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Cour constitutionnelle: le paradoxe malien

Alors que les membres de la Cour Constitutionnelle ont été désignés suivant le même mode prévu par la Constitution en vigueur, de 1992 à nos jours, sa remise en cause devrait questionner pour plus d’une raison.

Point besoin de s’improviser avocat d’une Institution qui a tous les arguments nécessaires pour faire face à toutes les charges, d’où qu’elles viennent.
Mais il y a une situation inédite qui ne manque pas d’interpeller. Rarement une institution judiciaire aura été autant sous les feux roulants de l’Opposition que cette Cour constitutionnelle.
Sa décision en faveur du Projet de révision constitutionnelle ; le rejet de la totalité des recours introduite après le premier tour de l’élection présidentielle de juillet-août 2018 ; et récemment, sa décision favorable à une prorogation du mandat des députés (un report de facto des élections législatives) ont mis cette institution sur la sellette.

Un mode de désignation contesté
Outre les arrêts et avis de la Cour constitutionnelle, le mode de désignation de ses membres est cloué au pilori par ceux-là qui revendiquent un réaménagement : 3 nommés par le Président de la République, dont un Magistrat; 3 nommés par le président de l’Assemblée nationale, dont un Magistrat, un président qui se trouve être le beau-père du Président de la République qui dispose d’une écrasante majorité au sein de l’institution parlementaire ; 3 magistrats nommés par le Conseil supérieur de la Magistrature présidé par le Président de la République.
Une telle configuration ne rassure guère quant à la séparation des pouvoirs et aux velléités d’une institution de voler au secours de l’autre. Ce, d’autant plus qu’au-delà de tout caractère rigide, ces institutions sont animées par des êtres humains ayant des sensibilités, influençables par leur environnement… Il y a donc de légitimes raisons de s’inquiéter pour la bonne marche de la République.

Le talon d’Achille
Mais cette inquiétude, quoique légitime, constitue également le talon d’Achille de nos démocraties en ce sens qu’elle donne lieu à des procès d’intention et aux extrapolations, souvent, les plus saugrenues. Le procès en sorcellerie contre la Cour Constitutionnelle en est l’une des plus parfaites illustrations. Et pour cause, le président de l’Assemblée nationale aurait pu ne pas être le beau-père du Président de la République (Ali Nouhoun DIALLO n’était pas le beau-père de Alpha Oumar KONARE).
Le Président de la République aurait pu ne pas avoir la majorité à l’Assemblée nationale pour peser sur le choix de son président. Ce qui revient à dire qu’il y a potentiellement 3/9 membres dont la nomination lui échappe totalement.
En considérant également que le Président de la République, tout comme le président de l’Assemblée nationale sont tenus (article 91 de la Constitution) d’intégrer dans leur liste de nomination un magistrat, en y ajoutant les 3 magistrats nommés par le Conseil supérieur de la Magistrature, cela ferait 5/9 magistrats ; donc une majorité apolitique de Conseillers. Il faut rappeler que la primauté de la voix du président de la Cour n’intervint qu’en cas d’égalité des voix.
Il faut noter également que l’article 91 de la Constitution dispose : ‘’les Conseillers sont choisis à titre principal parmi les professeurs de droit, les avocats et les magistrats ayant au moins quinze ans d’activité, ainsi que les personnalités qualifiées qui ont honoré le service de l’État’’.
Ainsi, en passant outre toutes les garanties de la loi, en se fixant sur des personnes dont les mandats ne sauraient en aucun cas excéder 10 ans, pour remettre en cause le mode de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle, il est évident que l’on sombre dans les travers de dispositions taillées sur mesure, pour favoriser quelqu’un ou barrer la route à un autre. Des dispositions opportunistes qui ne laissent aucune place à la vision, à construction de l’avenir.
Une autre observation à faire, par rapport à cette fixation sur le mode de désignation des membres de la Cour Constitutionnelle, c’est quand même que le même mode qui avait cours quand le Président KONARE a été élu en 1992 et réélu en 1997, quand le Président TOURE a été élu en 2002 (malgré ‘’la manipulation frauduleuse des résultats chiffrés du vote) et réélu en 2007 qui est encore d’actualité. L’élection du Président KEITA, lui-même, en 2013, n’a pas donné lieu à une volée de bois vert contre la Cour Constitutionnelle, quand bien même il a été crédité du score stratosphérique de plus de 77% des suffrages valablement exprimés.
De 1992 à maintenant, les élections des Présidents successifs ont été proclamées par une Cour dont le mode de désignation des membres n’a pas changé d’un iota. Que cache alors cette levée de boucliers contre la Cour Constitutionnelle ?

Le choix cornélien
Une dernière observation, au cas où les tenants du pouvoir se résoudraient à donner suite aux revendications des partisans de la réforme de la Cour Constitutionnelle, y compris le mode de désignation de ses membres, il leur sera opposé l’article 41 de la Constitution : ‘’le président de la République, sur proposition du Gouvernement, pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, après avis de la Cour constitutionnelle publié au Journal officiel, peut soumettre au référendum toute question d’intérêt national, tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, comportant approbation d’un accord d’union ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du projet, le président de la République le promulgue dans les délais prévus à l’article 40’’.
Or, il se trouve que les auteurs des cris d’orfraie étaient les bras financiers de la Plateforme ‘’An te a banna-Touche pas ma Constitution’’, réfractaire à toute idée de révision constitutionnelle. Cette révision constitutionnelle étant un passage obligé. Il y a là un choix cornélien à faire et il va falloir être conséquent. Désormais, ils sont confrontés à un paradoxe presque mortel : faire le choix d’un changement du mode de désignation des Conseillers de la Cour et faire barrage au projet de révision constitutionnelle (suspendu, non abandonné). Quand, au lieu de se battre sur les principes, on fait le choix hautement risqué de s’acharner sur une personne, voilà où cela mène.

Par Bertin DAKOUO

La rédaction

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