La commémoration du 26 mars, cette année, est marquée par des réactions de partis politiques et organisations de la société civile pour réclamer l’organisation d’élections aux fins d’un retour à l’ordre constitutionnel au Mali. Après des réactions éparses de partis et plateformes politiques (et pas des moindres) puisqu’on retrouve l’Adema-Pasj, le Parena, l’ARP, La Plateforme Yéléma-M5-RFP Mali kura, pour ne citer que ceux-là, la classe politique et la société civile ont décidé d’une action commune pour réclamer la tenue des élections devant marquer la fin de la Transition en cours au Mali. C’est ainsi que, réunis au siège de l’Adema-Pasj, plus de 80 partis et organisations ont signé en ce sens une déclaration commune non sans lancer un appel à tous les autres partis politiques et organisations de la société civile de les rejoindre, notamment pour signer cet appel dans lequel “il est demande aux autorités en place, au regard du vide juridique et institutionnel (…) de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive, pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser, dans les meilleurs délais, l’élection présidentielle”.
Pour ceux qui appellent à des élections en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, il y a un vide juridique depuis le 26 mars 2024 car le Mali n’est plus dans une transition et les autorités actuelles sont des autorités de fait. Elles n’ont plus qualité à engager le pays dans quoique ce soit ou engager les ressources du pays dans quoique ce soit. Les signataires du communiqué ajoutent qu’ils auront recours à “toutes les voies légales et légitimes, pour le retour” du Mali à l’ordre constitutionnel normal et dans le concert des nations, gage de la stabilité politique.
De son côté, le Réseau des défenseurs des droits humains (RDDH), qui regroupe une cinquantaine d’organisations locales, dans un communiqué signé de son président, Souleymane Camara, appelle à un retour de “l’ordre constitutionnel”. Le RDDH affirme : “Il est temps de sortir de cette impasse, d’autant plus que le dernier report de la transition a expiré le 26 mars”. Non sans préciser que “le pays traverse des difficultés énormes et la transition n’a pas vocation à régler tous les problèmes du pays”.
De toute façon, à la lecture des communiqués diffusés çà et là, on sent un certain énervement de la classe politique qui souligne au passage le silence des autorités de la Transition qui ne pipent mot de cette fin supposée de la Transition. Les signataires du communiqué de la coalition de partis politriques et organisations de la société civile ajoutent qu’ils auront recours à “toutes les voies légales et légitimes, pour le retour” du Mali à l’ordre constitutionnel normal et dans le concert des nations, gage de la stabilité politique.
Parlant de l’usage de voies légales, signalons que, déjà, la Référence syndicale des magistrats et l’Association malienne des Procureurs et poursuivants, a déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle pour constater et déclarer vacante la présidence de la République. Pour les auteurs de cette requête : “La Transition militaire illégalement en cours dont les tenants ont eux-mêmes illégalement fixé la durée sans la moindre influence extérieure, vient donc de prendre fin définitivement le 26 mars 2024 conformément au Décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 du président de la Transition”.
Ces deux organisations disent “se fonder sans équivoque sur les articles 37, 40, 144 et 186 de la Constitution ainsi que de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et d’autre part sur les dispositions pertinentes de la Loi organique modifiée déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle, ainsi que de la procédure suivie devant elle”.
Dans leur requête, la Refsyma et l’Ampp rappellent que l’article 37 de la Constitution précité stipule : “La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ou par voie référendaire. Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice”.
Pour justifier le bien-fondé de leur démarche en tant que société civile, le Refsyma et l’AMPP rappellent les dispositions de l’article de la Constitution cité ci-haut : “Les organisations de la société civile exercent, dans le cadre de la démocratie participative, une mission de veille citoyenne dans les conditions déterminées par la loi” et l’article 144 de la Constitution, rappelle-t-on dans la requête, stipule en son alinéa 2 : “La Cour constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics”.
Les requérants, dans leur argumentaire, évoquent “la négation des libertés et droits fondamentaux, outre les manœuvres déloyales, le dilatoire, les menaces et fuites en avant, dans le dessein de se maintenir au pouvoir et de le confisquer par la force des armes”. Avant de préciser : “Aucun acte n’a été posé dans le cadre de l’organisation des élections en vue du retour à l’ordre constitutionnel”.
La suite à donner à cette requête par la Cour constitutionnelle du Mali est encore attendue, mais d’ores et déjà, son argumentaire est scruté, surtout en référence aux positions et décisions par le Conseil constitutionnel sénégalais qui a réussi à sauver les élections dans ce pays, redorant, du coup, les institutions du genre en Afrique, considérées jusque-là comme des suppôts des pouvoirs exécutifs auxquels elles restent inféodées.
Des soutiens à la Transition, notamment qui prônent sa prolongation, il y en a certes, mais loin de l’euphorie qui avait accueilli ce régime d’exception et en faisait une sorte de légitimation. C’est vrai qu’avec l’usure du temps, la sympathie manifestée pour le régime transitoire s’estompe, même si on apprécie à sa juste valeur les performances réalisées en matière sécuritaire. Mais le vie nationale ne se résumant à la question sécuritaire, les difficultés économiques, les délestages dans la fourniture d’eau et d’électricité, un cocktail explosif contre le développement du secteur privé qui voit ses entreprises rendre gorge tous les jours, tels sont des facteurs qui ne plaident pas en faveur de la Transition qui doit éviter de s’éterniser pour perdre tout son crédit car le temps ne semble pas jouer en sa faveur, si l’on en juge par les réactions politiques et celles de la société civile qui montrent, à souhait, que l’organisation d’élections est la chose la mieux partagée, actuellement. Mais comment et quand y parvenir ? That is the question !
Amadou Bamba NIANG
Journaliste et Consultant