Pour la circonstance, on pouvait, entre autres, noter certaines questions qui ont fait l’objet de débat, la genèse de cette crise, la gestion de la pression internationale pendant cette période, les réformes constitutionnelles et institutionnelles, l’Acte fondamental du CNSP…
Sur la genèse de la crise, Moussa Mara rappelle que le changement intervenu les 18 et 19 août 2020 est consécutif à des tensions sociopolitiques, notamment les dernières élections législatives. Tout le monde savait que quelque chose n’allait pas, le président IBK a échoué, et les choses se sont empirées sous son régime, explique M. Mara.
Sur la question, Mountaga Tall a invoqué les mauvaises conditions dans lesquelles IBK a été réélu en 2018. Il trouve que de la mauvaise gouvernance, IBK est passé à la non-gouvernance. Comme genèse de la crise, l’avocat Tall met l’accent sur le désengagement de l’État des secteurs vitaux ou régaliens du pays : sécurité, santé, éducation, justice, agriculture, problème de routes.
Comme l’origine de la crise, Mme Diarra Racky Talla souligne que les problèmes du pays datent bien avant IBK. Néanmoins, elle admet que les problèmes persistaient et que l’ex-locataire de Koulouba n’a pas bénéficié du soutien de la majorité présidentielle. De son côté, Adam Dicko suppose que l’échec du pays peut être attribué à tous (classe politique, société civile, citoyen). D’après elle, chacun d’entre nous a manqué à son devoir.
Baba Dakono aborde dans le même sens, soutenant que les attentes du peuple ont été, depuis l’avènement de la démocratie, nombreuses. L’analyste maintient qu’une crise de confiance existait entre l’État et les citoyens depuis longtemps. Une question ayant fait que certains citoyens ont tourné le dos à l’État, rejoignant les groupes terroristes. Aux dires d’Adam, la faute incombe aux hommes politiques si le Mali se trouve face à ces problèmes accumulés. Loin d’être d’avis, le président du CNID s’oppose à la notion d’échec de la classe politique d’Adam, plaidant qu’il y ait des politiques honnêtes qui ne font pas parti. Citoyen comme politique, c’est tout le monde qui est responsable de cet échec, confie Mme Diarra Racky Talla.
Baba Dakono quant à lui, parle de la rigidité de la constitution malienne contenant des vides. Selon lui, les gens déçus de la démocratie peinent à être satisfaits par les autorités.
Au sujet de l’Acte fondamental du CNSP
Au sujet de l’Acte fondamental du CNSP, Adam Dicko convient qu’il ne peut pas y avoir deux actes fondamentaux tant que la constitution est en vigueur. « Il faudrait que les militaires acceptent qu’il y a eu un coup d’État, au lieu de nous mettre dans une autre situation par cet acte fondamental », a-t-elle décrit. L’Acte fondamental n’est pas juridiquement acceptable, dit Me Tall. De cet Acte, Moussa Mara dit l’avoir compris dans le sens de se doter d’un cadre permettant aux militaires d’agir et de prendre des décisions. Juridiquement, note l’ex-ministre Talla, cet Acte du CNSP a des imperfections. L’Acte fondamental permet au CNSP d’assurer la continuité de l’Etat, énonce Racky Talla. Avec la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale par le démissionnaire IBK, M. Dakono se dit persuadé qu’il y a eu une rupture avec l’ordre constitutionnel, sinon un vide institutionnel. « Je n’ai jamais vu un Acte fondamental non suspensif de la constitution. Je l’ai lu, mais je ne l’ai pas compris. Il faut assumer le coup d’État, l’Acte fondamental doit être suspensif de la constitution », ajoute M. Dakono. Sur le report de la rencontre entre CNSP et les forces vives, Me Tall estime que ladite rencontre devrait être organisée par le CNSP.
Quelques mots des débatteurs sur la transition
Parlant de la transition, le débatteur Mara juge sans problème qu’un document soit élaboré par le CNSP et le M5 et soumis aux forces vives. L’essentiel pour lui est que les forces vives soient associées à la prise des décisions. Il ne faut exclure personne, conseille Mara. Aux dires de Racky Talla, le CNSP a assumé son coup d’État, se démarquant carrément des actions politiques du M5-RFP. En vertu de l’inclusivité de la transition, Adam Dicko requiert l’association des jeunes dans la prise des décisions. Pour la réussite de la transition, l’analyste Danoko prêche l’unité d’action du peuple.
« Au sortir de cette transition, il faut que nous ayons une démocratie renforcée, un vrai État de droit, un Mali plus juste qui ne laisse plus les riches écrasés les plus faibles. Un Mali solidaire apte à satisfaire la demande sociale. Un État qui joue son rôle protecteur des citoyens. Plus jamais, il faut que personne ne puisse s’approprier des biens de l’État », explique le président du CNID. La transition, martèle Mara, c’est d’abord l’urgence. Celle-ci nécessite à ce que nous travaillons pour avoir une 4e République, tel est l’avis de Moussa Moussa. L’autre urgence est le problème de l’Accord d’Alger, le problème des conflits intercommunautaires, celui de la gouvernance dans le pays. Que faire pour élaborer un document faisant des leaders l’esclave de la société ? Nous avons un problème de leadership dans ce pays, explique le président de Yelema. Son souhait le plus ardent, c’est de faire en sorte qu’il y ait l’alternance systématique à tous les niveaux du pays. « Il faut limiter les mandats à tous les niveaux. Ces innovations nécessitent des changements à insérer dans nos textes pour que le leadership soit au service de la population », clarifie l’homme fort de Yelema, un parti politique. Pour Racky Talla, la transition doit se baser sur tout ce qui est réformé : revue de la loi électorale, opérationnalisation des nouvelles régions, mise en œuvre des résolutions du DNI… Pour la débatteuse Dicko, la transition est là pour une mission et non pour résoudre tous les problèmes du Mali. D’après elle, il faut aller avec une transition précise, une transition n’ayant que trois missions : réformes électorales, révision de l’Accord d’Alger et maintenir un bon contact avec les partenaires étrangers pour lutter contre le terrorisme. Sur ce point, Baba Danoko met l’accent sur des réformes en profondeur, voire la bonne organisation des élections à venir par les autorités transitoires.
Des avis sur la durée et la gestion transitoire par un civil ou un militaire
Moussa Mara admet que nombreux sont des Maliens qui souhaitent voir un militaire diriger cette transition. Puisque, dit-il, les gens sont déçus des politiques. Mountaga Tall estime que le seul critère qui prédomine est la compétence et le patriotisme. Tout le reste, dit-il, est baliverne. « Je vois mal une transition sans les politiques. Mais il faut qu’ils acceptent d’être en arrière-plan », précise Adam.
Pour Racky Talla, c’est la concertation qui doit décider d’écarter ou pas la classe politique de cette transition. L’analyste Baba daigne qu’il serait difficile pour un civil de gérer cette transition. Cela vu le contexte dans lequel se trouve le pays. Par ailleurs, le chercheur reconnait que même si un militaire est coopté, il lui sera difficile de travailler sans les politiques. Les militaires doivent retourner dans les casernes et la transition doit être gérée par un civil, clame Adam Dicko, contrairement à Baba pour qui il appartient aux Maliens de définir la durée voire comment la transition doit être gérée. Mme Diarra Racky Talla aborde dans le même sens. Sur la durée transitoire, Mara de Yelema confie que le plus important est l’unité d’action du peuple. De son côté, le président du CNID n’a cessé de dire que la fixation de cette durée reste une solution endogène, donc du peuple malien.
Mamadou Diarra
Source: Journal le Pays-Mali