La rencontre doit définir un cadre institutionnel approprié, articuler des projets intégrateurs pertinents et mettre en place un dispositif financier opérationnel. Les enjeux de la coopération transfrontalière en Afrique revêtent une importance particulière. Cette coopération est un vecteur de paix, de stabilisation des zones frontalières, mais aussi de développement économique et social. Elle préfigure enfin à terme une intégration économique et politique africaine plus forte à l’instar de ce qui a pu caractériser la construction européenne il y a plusieurs décennies.
Dès leur accession à l’indépendance, les États de la sous-région ont engagé des politiques communes afin de gérer les effets barrières découlant des frontières tracées par la colonisation. Cela, dans le but de se doter de cadres de concertation pour la réalisation d’objectifs communs de développement basés sur une solidarité entre les Etats.
Notre pays et le Sénégal ont entrepris depuis quelques années une délimitation et une démarcation de leurs frontières respectives à travers la coopération transfrontalière et la réalisation de projets communs plus concrets répondant aux besoins des populations frontalières dans leurs préoccupations diverses. Ainsi, une synergie d’actions a été développée entre les différents acteurs de la question.
Pour consolider cette coopération et intensifier la mise en œuvre d’une politique commune de délimitation et de démarcation, la commission technique mixte paritaire de matérialisation de la frontière Mali-Sénégal est réunie depuis hier à Bamako pour un atelier d’évaluation. La rencontre se déroule à l’hôtel « Les Colibris ». La cérémonie d’ouverture a été présidée par Amadou Billy Soussoko, conseiller technique au ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, en présence du directeur national des frontières, Drissa Sangaré. Une forte délégation sénégalaise conduite par le colonel Edouard Mbengue, adjoint au chef de l’état major du président de la République, chargé de la cellule défense études générales, prend part à la rencontre.
L’atelier vise à évaluer la coopération transfrontalière sur la frontière entre le Mali et le Sénégal qui a enregistré des avancées significatives en 2013 notamment avec une rencontre tenue à Dakar du 15 au 20 mai derniers et celle de Kayes du 15 au 18 du même mois. La session de Bamako constitue étape décisive pour cette coopération. Elle va définir un cadre institutionnel approprié ainsi que l’articulation de projets intégrateurs pertinents et la mise en place d’un dispositif financier opérationnel. Il s’agit également de procéder d’une part à l’élaboration du dossier technique relatif au canevas et à la réactualisation du budget de bornage de notre frontière commune et d’autre part d’élaborer une stratégie de communication et de sensibilisation des populations vivant de part et d’autre de cette frontière commune.
Le colonel Edouard Mbengue a rappelé la vision du programme africain de délimitation des frontières qui exige l’atténuation du poids des frontières qui séparent les États africains. « Le dépassement de la frontière et sa promotion en tant que passerelle reliant un État à un autre offre à nos autorités une opportunité d’imprimer une nouvelle dynamique à l’entreprise en cours d’intégration socio-économique et de renforcement de l’unité de notre sous région, ainsi qu’aux efforts de promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité, à travers la prévention structurelle des conflits. Pour ce qui concerne la frontière Mali-Sénégal, nous avons enregistré d’énormes progrès. Les travaux géométriques ont déjà été effectués, le cadre juridique a été défini, il reste maintenant l’élaboration du dossier technique relatif au canevas et la réactualisation du budget de bornage », s’est-il félicité.
Pour Amadou Billy Soussoko, la rencontre marque le renforcement de la solidarité transfrontalière entre nos pays pour une meilleure intégration des populations vivant le long de la frontière commune. L’avenir de notre coopération au plan transfrontalier se jouera sur trois fronts : la construction d’un cadre institutionnel approprié, l’articulation de projets intégrateurs pertinents et l’existence d’un dispositif financier opérationnel, a-t-il expliqué. Il a réitéré l’engagement du gouvernement à œuvrer dans le cadre de la coopération transfrontalière pour promouvoir des initiatives locales transfrontalières.
Amadou Billy Soussoko a exhorté la coopération allemande (GTZ) à renouveler son accompagnement financier, car indiquera t-il, la mobilisation des ressources financières demeure l’élément moteur de la délimitation, la démarcation et des programmes de coopération transfrontalière.
Il faut rappeler que notre pays est exclusivement continental, donc enclavé au cœur de l’Afrique de l’ouest. Il est l’un des pays les plus vastes de la sous région avec une superficie de 1.241.230 km2 et 7.420 km de frontières terrestres. Le Mali partage ses frontières avec 7 pays : Algérie (1.300 km), Burkina Faso (1.280 km), Côte d’Ivoire (532 km), Guinée (906 km), Mauritanie (2 140 km), Niger (900 km) et Sénégal (362 km). Cette longueur impressionnante des frontières terrestres de notre pays est suffisamment emblématique de la force des relations de coopération frontalière avec les pays limitrophes, mais aussi très significative pour témoigner des mutations intervenues dans le cadre institutionnel de gestion des frontières. Ainsi, de par l’histoire, la culture et les réalités socio-économiques, les gouvernants successifs de notre pays ont fait le choix d’une politique réaliste d’ouverture et de gestion concertée de ces frontières axées sur la concertation permanente pour valoriser la position continentale et contribuer à la pacification de ces frontières sensibles et fragiles.
Dans le cadre de la gestion commune des frontières, le gouvernement a impulsé une nouvelle forme de coopération frontalière fondée sur le concept de «pays-frontière». Dans cette perspective, ce concept apparaît comme un moyen d’accélération du processus d’intégration sous-régional, de renforcement de la décentralisation mais aussi comme une opportunité de développement et d’équipement des zones frontalières communes. Ce concept reconnaît l’existence des lignes frontières entre les différents pays mais s’appuie sur une communauté dynamique vivant des mêmes réalités socioéconomiques et culturelles.
D. DJIRE
Source: L’Essor