Bah N’Daw installe un nouveau logiciel dans la gouvernance malienne : œuvrer pour le bien commun, le bien-être et la paix pour les Maliens. Révélateur des dysfonctionnements à l’œuvre sur le territoire malien, ce discours en dit long sur le degré d’inefficacité des décisions politiques des régimes précédents. Dont un des indicateurs reste la mauvaise gestion, avec ses effets immédiats : le sentiment de rejet des politiques par les citoyens.
Bah N’Daw et Moctar Ouane ne doivent pas s’interdire de voir grand
Le Président de la transition, Bah N’Daw, ne doit pas faillir. Contrairement à son prédécesseur, IBK, dont son régime a été emporté par la crise alors que ses promesses l’avaient hissé au pouvoir. IBK n’a pas su changer le cours de l’histoire. La réponse à la crise reste une des meilleures variables pour évaluer l’action du président. Cela vaut pour Bah N’Daw, mais aussi pour son tout nouveau Premier ministre, Moctar Ouane. C’est le premier test d’envergure nationale et internationale de la capacité du duo (N’Daw-Ouane) à remettre le pays sur les rails de la stabilité et du développement. N’Daw et Ouane sont attendus au tournant de la bonne gouvernance, comme l’avait dit Bah N’Daw à la face du monde dans son discours d’investiture : “… je ferai tout pour que l’impunité zéro soit la norme…“. Le ton est donc donné, il reste à le prouver en coordonnant les efforts avec les pays voisins et les partenaires : Barkhane, Minusma, Eutm…
Dans tous les cas, il n’est plus possible de s’enferrer dans des logiques internes au détriment d’une coopération franche (d’égal à égal) pour résoudre les crises : rupture de confiance entre politiques et citoyens, sécurité, etc. Pour cela, Bah N’Daw et Moctar Ouane ne doivent pas s’interdire de voir grand, car la liberté de choisir des Maliens après la transition en dépend. Surtout face à eux, les narcoterroristes (Amara : 2019) menacent et passent aux actes ignobles : crime organisé, assassinat, banditisme, vol, viol, pose de bombe artisanale, trafic de drogues…
L’appréhension de l’insécurité, l’impunité, les arrangements entre amis pour l’obtention d’un marché public, la tentation de désigner un bouc-émissaire (la faute, c’est toujours l’autre) peuvent vite devenir un terreau fertile pour l’absence de résultats, la corruption, le clientélisme dont le quidam malien est la première victime. Inexorablement, une perte de légitimité s’ensuivra.
Les mots ne suffisent plus, il faut des actes
Le changement du Mali dépend en effet des choix de gouvernance de l’exécutif. Les mots ne suffisent plus, il faut des actes. Le slogan de campagne (Le Mali d’abord) en 2013 du président déchu, IBK, a provoqué un effet pervers : mauvaise gestion, dégradation sécuritaire, crise scolaire, pullulement des groupes terroristes, rupture de confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. Presqu’un fiasco ! Or, Bah N’Daw et Moctar Ouane, tous fins connaisseurs des interstices du pouvoir, ont tout intérêt à changer notre système politique, bien mal en point : faible taux de participation (35 % aux dernières législatives), désintéressement des citoyens à la chose publique, circulation ostentatoire de l’argent dans les élections, etc. Il est donc temps de redonner confiance aux Maliens. Par exemple, et comme on a l’habitude de le voir au Mali, les seuls déplacements du Premier ministre à l’intérieur du pays ne suffisent plus. Pour mesurer les défis à relever, le président de la transition ne doit pas s’exempter de sillonner le Mali, commune par commune, cercle par cercle, région par région. C’est aussi une présence symbolique pour se reconnecter avec le Mali et les Maliens. Il s’agit de reconquérir et de reconstruire le pays. Et cela, sans condition.
Pour conclure, au-delà des déclarations, les initiatives et les engagements de N’Daw et de Ouane donneraient sens aux réformes de l’Etat à venir si celles-ci prennent en compte l’idée que le problème du narcoterrorisme, c’est avant tout celui de la rupture des liens entre les peuples, les territoires et les communautés. Or, ce sont bien ces liens qu’il faut retisser pour des rapports humains justes et simples pour s’assurer de l’avenir du Mali.
Mohamed AMARA
Sociologue