Les autorités maliennes peinent à joindre leur politique de décentralisation à celle du désenclavement. Ce qui engendre des situations malencontreuses susceptibles de rendre difficile la coexistence pacifique. Tel est le problème en arrière-plan autour de la route reliant Kalaban-Coro à l’université de Kabala. Elle fait naitre trop de mésententes notamment entre les étudiants et les chauffeurs. Hier, lundi 29 juillet 2019, les chauffeurs des transports en commun ont observé une grève à cause de cette situation. Des membres de l’AEEM en ont profité pour créer de la psychose.
Une route sans vert ni jaune encore moins de bleu, tel était l’état de la route menant de Kalaban-Coro à Kabala. De la confusion totale ! Les uns n’ayant pas d’autres moyens étaient obligés de marcher ; d’autres se portaient à deux sur des motos. Le bord de la route, très animé, par des piétons marchant avec des fardeaux sur la tête. Mais il faudrait faire remarquer que la voie était bien dégagée hier, lundi 29 juillet 2019, pour les véhicules personnels et les motocyclistes.
En effet, nous ne nous rendons pas compte de l’importance d’une chose que lorsque nous en sommes privée. La grève des transports en commun (SOTRAMA, camion-benne, Taxi et tricycles) n’est pas passée inaperçue hier. Cette grève a véritablement handicapé beaucoup de citoyens dans leur mouvement notamment les commerçants. C’est pourquoi Aissata, vendeuse à Kabala, a été surprise, le matin de bonheur, lorsqu’elle a été avertie, alors qu’elle partait prendre ses marchandises au marché de Rail Da, par un apprenti SOTRAMA, de retourner chez elle puisqu’il n’y a pas de travail en raison de cette grève des chauffeurs de transports en commun. « Comment vais-je faire aujourd’hui ? Serais-je obligée de rester sans marchandise à vendre ? Si je fais cela, mon budget sera affecté puisque c’est déjà la fête », s’interrogeait-elle avant de décider de faire finalement le marathon. Elle n’est pas la seule dans cette situation. Tout le monde en est frappé. Au bord de ce tronçon, on apercevait partout des groupes d’hommes et de femmes arrêtés tandis que d’autres gémissants. Tous sont confus. Pendant que certains décident de rentrer à la maison en attendant que la situation se débloque, d’autres tentent leur chance en faisant de l’auto-stop.
Pourquoi cette grève subite, le jour même où le DEF commençait ?
S’agit-il d’un pur hasard et d’une prévision expresse pour se venger ? Nous ne pouvons pas le dire avec assurance. Mais ce qui est sûr, la cause de cette grève réside d’une mésentente entre les chauffeurs des transports en commun et les syndicats estudiantins.
Près de la gendarmerie de Kalaban-coro, les chauffeurs ont bloqué l’accès au fleuve et interdisaient à tout autre transport en commun de rouler sur cette voie menant à Kabala. C’est là où nous avons rencontré Balla, un chauffeur de camion benne. Selon celui-ci, les étudiants les fatiguent énormément sur ce tronçon parce qu’à plusieurs reprises, ils ont fait descendre des chauffeurs de leur engin pour les tabasser. Cela, parce que ces derniers auraient refusé de céder le passage à leur bus. Aux dires de Balla, le dernier cas remonte au vendredi 26 juillet 2019 où des étudiants se sont rendus à la place des camions-bennes de Tiebani, quartier situé entre Kalaban-Coro et Kabala, pour frapper un chauffeur. « Je pense que nous sommes tous des citoyens maliens et nous avons le même droit sur cette route. Alors, pourquoi nous empêcher de rouler sur cette voie ? », s’est-il demandé avant d’évoquer également leurs rapports difficiles avec les agents de police installés devant la gendarmerie de Kalaban-Coro. D’après lui, chaque jour, individuellement, les chauffeurs payent 3000 FCFA à ces agents sans que cela les préserve contre des exactions.
Parlant du rapport difficile avec les étudiants et qui a été le déclencheur de cette grève, Abdoulaye Coulibaly, syndicat des chauffeurs de camion-benne, revient sur cette question. Selon lui, les étudiants pensent que la route leur appartient. C’est pourquoi, dit-il, ils tabassent toujours nos chauffeurs. « Pour la grève de ce matin, je ne suis pas encore intéressé parce que c’est parti des SOTRAMA ; or, leur syndicat ne nous a rien dit par rapport à cet arrêt de travail », explique-t-il pour préciser que cet arrêt des chauffeurs de camion-benne n’est pas un ordre qui vient de lui. Néanmoins, il se dit être disposé à aller échanger avec les autorités communales, s’il le faut. « Nous demandons juste que les autorités trouvent un moyen à cette voie qui est trop restreinte. Si elles estiment que cette voie appartient aux étudiants, alors qu’on nous montre une autre voie », a-t-il recommandé.
