Auprès du journal du CNRS, le virologue français Étienne Decroly revient sur les hypothèses concernant l’origine du SARS-CoV-2.
Alors que la France se confine une nouvelle fois pour plusieurs semaines, le coronavirus SARS-CoV-2 n’a pas encore livré tous ses secrets. Et un en particulier interroge de nombreux chercheurs : l’origine du virus. Pour le moment, les chercheurs n’ont pas encore déterminé comment il avait pu se transmettre à l’homme.
Dans Le Journal du CNRS, le virologue français Étienne Decroly, spécialiste des virus émergents au CNRS à Marseille, liste les différentes hypothèses possibles sur l’origine du Covid-19. Il rappelle que le SARS-CoV-2 a rapidement été identifié comme le virus à l’origine de la Covid-19. “On connaît désormais bien cette famille de virus qui circulent principalement chez les chauves-souris, et dont le transfert zoonotique provoque épisodiquement des épidémies chez l’humain”, rapporte le virologue.
Rapidement, l’origine animale du virus a été pointée du doigt. Une piste que précise le spécialiste : “L’origine zoonotique des coronavirus, qui infectent près de 500 espèces de chauves-souris, était déjà bien documentée à partir des émergences précédentes. (…) En comparant les séquences génomiques d’échantillons viraux de différents malades infectés par SARS-CoV-2, on a observé un taux d’identité de 99,98 %, ce qui montrait que cette souche virale avait émergé très récemment chez l’humain”. En résumé, le virologue résume que “le SARS-CoV-2 est génétiquement plus proche de souches virales qui ne se transmettaient jusqu’alors qu’entre chauves-souris. Il ne descend pas de souches humaines connues et n’a acquis que récemment la capacité de sortir de son réservoir animal naturel qui est probablement la chauve-souris”.
Qui est l’hôte intermédiaire ?
Comme le rappelle le virologue, aucune épidémie liée à la transmission directe de la chauve-souris à l’homme n’a été démontrée pour le moment. “On pense que la transmission à l’humain doit plutôt s’effectuer via une espèce hôte intermédiaire dans laquelle les virus peuvent évoluer puis être sélectionnés vers des formes susceptibles d’infecter des cellules humaines”. Reste à identifier avec précision qui serait cette espèce intermédiaire. Contrairement à ce qui a été annoncé, le pangolin ne serait pas à l’origine de la transmision : “La découverte dans le génome de coronavirus infectant des pangolins d’une courte séquence génétique codant pour le domaine de reconnaissance du récepteur ACE-2, apparenté à celle qui permet à SARS-CoV-2 de pénétrer les cellules humaines, a un temps fait penser qu’on tenait un possible hôte intermédiaire, mais le restant de son génome est trop distant du SARS-CoV-2 pour être un ancêtre direct”.
SARS-CoV-2 aurait ainsi pu résulter de recombinaisons multiples entre différents CoV circulant chez le pangolin et la chauve-souris, ce qui aurait conduit à une adaptation ayant rendu possible la transmission du virus à l’humain. La pandémie de Covid-19 proviendrait secondairement du contact avec l’hôte intermédiaire, éventuellement vendu sur le marché de Wuhan. Cette hypothèse pose cependant de nombreux problèmes. Tout d’abord à cause de la géographie : les échantillons viraux de chauves-souris ont été recueillis dans le Yunnan, à près de 1 500 km de Wuhan, où a éclaté la pandémie. Ensuite pour une raison écologique : chauves-souris et pangolins évoluent dans des écosystèmes différents et on se demande à quelle occasion leurs virus auraient pu se recombiner. Et surtout, on note que le taux d’identité entre les séquences de SARS-CoV-2 et celles issues du pangolin n’atteint que 90,3 %, ce qui est bien inférieur aux taux habituellement observés entre les souches infectant l’humain et celles infectant l’hôte intermédiaire. Par exemple, le génome du SARS-CoV et celui de la souche de civette dont il descendait partagent 99 % d’identité.
Un accident de laboratoire ?
Pour le moment, “aucun virus intermédiaire entre RaTG13 et le SARS-CoV-2 n’a pu être identifié à ce jour. Tant que ce virus intermédiaire n’aura pas été identifié et son génome séquencé, la question de l’origine de SARS-CoV-2 restera non résolue”, assure le virologue. Alors, est-il possible d’imaginer que le virus puisse avoir franchi la barrière d’espèce à la suite d’un accident de laboratoire ou être d’origine synthétique. Selon le virologue, la réponse est sans appel : “On ne peut éliminer cette hypothèse, dans la mesure où le SARS-CoV qui a émergé en 2003 est sorti au moins quatre fois de laboratoires lors d’expérimentations”.
Johanna Amselem
Yahoo.fr