Bamada.net – 08 avril 2025 | Le ciel entre Bamako et Alger s’est assombri, non pas sous le poids des nuages, mais sous celui d’une crise diplomatique sans précédent. Alors que les relations entre le Mali et l’Algérie semblaient déjà fragilisées par une série de tensions, la récente décision unilatérale du gouvernement algérien de fermer son espace aérien à tous les aéronefs maliens, civils comme militaires, a suscité une vive réaction des autorités de la Transition malienne.
Bamada.net-En guise de réciprocité, Bamako a annoncé, par la voix de sa ministre des Transports et des Infrastructures, Madame Dembelé Madina Sissoko, la fermeture immédiate de l’espace aérien malien à tous les aéronefs en provenance ou à destination de l’Algérie. Cette décision, qui prend effet à partir du lundi 07 avril 2025, marque une nouvelle escalade dans une crise qui couvait depuis des mois.
La goutte de trop : une fermeture algérienne surprise
C’est par voie de presse que les autorités maliennes ont appris la décision du ministère algérien de la Défense nationale de fermer son espace aérien à tout avion malien, sans préavis ni consultation. Un geste qualifié d’inélégant et hostile par plusieurs observateurs de la diplomatie régionale, d’autant plus qu’il intervient dans un contexte de tension sécuritaire croissante au Sahel.
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Cette mesure unilatérale, assimilée à une provocation diplomatique, n’a laissé d’autre choix aux autorités maliennes que de répondre sur le même registre : « œil pour œil, ciel pour ciel », pourrait-on dire.
L’accusation grave de parrainage du terrorisme
Dans son communiqué, le ministère malien des Transports ne s’est pas contenté de réagir sur le plan administratif. Il a clairement accusé le régime algérien de parrainer le terrorisme international, justifiant ainsi la fermeture de son ciel comme une mesure de souveraineté et de sécurité nationale. Une déclaration sans ambiguïté qui illustre le niveau d’agacement des autorités de Bamako face à ce qu’elles perçoivent comme une complicité tacite entre Alger et certains groupes armés opérant au Nord du Mali.
Il est important de rappeler que depuis plusieurs années, l’Algérie est vue par les autorités maliennes comme un acteur ambigu dans la résolution de la crise au Sahel, oscillant entre médiation diplomatique et connivence avec certaines entités djihadistes.
La Confédération de l’AES montre les crocs
Fait marquant : le Mali n’est pas seul dans cette crise. Ses partenaires stratégiques au sein de la Confédération des États du Sahel (AES), à savoir le Burkina Faso et le Niger, ont décidé de rappeler leurs ambassadeurs en poste à Alger. Une démarche commune qui traduit la volonté d’un front uni face à ce qu’ils considèrent comme une politique d’ingérence permanente de l’Algérie dans les affaires internes des États de l’AES.
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Cette action concertée est aussi le signe d’un réalignement géopolitique en cours, dans lequel les trois pays entendent désormais défendre leurs intérêts en bloc, quitte à s’opposer à leurs anciens partenaires régionaux, parfois perçus comme hostiles à leur souveraineté retrouvée.
Une crise qui pourrait durer
L’escalade actuelle laisse présager une détérioration durable des relations bilatérales entre le Mali et l’Algérie. Déjà, plusieurs vols commerciaux ont été annulés, affectant les échanges économiques, les dessertes régionales et les liaisons diplomatiques. Si aucune solution n’est envisagée à court terme, la fermeture réciproque des espaces aériens pourrait impacter les populations civiles, notamment les commerçants, étudiants et familles vivant entre les deux pays.
Le silence actuel des autorités algériennes, après leur premier communiqué, laisse planer une incertitude sur leurs intentions réelles. S’agit-il d’un coup de semonce ou d’une stratégie d’isolement délibéré envers les pays de l’AES ?
La position malienne : la fermeté assumée
Dans un ton ferme, mais mesuré, le Mali affirme ne pas vouloir céder au diktat d’un voisin qui, selon lui, a trop longtemps joué sur plusieurs tableaux. Cette posture s’inscrit dans la continuité de la politique de rupture et de souveraineté prônée par les autorités de la Transition, qui n’hésitent plus à recadrer leurs relations extérieures selon leurs intérêts propres.
Le message est clair : le Mali entend se faire respecter, quitte à affronter diplomatiquement ses partenaires historiques. Cette crise pourrait donc être un point de bascule dans les rapports géostratégiques du Sahel.
Une médiation possible ?
Certains acteurs régionaux, notamment la CEDEAO, qui observe la situation avec inquiétude, pourraient tenter une médiation. Mais leur influence sur les pays de l’AES, désormais plus tournés vers une souveraineté affirmée, reste à démontrer. De même, des pays comme la Russie, la Turquie ou encore les Émirats Arabes Unis, désormais proches des États de l’AES, pourraient jouer un rôle de modérateurs.
Conclusion : le ciel fermé, mais les enjeux ouverts
Ce conflit aérien entre le Mali et l’Algérie dépasse la simple question d’espace aérien. Il révèle des fractures profondes entre deux visions de la sécurité, de la souveraineté et des relations interétatiques au Sahel. Alors que le Mali, le Burkina Faso et le Niger renforcent leur unité au sein de l’AES, l’Algérie semble se retrouver en décalage avec cette nouvelle dynamique.
Il reste à voir si le dialogue l’emportera sur la confrontation, ou si cette guerre des cieux ne fera que refléter une rupture plus large et plus durable entre les anciens alliés de la lutte antiterroriste au Sahel.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net