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Coup de force contre la Transition : l’onction des Maliens, la mansuétude de la CEDEAO

Le Mali se pose de plus en plus en casse-tête pour la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest. Membre très indiscipliné d’une communauté préoccupée à préserver son espace de perturbations socio politiques susceptibles de remettre en cause les fragiles acquis démocratiques et économiques, notre pays ne récolte que des coups de fouet quand il doit être soumis à la trique.

En effet, le Mali, en guise de sanction, a (seulement) été mis en marge des instances de l’organisation ouest africaine. Il n’encourt ni blocage économique, ni restrictions financières.

Communauté bâtie autour d’une philosophie de solidarité, la CEDEAO ne peut, décemment, soumettre à des sanctions de rigueur un pays membre au bord de l’asphyxie économique et de l’implosion sociale, pression djihadiste et mécontentement quasi général des populations (qui alimente de plus en plus l’incivisme) étant constitutifs d’une situation intérieure n’autorisant aucune mise en perspective.

Or, ces considérations générales, qui induisent et justifient la mansuétude de la communauté, sont justement celles qui rendent difficilement applicables les préceptes  de l’indulgence.

D’autant que l’auteur principal du coup de force, ayant  » placé hors de leurs prérogatives  » le président de la Transition, Bah NDaw, et le Premier ministre, Moctar Ouane, n’ignore rien du contexte anxiogène que vit le pays.

Et que les premiers arguments avancés pour justifier sa prise de pouvoir  » la formation du nouveau gouvernement a été faite en total désaccord entre le président de la Transition et moi  » tentaient de masquer un simple problème d’égo.

Projets au long cours

Le Colonel Assimi Goïta, qui a mal vécu le ravalement de ses pouvoirs à ceux d’un  »Vice-président’‘, condamné aux strapontins d’une transition dont il se voyait bien le tout puissant chef (en récompense du rôle apparemment prépondérant joué lors de la déposition d’IBK), attendait son heure et, surtout, la première faute du duo, qui l’empêchait de voir le ciel plus large, pour s’installer à la place qui lui revient, sinon de droit, en tout cas de force.

A neuf mois du terme de la transition, que tout le monde s’accorde à dire inextensible, le nouveau gouvernement, qui devrait être rapidement formé, ne peut rien assumer correctement de la Feuille de route de la Transition que l’organisation des élections générales, les législatives et la présidentielle étant, aux yeux des Maliens, les seules dignes d’intérêt.

Etait-ce nécessaire pour cela de débarquer une équipe gouvernementale qui, outre la prise en charge de ces élections, avait engagé les réflexions et même posé quelques jalons pour proposer à la sagacité de l’opinion nationale deux ou trois réformes. Qui eussent sans doute davantage justifié la mise en place d’une transition que l’activisme des politiciens professionnels dont les Maliens devraient être les témoins désabusés pendant les trois prochains trimestres.

Car, tout porte à croire que les deniers publics seront encore mis à contribution pour satisfaire les besoins personnels de nouveaux dirigeants revanchards, qui s’empresseront de concocter des projets au long cours, dont l’éventuelle réalisation sera dévolue au gouvernement issu de l’élection présidentielle de 2022, si les engagements sont respectés…

Motifs peu convaincants

Outre le pari de la magnanimité des Chefs d’Etat de la CEDEAO, Assimi Goïta avait aussi misé juste sur les réflexes alimentaires de la classe politique et de certaines organisations de la société civile pour faire valider son coup de force.

Son calcul s’est largement avéré juste. Alors qu’aucun programme digne d’intérêt n’a encore été annoncé par lui (éviter au Mali le risque d’un clash entre les composantes de l’Armée et son extension aux populations est peu crédible, ne pouvant constituer un plan d’action de gouvernement ), le M5/RFP, dont on attendait une réaction très critique, dénonçant sans ambages un coup de force aux motifs peu convaincants,  s’est quasiment jeté au cou du nouveau maître du pays. Pour sceller une alliance contre nature. Qui suscite déjà beaucoup de circonspection.

S’y ajoute le silence, assimilable à une approbation, des autorités coutumières et religieuses. Qui devraient, en certaines circonstances comme celles-ci, se départir de la langue de bois ou de la réserve de commande, pour émettre des opinions tranchées, au risque de passer pour des complices naturels de tous les pouvoirs.

L’attitude généralement consentante de l’opinion nationale peut avoir aussi eu une influence sur l’attitude presque conciliante de la CEDEAO. Dont les dirigeants, échaudés par l’épisode IBK, ne sont pas loin de prendre en compte, dans une bonne mesure, l’accueil des populations face à un coup d’Etat. Qui reste, quel que soit le cas de figure, un déni de démocratie et un manque de considération pour le peuple et ses choix.

En attendant la formation du gouvernement de la seconde transition (c’est le cas de le dire), qui fixera l’opinion sur la véritable nature du nouveau pouvoir, les Maliens doivent se rendre à une évidence, celle d’une incursion de plus en plus marquée de l’Armée dans les affaires civiles.

Motivations personnelles

Depuis le coup d’Etat de novembre 1968, les militaires, grâce à la complicité de technocrates véreux, à la poursuite d’ambitions personnelles, ont pris goût à l’exercice du pouvoir politique. Et, hormis les deux premiers (1968 et 1991), qui avaient des relents de patriotisme, les autres (2012, 2020 et 2021) ont été essentiellement portés par des motivations personnelles.

Leurs manifestations, sous la forme d’enrichissement éhonté (comme en 2012) et d’autopromotion (depuis 2020), doivent convaincre les populations maliennes d’assister, depuis quelque temps, à l’émergence d’une nouvelle hiérarchie militaire, plus sensible aux délices de la bureaucratie qu’à l’appel aux devoirs du sacerdoce militaire.

Les deux réformes impératives, qui interpellent désormais les forces vives de la nation (la dernière expression démagogique à la mode), concernent les fonctions de Président de la République et l’Armée malienne, les deux institutions par lesquelles arrivent les malheurs du pays.

Une simple analyse rétrospective de l’histoire politique et militaire de notre pays serait, à ces égards, bien édifiante.

koumate3@gmail.com

Source: l’Indépendant

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