Au terme de sa neuvième visite dans le pays du 27 novembre au 1er décembre 2017, Suliman Baldo, l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, a exprimé ses inquiétudes par rapport à la situation des droits de l’Homme au nord et au centre du pays, y compris des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
“Le Mali connait des défis énormes et multiformes dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité et du développement. Cette situation précaire crée un environnement favorable à la multiplication des violations graves des droits fondamentaux de l’Homme”, déplore M. Baldo.
Le nombre d’incidents de sécurité a augmenté de façon alarmante et cette détérioration de la situation sécuritaire affecte de nombreuses populations civiles qui sont ciblées soit par les extrémistes, soit par les criminels. M. Baldo note que “l’insécurité qui affecte la population dans certaines zones du Nord et du Centre a déjà entraîné la fermeture de plusieurs centaines d’écoles, ce qui est inacceptable”.
Une crise en voie d’être oubliée
Il condamne toutes les attaques contre les civils, les acteurs humanitaires, les officiers de maintien de la paix et les forces de sécurité du Mali. L’expert demande que les auteurs et instigateurs de ces attaques soient traduits en justice. Il rappelle notamment que la Cour pénale internationale est saisie du dossier du Mali et suit de près ce qui se passe dans le pays.
L’attaque du convoi du président de la Haute cour de justice du Mali et l’enlèvement du président du Tribunal de Niono traduisent une stratégie visant à cibler les symboles de la présence de l’Etat malien. La multiplication des attaques dans les régions de Kidal, Mopti et Ségou et la manifestation de la présence de groupes terroristes armés sont également préoccupantes.
L’expert indépendant a appris que le nombre d’attaques contre les acteurs humanitaires a doublé en 2017 par rapport à 2016. “Les acteurs humanitaires m’ont dit que la crise humanitaire s’accentue mais devient une crise oubliée car la réponse à cette crise malienne est l’une des moins financées au monde”, regrette M. Baldo.
“Presque 20 % de la population est en situation d’insécurité alimentaire et 1,2 million de personnes ont besoin d’un appui en eau, hygiène et assainissement. L’absence des autorités locales ou la faiblesse de leurs capacités entravent la fourniture des services de base et en plus l’insécurité qui prévaut dans certaines régions du pays entrave l’acheminement de l’aide aux vulnérables”, ajoute M. Baldo.
L’expert indépendant s’est félicité de l’initiative régionale pour lutter contre le terrorisme et les groupes extrémistes violents et l’opérationnalisation de la Force conjointe du G5-Sahel. Cet effort va contribuer à créer un environnement plus sûr au Mali et dans la région. L’expert sollicite la mise en œuvre d’une stratégie exhaustive et équilibrée pour une lutte efficace.
Accord pour la paix sans effet
“La Force du G5 devrait mettre en place des garanties et des mécanismes appropriés pour remédier à des violations et abus des droits de l’Homme qui pourraient être commis par ses troupes dans le cadre de leurs opérations”, selon M. Baldo.
- Baldo exprime aussi de vives préoccupations en raison de la lenteur de procédures mises en place pour traiter des crimes de guerre, des violations et abus des droits de l’Homme perpétrés dans le Nord et le Centre du pays depuis 2012, y compris des abus qui seraient commis dans le contexte de la lutte contre le terrorisme international. M. Baldo réitère les droits des victimes à la vérité et aux réparations à réaliser et des garanties de non répétition.
- Baldo exprime sa profonde préoccupation face aux retards persistants dans la mise en œuvre intégrale des dispositions clés de l’accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés de la Plateforme et de la Coordination, tout en se félicitant de la signature, le 20 septembre par les groupes armés, de l’engagement de cessation immédiate, complète et définitive des hostilités.
L’expert conclut sa visite par un appel à la communauté internationale à continuer à renforcer sa coopération technique et l’appui financier au Mali afin qu’il puisse surmonter les défis énormes notamment la question humanitaire et la lutte contre le terrorisme.
Au cours de sa visite, M. Baldo a rencontré des membres du gouvernement, des représentants de la société civile, y compris des associations de victimes, des représentants des mouvements armés signataires de l’accord pour la paix, des acteurs humanitaires, ainsi que des membres du corps diplomatique et l’équipe pays des Nations unies.
L’expert indépendant présentera un rapport sur la situation des droits de l’Homme au Mali au Conseil des droits de l’homme en mars 2018.
M. D.
Source: L’Indicateur du Renouveau