Selon Adama Doumbia, chauffeurs de camion-benne sur la même voie, cette grève durera autant qu’il le faudra tant que les choses ne seront pas tirées au clair par les autorités. En attendant, précise-t-il, il a été conseillé à tous les chauffeurs de ne pas emprunter la voie indiquée. « Ce matin (hier), nous étions regroupés à l’intersection de Kalaban-Coro-Baco-Djicoroni lorsque des membres de l’AEEM sont arrivés munis de gaz, de bâtons, de cailloux. Ils ont tiré à balle blanc sur un de nos chauffeurs qui se trouve actuellement à l’hôpital », nous a expliqué M. Doumbia avant de préciser que les chauffeurs ont demandé à leur syndicat de trouver une issue favorable à cette situation, afin que les travaux reprennent sans d’autres menaces, les jours à venir.
Abass, chef d’organisateur dans la cour des colas au marché de Rail Da, précise au contraire qu’il n’y a pas de conflit entre les étudiants et les chauffeurs. Toutefois, il confirme le passage à tabac d’un chauffeur. « Cette route de Kalaban-coro-Kabala est trop restreinte, il faudrait que les autorités trouvent une solution à cette situation. Nous ne voulons pas de problème avec les étudiants », a-t-il précisé avant de déplorer le fait que ce soit leur « fils », les membres de l’AEEM qui leur fassent ce coup.
Escortant deux bus plein d’étudiants de Kalaban-Coro à Kabala, des membres du comité AEEM, ont bloqué la circulation sur cette voie pendant quelques minutes. Munis de bâtons, de barre de fer, de cailloux, ils ont commis des dégâts notamment le passage à tabac du chauffeur cité plus haut, mais aussi au terminus de Kabala, les vitres d’une Sotrama ont été brisées et des apprentis pourchassés jusque dans les rues. Ce qui a créé le trouble parmi les vendeurs au bord de cette voie. Le jeune Sanogo, membre de l’AEEM représentant des étudiants du campus universitaire de Kabala au CENOU et faisant partie du mouvement, explique également les raisons de leur escorte. « Les chauffeurs et les apprentis sont en train d’empêcher nos bus d’amener les étudiants à l’université à cause de leur grève », nous dit-il avant de répondre à l’accusation des chauffeurs en ces termes : « Les chauffeurs des transports en commun pensent que cette route est pour eux seuls ». À ses dires, ils ne se laisseront pas faire.
Contacté par nos soins le coordinateur national de l’association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), Moussa Niangaly, nous a fait comprendre qu’il a rencontré le président des transporteurs en commun. Chacun de son côté a entrepris de sensibiliser ses éléments pour qu’il y ait plus d’accalmie, confie-t-il. S’agissant des bavures commises par des éléments de l’AEEM, il le dément en précisant que la situation déclencheur remonte au vendredi dernier où un étudiant a eu un accident avec une SOTRAMA dont le chauffeur a été agressé par d’autres étudiants. « Ce matin (hier matin), les apprentis ont interrompu la circulation en interdisant au bus des étudiants de rejoindre l’université. Ce qui a entrainé un affrontement entre certains de mes éléments et des apprentis », nous apprend-il avant d’indiquer qu’il y a eu des blessés des deux côtés. Selon Niangaly, le commissaire du 5e arrondissement ainsi que le commissariat de Kalaban-coro sont tous impliqués pour le retour à une situation normale. « En attendant cela, j’ai demandé à ce que les bus attendent à l’université de Kabala aussi bien que sur la colline de Badalabougou», précise-t-il.
Les autorités maliennes ont tout intérêt à prendre au sérieux cette situation en concrétisant leur engagement de réalisation d’une autoroute reliant l’aéroport à l’université de Kabala. Sans cela, ces genres d’amalgames ne seront que récurrents et risquent d’entamer profondément le vivre ensemble dans un pays déjà tendu.
Fousseni TOGOLA
Source : Le Pays