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Corruption sexuelle en milieu universitaire : l’Association féminine « Yeleen » brise le silence sur un mal qui fait mal à l’éducation au Mali

Le mercredi 25 septembre 2024, l’Association YELEEN (organisation malienne de promotion et de défense des droits des femmes et filles) a organisé une session de renforcement des capacités du corps professoral et au Décanat de la Faculté de Droit Privé (FDPRI) de Bamako sur le thème « Corruption sexuelle en milieu universitaire ». A travers cette session qui a réuni l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et du Ministère de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, l’Association YELEEN a brisé le silence sur l’un des tabous qui continue de nuire à l’éducation des jeunes filles dans notre pays, à compromettre l’avenir de nombreuses étudiantes et porter atteinte à l’image de nos établissements d’enseignement supérieur.  

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Lors de cet atelier, le Doyen de la Faculté de Droit Privé (FDPRI), M. Issiaka Cissé, a souligné qu’en plus d’alerter, ce renforcement des capacités aidera à changer le comportement des bénéficiaires (corps professoral, autorité universitaire, étudiantes et étudiants). Pour lui, la corruption sexuelle « est un mal qui nous fait mal ». C’est pourquoi, en tant qu’établissement d’enseignement de droit, la FDPRI est honorée d’accueillir un atelier sur une telle thématique. Une occasion pour lui de rappeler qu’il y a déjà beaucoup de dispositions internes à l’université qui sanctionnent ce genre de comportement. A ses dires, seule la rigueur de la répression pourra permettre de mettre définitivement fin à cette pratique, c’est pourquoi, il a invité les étudiantes à toujours porter plainte à chaque fois qu’elles sont victimes de corruption ou de toutes autres formes de violence sexuelle.

Pour la présidente de l’association Yeleen, Aïssata Bocoum, le milieu universitaire est un espace d’apprentissage où le savoir est censé être transmis de manière équitable et ou chaque étudiant est évalué sur ses compétences, ses efforts et ses mérites, mais malheureusement dans certains cas, selon elle, des abus de pouvoir se produisent sous la forme de corruption sexuelle. « Ce phénomène bien que parfois dissimilé a des effets dévastateurs, tant pour les victimes que pour les institutions dans son ensemble », a-t-elle regretté.

Selon le Guide de lutte contre la corruption sexuelle de Transparency Maroc, « il y a corruption sexuelle lorsqu’un droit ou un document en principe gratuit sont conditionnés par l’octroi d’une faveur sexuelle. Toute personne, quel que soit son sexe, peut être victime de telles pratiques mais il est beaucoup plus fréquent que les victimes soient des femmes, l’actualité le montre.

La corruption sexuelle est toute forme de corruption où la contrepartie est une faveur sexuelle exigée de la personne qui sollicite un service théoriquement gratuit » note-t-il.

Dans un environnement universitaire, Aïssata Bocoum souligne qu’elle  se manifeste lorsque des membres du corps professoral ou de l’administration exploitent leur position de pouvoir pour obtenir des faveurs sexuelles en échange de notes de privilèges académiques ou professionnels.

Pour lutter contre ce fléau, « il est impératif de renforcer les capacités du corps professoral à travers des formations adéquates et régulières sur les questions d’éthique, des droits des étudiants et des responsabilités des enseignants » a-t-elle souligné. Mieux, « chaque enseignant doit être pleinement conscient des frontières qu’il doit respecter et des conséquences de tout manquements ces règles », préconise -t-elle.

Au-delà de la formation des enseignants, la présidente de l’association « Yeleen » indique qu’il est également essentiel de mettre à la disposition des étudiantes, des programmes et outils d’identification et de prévention qui les permettent de savoir repérer les signes, les situations problématiques ainsi que les mécanismes pour s’en prévenir. « Le renforcement des capacités ne doit pas se limiter à des formations ponctuelles. Il doit s’accommoder d’une transformation de la culture universitaire ou chacun (étudiant, professeur ou administrateur) se sent responsabiliser et conscient des normes d’étiques » a-t-elle fait savoir.

Tout comme le Doyen Cissé, Mme Aissata Bocoum est également intransigeante sur la question des sanctions. « Il est essentiel que les cas de corruption sexuelle soient traités de manière transparente et que des sanctions appropriées soient appliquées aux présumés coupables. Un environnement où les plaintes sont ignorées ou mal traitées, ne fait que perpétuer l’impunité et aggraver le mal » a-t-elle souligné.

Du côté des participants, M. Mamadou Sacko, Enseignant à la Faculté des Sciences Administratives et Politiques (FSAP) trouve que l’activité était vraiment à la hauteur des attentes. « On a su où se trouve le problème et quelles sont les solutions adéquates tant au niveau des enseignants qu’au niveau des étudiants qui sont généralement des victimes ». Pour lui, un renforcement de sensibilisation et de moralisation permettra de résoudre le problème. En outre, M. Sacko pense que le mal se trouve à deux niveaux et de ce fait, la sensibilisation doit cibler tous les deux côtés. Certes les enseignants doivent respecter leur déontologie, l’éthique morale pour mieux encadrer les enfants, mais Mamadou Sacko ajoute que les jeunes (étudiants) doivent eux aussi bien se comporter, notamment, en respectant le cadre strict d’apprentissage. Au-delà de ce point, il invite aussi l’État à prendre ses responsabilités en veillant au respect des dispositions réglementaires.

