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COVID-19 : Et si l’Afrique s’en sortait bien mieux que le reste du monde?

Beaucoup prédisaient une catastrophe avec l’arrivée du Covid-19 en Afrique. Mais pour l’instant, le continent est peu touché. Il faut bien sûr rester prudent, mais l’espoir est immense.

 

Depuis que le premier cas de Covid-19 en Afrique a été confirmé le 14 février, avec un ressortissant chinois diagnostiqué positif en Égypte, l’épidémie s’est propagée sur presque tout le continent. Pour Bill Gates, le fondateur de Microsoft, dont la fondation s’intéresse de très près à la pandémie, dans une région où les bidonvilles sont surpeuplés et les systèmes de santé, précaires, la maladie pourrait coûter la vie à 10 millions d’Africains, un chiffre impensable.

Pourtant, plus de deux mois plus tard, certains osent à mots couverts se montrer plus optimistes. Peut-être – toutes précautions gardées – que le continent pourrait être épargné par les pires aspects de la pandémie. “Je ne comprends pas”, lance Kennedy Odede, un militant associatif. Sur 400 personnes testées au hasard dans l’immense bidonville de Kibera à Nairobi la semaine dernière, seules trois étaient positives. “Pour moi, c’est une bonne nouvelle.”

[Fin avril,] l’Afrique comptait officiellement quelque 32 000 cas et moins de 1 400 morts du Covid-19, alors que plus de 3 millions de cas ont été détectés dans le monde. Compte tenu de la capacité limitée de dépistage du continent, il est possible que l’ampleur de l’épidémie soit sous-estimée même si Odede, comme d’autres, pense qu’il y a peu de preuves de l’existence de foyers passés sous silence.

Un soupir de soulagement

À première vue, ce continent de 1,2 milliard de personnes a donc enregistré moins de décès dus au Covid-19 que les États-Unis en une seule journée. “Les gens commencent à pousser un soupir de soulagement, bien qu’il soit trop tôt pour se dire que nous l’avons échappé belle”, soutient Murithi Mutiga, un analyste du groupe de réflexion Crisis Group basé à Nairobi.

Pour John Nkengasong, directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, il ne faut tirer aucune conclusion définitive. Il n’y a pas de preuves tangibles que des facteurs spécifiques à l’Afrique – une population plus jeune, un climat plus chaud, ou la vaccination à grande échelle contre la tuberculose – aient un impact sur la propagation de la maladie.

“Je me garderai bien de dire que la transmission se fait plus lentement”, a-t-il déclaré, ajoutant que les cas confirmés ont augmenté de plus de 40 % [sur la dernière semaine d’avril]. Ces chiffres peuvent indiquer que l’Afrique sera simplement touchée plus tardivement, et que la pandémie ne commence à s’accélérer que maintenant.

La jeunesse pour atout

Selon Paul Hunter, professeur de médecine à l’université d’East Anglia, les autorités ont raison d’être prudentes. Néanmoins, dit-il, il y a des raisons de penser que le virus pourrait être moins mortel en Afrique où les maladies qui se transmettent par microgouttelettes, comme la grippe, ont tendance à se propager plus lentement.

Le continent n’a connu qu’un seul cas de syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) lors de l’épidémie de 2002-2003, avec une infection au Cap. La plus faible propagation de ce genre d’infection, poursuit-il, pourrait être imputable à une moindre densité de population, à l’effet des rayons UV ou à un climat qui fait que les gens passent plus de temps à l’extérieur.

Dans le cas du coronavirus, la jeunesse de la population africaine pourrait également contribuer à expliquer ce faible taux de mortalité. L’âge médian en Afrique est de 19,4 ans, contre 40 ans en Europe et 38 ans aux États-Unis.

IL Y A EU SI PEU DE CAS GRAVES CHEZ LES MOINS DE 20 ANS EN OCCIDENT QUE, LORSQUE VOUS AVEZ UNE POPULATION DONT L’ÂGE MÉDIAN EST DE 19 ANS, LE RISQUE D’UN NOMBRE ÉLEVÉ DE DÉCÈS EST CONSIDÉRABLEMENT RÉDUIT.”

Pour voir si le nombre de décès dus aux coronavirus est sous-estimé, il suffit de regarder les statistiques de la mortalité et voir si le nombre de décès dépasse celui enregistré en temps normal. En Afrique du Sud, les décès survenus jusqu’au 14 avril étaient “globalement dans les limites de ce qu’on pouvait prévoir”, selon le Conseil de la recherche médicale du pays, ce qui suggère que les décès imputables sans qu’on le sache au coronavirus sont peu nombreux.

Une nécessaire prudence

Selon Trudie Lang, directrice du Global Health Network au département de médecine Nuffield de l’université d’Oxford, il serait erroné – et potentiellement dangereux – de tirer des conclusions hâtives. Toutefois, selon elle, il est possible que le virus se propage “différemment” en Afrique, y compris avec des cas plus asymptomatiques.

Il est également possible que les personnes atteintes de maladies chroniques telles que la tuberculose réagissent différemment au Covid-19, et soient plus résistantes, en raison d’une réponse immunitaire déjà présente, et non plus vulnérables, comme on le suppose habituellement.

“Il est vraiment important de parvenir à des conclusions fondées sur des preuves tangibles”, insiste le professeur Lang, ajoutant qu’il est vital de mener des recherches sur l’évolution de la maladie afin d’aider les gouvernements à mettre en œuvre les stratégies adéquates. En tout état de cause, ajoute-t-elle, tant que les spécialistes ne savaient pas exactement comment se comportait le virus, les gouvernements ont eu raison de se montrer prudents : “Nous devons continuer à prendre des mesures et à faire des tests.”

David Pilling

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