à la sécurité nationale H.R. McMaster, remplacé par le très conservateur John Bolton. Ou encore John Kelly, le secrétaire général de la Maison Blanche, sur le départ lui aussi.
Imprévisibilité accrue à prévoir
Donald Trump écoute-t-il encore ses conseillers ou est-il désormais seul à la barre ? « C’est bien ça qui effraie, d’abord chez les conservateurs traditionnels du Congrès, dans la démission de Jim Mattis (et de John Kelly): celle d’un Donald Trump qui ne lit plus, n’écoute plus que son fil Twitter. Un Donald Trump incontrôlable », analyse Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et co-auteur de Les Etats-Unis et le monde, de la doctrine de Monroe à la création de l’ONU. Un Donald Trump qui peut désormais, sans limite apparente, appliquer à la lettre son programme de campagne : isolationnisme et America First, les intérêts américains d’abord.
James Mattis un quasi-démocrate ? Ecoutez l’analyse de Jean-Eric Branaa :