Un rapport d’OXFAM publié en juillet 2019, démontre qu’en Afrique de l’Ouest, les inégalités ont atteint un niveau de crise. Pour preuve, alors qu’un nombre faible, mais croissant d’individus, s’enrichit de manière inouïe, l’immense majorité de la population se voit privée des éléments les plus essentiels à une vie digne, tels qu’une éducation de qualité, des soins de santé et un emploi décent. Cela, en dépit d’un essor économique remarquable sous l’impulsion des industries extractives. Pour renverser la tendance OXFAM propose une série de recommandations.
Le rapport d’Oxfam intitulé : « Sahel : lutter contre les inégalités pour répondre aux défis du développement et de la sécurité » précise que l’indice de l’engagement à la réduction des inégalités montre que les gouvernements d’Afrique de l’Ouest sont les moins engagés de tout le continent en matière de réduction des inégalités. Le rapport signale que s’ils ne font rien pour renforcer radicalement leur engagement à réduire les inégalités, la crise risque de s’aggraver.
Les inégalités mises en relief dans le rapport ont trait aux inégalités de revenus, d’accès à des services publics de qualité, mais aussi entre les genres et entre des catégories de populations délaissées ou discriminées. Des inégalités, qui maintiennent des millions de personnes dans la pauvreté et sans perspectives d’avenir, minent la cohésion sociale, engendrent des frustrations politiques et sociales et forment un terrain sur lequel les conflits peuvent perdurer.
Face à cette réalité, OXFAM estime que combattre les inégalités sous toutes ces formes ne devrait plus être un choix, mais une nécessité urgente à laquelle l’ensemble des acteurs doit s’attaquer avec ardeur pour résoudre durablement les crises que traverse le Sahel. Pour cette ONG, cela passe par la construction de politiques et de modes de gouvernance plus justes et équitables, centrées sur les besoins des populations et répondant aux aspirations des citoyens des pays sahéliens.
OXFAM recommande aux États du Sahel de refondre leurs politiques fiscales, renforcer leurs politiques sociales et de développement, et réformer profondément leurs modes de gouvernance afin d’atteindre l’ODD 10 sur les inégalités. À la CEDEAO et à l’UEMOA, le rapport suggère d’élaborer des cadres régionaux qui orientent les pays vers des politiques justes et équitables et qui renforcent leur collaboration pour la gestion des zones transfrontalières.
Il propose au G5 Sahel de renforcer les dimensions de développement et de gouvernance de son action, reconnaissant que l’approche sécuritaire actuellement privilégiée ne permettra pas une résolution durable des conflits. Pour ce faire, le G5 est appelé à impulser une vision inclusive du développement du Sahel avec les États, les organisations régionales, les populations, les partenaires du développement et les organisations de la société civile.
Par ailleurs, le rapport souligne que les États, les institutions et coopérations régionales, les bailleurs de fonds et acteurs du développement et de la coopération internationale doivent agir de manière coordonnée pour combattre les inégalités.
Ce qui passe par la mise en place de politiques fiscales progressives et justes qui réduisent les inégalités de revenu et permettent de générer des financements suffisants pour financer des politiques sociales et de développement, de qualité et inclusives ; des politiques d’éducation, de santé et de protection sociale garantissant des services gratuits, universels, publics, adaptés aux femmes et aux filles et transparents envers les bénéficiaires ; des politiques agricoles et d’élevage justes et équitables, qui offrent des opportunités de travail, de revenus et de vie dignes à l’ensemble des personnes qui vivent de ces activités et permettre de renforcer la résilience et la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population ; des politiques d’adaptation rapides aux changements climatiques qui renforcent les capacités de prévention et de résilience des populations les plus directement touchées par les bouleversements en cours ; des cadres réglementaires, juridiques, politiques et des institutions sociales qui luttent contre les inégalités différenciées et la vulnérabilité des femmes sahéliennes dans tous les domaines de la vie publique, économique et politique et dans la sphère privée ; le rétablissement d’une gouvernance plus juste et inclusive à tous les niveaux de décision, du local au régional, la protection et le renforcement de l’espace civique, qui permettre à toutes et tous d’être représentés et de participer activement à la vie publique et politique ; des réponses aux crises coordonnées qui répondent aux besoins des populations en termes de sécurité humaine, de développement et d’accès à des services publics gratuits, universels et de qualité.
PAR MODIBO KONE
Source : Info-Matin