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Covid-19 : la fin des certitudes

Nombre de penseurs ont perçu que nous sommes au seuil d’une refonte de notre société et de la façon dont nous y interagissons. Le dogme néolibéral de Friedman, Hayek et Allais qui a dominé les trente dernières années est mis à mal, non pas par la guerre, le terrorisme ou l’émergence d’une nouvelle dialectique, mais par un petit virus inconnu.

 

La pensée actuelle dérive d’une « trinité hégélienne » composé d’Hegel lui-même, suivit par Kojève qui voyait la fin de l’histoire par la victoire du marxisme et enfin Fukayama, l’un de nos professeurs vedette de l’Université Johns Hopkins SAIS, qui a l’opposé connait le succès avec une fin caractérisée par la victoire du libéralisme dans son oeuvre séminale « La fin de l’histoire et le dernier homme ».

Or autant nous sommes d’accord avec Hegel sur le fait que la philosophie est le dépassement des fausses évidences. Autant lorsque l’on sait que l’histoire pour lui trouve sa réalisation objective dans l’Etat, nous ne pouvons que suspecter sa fin de l’histoire comme la fin de l’Etat et l’avènement du libéralisme absolu revendiqué par Fukayama. Une société qui selon Bourdieu « tend à favoriser la coupure entre l’économie et les réalités sociales »

C’est à cet état de dernier Homme que Nietzsche dit le « plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même », plus centré sur soi que sur les grandes espérances et questions humaines que le néolibéralisme nous condamne. A ne plus être des humains mais des consommateurs, sous le regard d’Etats impuissants assujettis à la finance. Et être keynésien est devenu une injure. Le marché rien que le marché.

Or la mécanique néolibérale bien huilée se révèle impuissante face à un petit virus qui dans son aréopage de douleur a le mérite de remettre l’Etat au centre du jeu, de remettre en perspective l’égalité du travail et du capital, de rappeler que la valeur et non matière première reste l’homme.

Ceux qui vilipendaient Keynes appellent aujourd’hui aux nationalisations, là où l’on rechignait à doter les hôpitaux et valoriser les professions soignantes l’on s’enorgueillit de faire renaitre la souveraineté économique. Boris Johnson dans la négation paye le prix fort, tandis que Bruno Le Maire révèle son pragmatisme… En Afrique Macky Sall donne l’exemple.

Selon Attali « à chaque fois qu’une pandémie ravage un continent, elle discrédite le système de contrôle. Le pouvoir politique appartiendra à ceux qui sauront démontrer le plus d’empathie pour les autres. Les secteurs économiques dominants seront d’ailleurs aussi ceux de l’empathie : la santé, l’hospitalité, l’alimentation, l’éducation, l’écologie. En s’appuyant, bien sûr, sur les grands réseaux de production et de circulation de l’énergie et de l’information, nécessaires dans toute hypothèse ». Revenant donc comme le veut Kant à «la seule liberté de bien faire et non la liberté absolue ».

Alors il y a les nations qui auront anticipé l’avènement de ce changement de paradigme et celles qui le subiront au risque de dérives totalitaires. Toutefois, ce n’est pas la fin de l’histoire qui est plus leibnizienne qu’hégélienne puisqu’elle ressemble à une série infinitésimale tendant vers l’infini. Dieu veille.

Madani Tall, président de l’ADM

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