Tout comme lui, M. Nalion Djedani également Enseignant à la FSAP, s’est réjoui de cette formation. « En notre qualité d’enseignants à l’Université, nous recevons cette formation comme une contribution. Je pense que dans l’espace universitaire, la question de la corruption sexuelle fait objet de débats depuis un certain temps et reçoit un traitement académique approprié ». Il ajoute que cet atelier vient renforcer les efforts déjà investis par administration universitaire contre les pratiques néfastes. « Nous les observons en longueur de journée prendre des initiatives pour prévenir et sanctionner de personnes responsables (enseignants ou étudiants) de forfaits relatifs à la violence ou corruption sexuelle en milieu universitaire » a-t-il fait savoir.

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Tout en appréciant le contenu partagé, M. Djedani trouve cependant que les éléments fournis peuvent faire objet d’amélioration par les enseignants en vue de leur donner des atouts scientifiques en prenant notamment en compte les spécificités selon un milieu universitaire et scolaire. « Il est utile d’observer un traitement académique contre la corruption sexuelle dans le cas spécifique du milieu universitaire, quitte à éviter les confusions de toute nature qui pourrait même constituer un frein à la lutte contre la corruption sexuelle. Pour reprendre l’écrivain, mal nommé les choses n’est-il pas aussi d’ajouter aux malheurs du monde », a-t-il indiqué.

En tant que femme et membre du corps professoral, Mme Maïga Mariama Abdou, Enseignante à la FSAP a rappelé que le maillon faible reste toujours les étudiantes et étudiants, ce qui va forcément orienter toutes les accusations envers les enseignants. Selon elle, on ne peut pas développer cette problématique sans indexer les enseignants, l’administration et tous ceux qui ont du poids pour influencer sur des notes. Mais cependant, selon elle, « l’enseignant qui sait que cela ne fait pas partir de ses habitudes ne doit pas être touché », a-t-elle soutenu.

Au niveau des étudiantes principales victimes de cette violence, la corruption sexuelle en milieu universitaire est une réalité douloureuse qui affecte surtout les jeunes femmes, « compromettant leur avenir académique et personnel », nous confie Aminata A Dicko, Auditrice en master (genre et développement).  En parler ouvertement, comme c’est le cas permet, selon elle, de briser le silence qui entoure cette question longtemps restée tabou. En outre, Aminata ajoute que ce fléau est une violence basée sur le genre et mérite d’être combattu avec la même détermination que d’autres formes de violence.

Aminata pense qu’un atelier sur la corruption sexuelle peut encourager une prise de conscience collective des conséquences sur la question et par ricochet inciter à mettre en place des mécanismes de prévention et de sanction. « Une telle formation peut inspirer des changements institutionnels, notamment la création de comités ou d’instances dédiées à la protection des étudiantes et étudiants contre toute forme de violence et d’abus de pouvoir ».

Tout comme l’association Yeleen, Aminata A Dicko recommande, entre autres, la création d’un cadre de dialogue et de dénonciation sécurisé où les victimes peuvent parler sans peur de représailles, le renforcement de la campagne de sensibilisation au sein des universités et la formation des enseignants et le personnel administratif aux comportements éthiques, la mise en place de sanctions strictes contre les auteurs de ces pratiques. En tant que femme, Aminata recommande surtout une solidarité féminine au sein des établissements universitaires afin que les victimes ne se sentent jamais seules.

De son côté, Maman Diodo Diallo également étudiante à la FSAP est convaincu que le respect du règlement intérieur des établissements universitaires permettra de mettre fin à ce fléau.

En tant que Ministère en charge de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, le représentant Germie Coulibaly regrette que les abus et des violences sexuelles en milieu universitaire persistent toujours et compromettent la sécurité et le bien être des étudiantes et étudiants, notamment les jeunes filles. Pour lui, l’égalité et l’équité de genre sont non seulement des droits fondamentaux, mais aussi des piliers essentiels pour bâtir une société prospère et inclusive. De ce fait, il signale que c’est impératif que les acteurs de l’éducation, notamment, les enseignants, les formateurs et l’administration puissent retenir les outils nécessaires pour détecter, prévenir et combattre toute forme d’abus y compris la corruption sexuelle au niveau de nos universités. Selon lui, cet atelier est une étape cruciale pour doter les éducateurs de compétences et des connaissances pour agir efficacement en faveur d’un milieu d’apprentissage respectueux des droits humains.

Issa Djiguiba

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains au Mali (JDH) et NED.

Source: Le Pays
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