Le gouvernement revient à la charge pour la tenue du referendum sur la révision constitutionnelle. Après une première tentative avortée en 2017, le peuple souverain sera appelé à s’exprimer sur la mesure en mars prochain. Devenue incontournable pour mettre en œuvre l’Accord pour la paix, la réforme constitutionnelle reste un défi pour les autorités, dans un contexte incertain.
« Personne ne peut remettre en cause la nécessité de la réforme dans notre société, ne serait-ce que pour la vivacité de l’ordre constitutionnel. Il y a aussi le fait que l’Accord prévoit des mesures règlementaires, législatives, voire constitutionnelles », affirme le constitutionnaliste Aboubacar Diawara. Dans le passé, des tentatives de révision ont été menées sous Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, sans le moindre aboutissement. Mais l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, signé en 2015, exige une redéfinition de l’architecture institutionnelle et même constitutionnelle. En 2017, l’Assemblée nationale avait adopté un projet de révision de la Constitution du 25 février 1992, mais aussitôt la plateforme « Anté A Bana – Touche pas à ma Constitution », regroupant des associations de la société civile et des partis politiques de l’opposition, s’est opposée énergiquement à l’initiative. Face à la montée de la contestation, le Président de la République, IBK, a « en toute responsabilité » suspendu le projet controversé.
Retour à la charge
Mais ce pas en arrière du gouvernement n’était pas synonyme d’abandon. Pressées par les Nations Unies dans la mise en œuvre de l’Accord, les autorités remontent au front. Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a déjà partagé depuis mi-novembre un projet de calendrier des échéances électorales, y compris le referendum, prévu cette fois-ci en mars. Un comité d’experts travaille déjà sur le sujet, selon le gouvernement, pour aboutir à un document que le Président de la République proposera à l’Assemblée nationale pour adoption. Pour l’heure, les acteurs incontournables patientent avant de se prononcer valablement sur ce qui sera proposé. « On peut difficilement se prononcer sur cette révision, parce qu’on ne sait pas ce qu’ils y mettent comme contenu », indique l’analyste politique Boubacar Bocoum, soulignant toutefois qu’elle est indispensable. Il va même plus loin et fait quelques remarques. « Est-ce qu’on a besoin d’aller à un referendum juste pour une Constitution ? ». Non, répond-il, « la consultation populaire doit être faite à chaque fois que le sujet est crucial. C’était valable pour l’Accord de paix ou pour la décentralisation », précise l’analyste. Pour l’Honorable Mody N’Diaye, Président du groupe parlementaire Vigilance républicaine démocratique (VRD) à l’Assemblée nationale, il est prématuré de s’exprimer sur cette réforme, dont on ne connait pas encore les éléments. « Mais tout le monde sait qu’il y a certains aspects à prendre en charge, comme la création d’une Cour de comptes, et pour rendre obligatoire la loi organique pour la loi des finances et les réformes institutionnelles », avance-t-il.
Quid du consensus ?
« Qu’il y ait consensus ou pas, ce n’est pas un problème, mais il faut que chacun apporte son idée en participant à l’élaboration du document de base. Le droit est là pour nous dire que nous avons le droit de dire Oui ou Non à la réforme », explique Boubacar Bocoum. Un point de vue proche de celui du constitutionaliste Aboubacar Diawara. « Les conditions du consensus doivent être créées au tout début des travaux. Il faut dès le départ que toutes les parties reconnaissent le bien-fondé de la chose, car le consensus n’est pas un résultat. C’est plus une façon de faire que le fait d’obtenir quelque chose », argumente-t-il. Cette méthode inclusive semble être adoptée par le gouvernement, qui doit convaincre le peuple malien de la pertinence et des enjeux de la révision constitutionnelle. D’ores et déjà, l’Honorable Mody N’Diaye considère que « la meilleure façon de réussir une réforme de ce genre est d’engager des pourparlers sur la question avec les partis politiques et d’aboutir à un consensus, parce que c’est un document éminemment politique », souligne-t-il. Dans tous les cas de figure, il y aura, selon le Président du groupe VRD, une démarche à mener pour aller à cette révision, « parce qu’une fois que le Président fait la proposition du projet à l’Assemblée nationale, les députés débattent du texte et il faut une majorité qualifiée pour faire passer d’abord le projet et aller au referendum ». Mais, le plus souvent, les différentes interprétations et analyses approximatives de ces questions majeures désorientent les citoyens et influencent leur choix. Lors de la dernière tentative, il a surtout été mis en avant le fait que la révision portait atteinte à l’intégrité territoriale, quand bien même la Cour constitutionnelle avait tranché. « La peur de l’inconnu ». Aboubacar Diawara invite à se surpasser. « Pour certains, l’Accord a pour objectif de morceler le Mali, mais il revient au peuple de faire recours à son génie et d’exploiter suffisamment sa raison, dans un esprit de collégialité, pour trouver une réponse adéquate, allant dans le sens de la survie de notre unité nationale et de sa consolidation ».
La réforme constitutionnelle devrait en principe proposer également la création d’une deuxième chambre du Parlement, pouvant être appelée Sénat ou Conseil de la Nation, ou toute autre dénomination valorisant sa nature et son rôle. Pour cette seconde tentative, le gouvernement doit tirer des leçons des échecs précédents pour faire passer haut la main le nouveau texte fondamental, que certains sacralisent comme le Coran.
Journal du mali