« Un parcours du combattant »! C’est ainsi que de nombreux Gambiens qualifient les procédures de demande de visa Schengen. Car, pour trouver le sésame, ils sont obligés de se rendre auprès des missions diplomatiques étrangères basées dans la capitale sénégalaise Dakar, à quelque 300 kilomètres de Banjul.Banjul, la capitale du plus petit pays d’Afrique de l’ouest, compte très peu d’ambassades étrangères, ce qui signifie que les options pour les demandeurs de visa en Gambie sont limitées, voire inexistantes.
Au cours des 22 ans de règne de l’ancien président Yahya Jammeh, il y a eu plus de missions étrangères fermées que de représentations diplomatiques ouvertes en Gambie.
Cette situation n’a pas été de tout repos pour les demandeurs de visa pour les pays de l’espace Schengen, tels que la France, l’Espagne, l’Italie, la Suède, la Norvège et le Danemark, pour ne citer que ceux-là.
Au fil des ans, certains de ces pays ont progressivement réduit au strict minimum le personnel d’appui affecté à leurs missions diplomatiques en Gambie. Et ce, parce que le pays renvoyait, à maints égards, à l’image d’un Etat paria, aux yeux de plusieurs gouvernements étrangers qui considéraient alors que la Gambie sous Jammeh vivait dans un climat politique répressif.
Aujourd’hui, trois ans après la défaite et l’exil de Jammeh et malgré les changements politiques notés en Gambie, les conséquences de cet isolement international se font encore sentir à Banjul, en particulier chez les Gambiens désireux d’obtenir un visa ordinaire pour se rendre en Europe.
Ce faisant, l’on en déduirait que le malheur de Banjul fait le bonheur de Dakar la capitale du Sénégal voisin.
A l’inverse, la capitale sénégalaise, une métropole plus internationaliste et qui depuis longtemps est considérée comme la plaque tournante de l’intense activité diplomatique en Afrique de l’ouest a, mieux que Banjul, tiré profit de la situation.
Les Gambiens désireux de se rendre en Espagne, par exemple, sont tenus de braver la durée et autres aléas du voyage au Sénégal, pour accéder aux services de demande de visa.
Ainsi, semaine après semaine, des centaines de personnes effectuent un voyage de cinq heures et demie, soit 303 km, pour déposer leurs demandes de visa à Dakar, où elles trouvent sur place de longues files d’attente déjà formées par d’autres demandeurs originaires du Mali voisin, de la Guinée Bissau et de la Guinée.
Ces démarches peuvent prendre des jours, voire des semaines, pour ces Gambiens qui quittent le confort relatif de leur pays et sont obligés de débourser gros pour se nourrir et se loger, surtout s’ils n’ont ni parents ni connaissances au Sénégal.
Selon Yoro Cham qui a récemment obtenu le sésame après rude épreuve, la plupart des Gambiens demandeurs de visa Schengen vivent un cauchemar.
« En plus de la nature coûteuse des voyages à Dakar, j’ai dû dépenser beaucoup d’argent pour obtenir un visa pour l’Europe, alors que j’avais tous les documents requis et leurs photocopies », a martelé Cham, responsable des innovations en matière de santé chez Action Aid International – Gambie.
Parmi ces calvaires, il se rappelle avoir eu des échanges avec des éléments de la gendarmerie frontalière de Karang qui lui avaient demandé de retourner à Banjul afin d’obtenir un nouveau passavant de circulation pour son véhicule, car celui qu’il avait en sa possession, selon la douane sénégalaise, n’était pas valable.
« Mais après une longue discussion, j’ai été autorisé à entrer au Sénégal », a-t-il déclaré à l’Agence de presse africaine (APA).
Cham s’est également plaint d’extorsion de fonds à Karang, une ville frontalière sénégalaise, où abondent les cambistes.
« Et comme la plupart des voyageurs gambiens ne connaissent pas les taux de change entre la monnaie sénégalaise (le franc CFA) et le dalasi gambien, beaucoup sont à la merci des cambistes qui profitent de cette ignorance pour les escroquer », a expliqué Cham.
Un autre Gambien qui a requis l’anonymat affirme que Banjul est peut-être stratégiquement situé, mais les politiques étrangères antérieures sous l’ère Jammeh ne lui ont pas rendu service, en particulier pour attirer des missions étrangères offrant des services de visa.
« Ce nouveau gouvernement va peut-être se lancer dans une offensive de charme pour attirer des représentations diplomatiques à Banjul de sorte que les citoyens ne soient plus obligés de se rendre à Dakar pour des services minimum de visa », a-t-il suggéré.
« Nous pouvons avoir toutes ces ambassades à Banjul. L’agence Visa-For-Schengen (VFS) pourrait même, comme solution alternative, ouvrir un bureau secondaire à Banjul géré par des Gambiens qui vont assurer le traitement de nos demandes de visa « , a-t-il ajouté avec un brin d’optimisme.
Baba Hydara, co-éditeur et responsable de la production du Point Newspaper (journal local), s’est interrogé sur le motif des frais de visa exorbitants imposés aux demandeurs d’Afrique subsaharienne, du fait qu’ils proviennent des régions les plus pauvres et les plus économiquement exploitées du monde.
Selon lui, même si la plupart des Gambiens ont des parents à Dakar, ils n’ont aucune garantie de bénéficier d’un séjour confortable dans la capitale sénégalaise, étant donné que les conditions de vie sont beaucoup plus chères qu’à Banjul.
« Avant, je restais chez des parents, mais après par la suite je payais une chambre pour la plupart de mes voyages. Et pourtant, les conditions sont toujours épouvantables dans ces hôtels de fortune », s’est plaint Baba Hydara.
En attendant une solution, les députés et autres officiels vivent également ce calvaire, au même titre que les Gambiens ordinaires.
Le ministère gambien des Affaires étrangères n’a apparemment pas voulu se prononcer sur la question, malgré les tentatives répétées du correspondant de l’Agence de presse africaine à Banjul qui souhaitait recueillir l’avis des autorités compétentes.
Source: journaldebrazza