Victor Sy nous a quitté ce mardi 21 mars 2023 à la veille de l’anniversaire de I’ historique 26-Mars. Est-ce un message?
Le 26-Mars a couronné le long combat de cet homme contre Moussa Traoré et son régime qu’il abhorrait. Victor Sy a combattu cet homme et ses compagnons du Comité militaire de libération nationale (CMLN) dès les premières heures de leur pouvoir dictatorial. Il les a bravés à découvert, fustigeant en tout lieu et toute heure, leur politique, leurs actes. La peur s’installait dans tout le pays. Victor lui n’avait pas peur.
Professeur de Sciences physiques/chimie au lycée de Badalabougou, il aimait disserter avec ses élèves, sur la situation politique nationale et internationale, les enjeux en cours, les raisons du coup d’État contre Modibo Keïta dont il était un ardent défenseur. Membre de la Jeunesse-Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (J-US-RDA), il n’a jamais accepté cet acte de forfaiture qu’il dénonçait violemment partout, à telle enseigne qu’il était appréhendé par la police à chaque mouvement de contestation. Un tract était-il lancé, une marche était-elle faite, des propos ou des critiques étaient-ils tenus contre le CMLN, Victor était le premier en faire les frais. Il était aussitôt recherché, arrêté, battu, torturé, envoyé au Camp de parachutistes de Jikoroni ou loin dans les prisons du désert saharien.
Rien n’y fait. L’homme ne s’est jamais tu. II ne s’est jamais caché, il n’a jamais tenté de s’enfuir. Une fois libéré, il récidivait dans des dénonciations d’actes posés par ses tortionnaires et ce, en face d’eux.
Victor Sy avait accepté le sacrifice de soi-même pour l’éveil de conscience des Maliens qu’il voulait voir s’assumer, prendre leur destin en main et se battre.
Son combat était pour la démocratie et la souveraineté du peuple.
Dommage qu’il n’ait pas accepté de prendre le leadership d’un mouvement. Il a choisi d’être un électron libre depuis ce coup d’État du 19 novembre 1968.
Malgré le fait de la Transition en cours de s’être émancipée en 2021-2022 de l’état impérialiste français, chose que Victor a toujours revendiquée et qu’il a saluée, il est amer de constater que toute sa vie de combat se trouve aujourd’hui banalisée, flétrie par les actes des Autorités de cette même Transition.
Elles accaparent le pouvoir, prennent en otages le peuple, mettent en place un régime militaire comme en 1968 et reconduisent le système de corruption, de forfaiture combattu par l’insurrection populaire de 2020 avec la trahison et la complicité de quelques dirigeants de Mouvement du 5 juin-R assemblement des forces patriotiques (M5-RFP) qui ont fait le choix de leurs intérêts personnels. C’est Victor qui méritait le qualificatif d’imperturbable, de patriote sincère et convaincu, de guide, de guerrier…Il s’est assumé et il a marqué son temps, ne demandant jamais une faveur.
C’est une légende qui nous quitte. Mais comme toute légende populaire, elle demeurera éternelle nous rappelant à son souvenir dans les moments troubles de pouvoir ou de domination inacceptable qu’il n’y a pas d’autre issue que de se battre.
J’ai rencontré pour la première fois Victor Sy que je connaissais bien évidemment de nom, le vendredi 9 janvier 1988 à Dakar. C’était au cours d’un dîner que j’avais fait organiser dans un restaurant par mon ami Malick Bathily.
Je me rappelle de tous les détails de cette soirée à cause des enseignements politiques, organisationnels livrés par l’homme à qui j’apportais le travail de la société civile au pays et bien sûr de l’organisation clandestine à laquelle j’appartenais. Nous étions dans la phase de rapprochement. Avec le FNDP ou en cas d’échec de création d’une association politique de lutte pour la démocratie.
C’est ce qui donna finalement naissance deux (02) ans plus tard au CNID.
Dans son exil forcé au Sénégal, Victor ne vivait, ne pensait que pour le Mali.
Ce soir du 9 janvier 1988, il nous mit en garde contre certaines dérives, certaines alliances pour éviter des échecs douloureux à la lutte de notre peuple. Ces craintes hélas se sont avérées justes. Elles expliquent le dérapage que nous connaissons depuis trente (30) ans.
Merci Victor pour cette voie de dignité, d’amour pour la patrie, de courage qui a éclairé, façonné ta vie, tes relations et qui a donné un sens à l’existence individuelle et collective de tant de jeunes, de tant de Maliens.
À ton épouse Aminata Konaté Sy notre camarade et ma collaboratrice au Ministère de la Culture, à tes enfants à ta famille, à tes nombreux amis, je présente au nom de Espoir Mali Koura, EMK nos condoléances.
Que la terre lui soit légère!
Cheick Oumar SISSOKO
21 mars 2023
HOMMAGE À VICTOR SY
Paix éternelle à son âme ! Mes sincères condoléances à sa famille, à ses amis, à ses compagnons et à ses proches !
Il y a des Hommes qui marquent beaucoup leur passage sur la terre ! Ils s’oublient et s’illustrent pour la cause commune !
Le doyen Victor Sy a été de tous les combats et de toutes les peines pour la liberté, la dignité, la personnalité et la souveraineté du peuple malien ! Son nom a fait trembler et couper le sommeil aux tombeurs du président Modibo Keïta ! Après le coup d’État du 19 novembre 1968, il suspend ses études en France et rentre au pays natal pour cheminer auprès de son peuple. Des journaux français de l’époque annoncent son retour avec fracas ! Il fait partie de ceux qui m’ont montré le chemin ! Dans les années 1970, avec Mamadou Doucouré Vo, il enseignait les Sciences physiques en langue bambara.
Il prend toujours d’assaut les Assemblées générales de l’Union Nationale des Élèves et Étudiants du Mali (UNEEM) et n’a jamais hésité à montrer les sévices corporels après ses multiples arrestations ! Il aurait certainement dépassé les 87 ans si les puissants de l’époque l’avaient considéré comme un être humain !
Acteur indépendant du mouvement démocratique, il n’a adhéré à aucune tendance et il est obligé de s’exiler à Dakar ! La jeunesse malienne doit comprendre que le combat pour un Mali meilleur n’a pas commencé aujourd’hui !
Il a été invité deux fois pour animer une conférence au lycée Massa Makan Diabaté sur l’école malienne, lors de la célébration du 5 octobre, Journée mondiale des enseignants !
Nous aimons toujours célébrer les Grands Hommes de leur vivant ! C’est seulement après la chute du régime de Moussa Traoré qu’il est nommé INSPECTEUR de PHYSIQUE-CHIMIE ! Il méritait mieux !
Dors en paix, Doyen, la vie est ainsi ! Tu as amplement mérité de tous ceux qui ont véritablement le Mali dans leur cœur !
Lassana Namaké KEITA, Aimé Césaire, Homme de Lettres et de Culture
Source : Inter De Bamako