Aimant touristique et berceau de la culture touareg, la ville malienne de Tombouctou est aujourd’hui le vestige d’une grandeur altérée par l’invasion djihadiste qu’elle a connue ces dernières années. La musique, qui y était jusque-là interdite, commence à se refaire une santé.
Dans un décor scintillant mais intimiste, Khaira Arby donne de la voix. Autour d’elle, un assemblée contemplatrice qui a du mal à se contenir lorsqu’elle entonne sa célèbre chanson Sourgou, un envoûtant hymne à la culture Touareg.
Il y a bien d’années que la cantatrice avait quitté son Tombouctou natal. Mais, le mardi dernier, elle y est retournée, et avec elle, sa musique. Une initiative de l’organisation Tombouctou Renaissance qui compte rassembler les population de la ville des 333 saints à travers la culture. Ce concert qui se tenait à l’Auberge du Désert, l’un des derniers hôtels fonctionnels de la ville, est le premier d’une série qu’espère réaliser l’organisation afin de remettre en scelle une musique marginalisée par les djihadistes.
“Le but était de faire en sorte que les habitants de Tombouctou se sentent mieux et aient un sens de la vie réelle, et une vision plus claire de l’avenir, et tout semble s‘être passé”, explique Cynthia Schneider, cofondatrice de Tombouctou Renaissance et ancienne diplomate.
Nous avons composé beaucoup de musique pendant la crise, mais à l’intérieur des maisons, en secret
En effet, la légendaire ville reconnue pour ses poésies et son héritage culturel, a été réduite au silence par un conflit complexe qui mettait en scène djihadistes armés, forces gouvernementales et forces étrangères. Les sécessionnistes d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) ont pris le contrôle de la ville en 2012 et y ont appliqué la loi islamique, la charia.
Durant leur règne, les femmes ont été forcées à se couvrir, des gens battues pour avoir porté du parfum, des monuments et mausolées détruits… Quant aux musiciens, ils ont reçu des menaces de mort, leurs instruments incendiés.
Une période toutefois mise à profit par les artistes pour stimuler leur créativité musicale. “Nous avons composé beaucoup de musique pendant la crise, mais à l’intérieur des maisons, en secret”, a déclaré Abdulrahman Cissé, un mécanicien et musicien connu localement sous le nom d’Adé, qui faisait les chœurs pour Arby. “Nous chantions sur ce que nous traversions, pour transmettre le message sur ce qui s’est passé”, a-t-il ajouté.
Depuis 2013, l’avancée des forces françaises en 2013 a réussi à ramener une relative normalité dans la ville. Mais les craintes subsistent, car le Nord du Mali reste sous la menace de groupes armés. “Il y a toujours des gens qui ont de mauvaises intentions, alors j’ai peur des bandits, j’ai peur d‘être kidnappée, mais quand je suis avec les gens, je ressens une autre émotion qui me fait oublier la peur”, confie Khaira Arby.
Une passion pour la musique qui surpasse ses craintes. Elle promet du reste de retourner à Tombouctou si un studio d’enregistrement y est construit, comme le promet l’association qui envisage également d’ouvrir un centre pour la jeunesse avec le wifi gratuit, un magasin d’artisanat dans lequel des écharpes brodées seront vendues.
Toutes ces perspectives sont en outre encouragées par la mise sur pied de la Force du G5 Sahel composée de soldats des cinq pays touchés par la crise djihadiste – Mali, Niger, Mauritanie, Burkina Faso et Tchad – qui comptent ratisser les frontières devenues poreuses. Le financement de cette force est en cours de collecte. Mais l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis ont annoncé une contribution de 150 millions de dollars, en plus des 60 millions des États-Unis, des 59 millions de l’UE, sans compter la contribution de 50 millions d’euros pour chacun des cinq pays membres.
Par http://fr.africanews.com
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