Dans son rapport sur la soutenabilité de la dette africaine en 2020 le Réseau de l’entreprise en Afrique de l’Ouest (REAO-Mali) rapporte qu’en moyenne le taux déperdition de la dette est de 40% pour le continent et le Mali fait partie des champions avec 49% de taux de déperdition. Ainsi le pays rembourse la dette avec les intérêts alors même que la moitié se retrouve dans quelques poches.
Il m’a été donné de visionner une vidéo sur deux comédiens maliens jouant et caricaturant de façon grinçante et comique deux des principales plaies du Mali : la corruption et la délinquance financière.
Au-delà de l’effet comique qui prête à sourire, les deux comédiens mettent en scène une tragédie civilisationnelle rappelant cette phrase d’Aimé Césaire : “une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente”. Certes il s’exprimait contre le colonialisme. Mais le Mali se retrouve dans cette même configuration avec la corruption qui devient son Hydre de Lerne, cet animal légendaire à têtes multiples de la mythologie grecque. La délinquance financière et la corruption se renforcent comme si le fait de les dénoncer potentialise leur pouvoir. Elles se régénèrent sans cesse au nez et à la barbe de ceux, une minorité, qui essayent de lutter contre. Plus aucun secteur de la vie du pays n’est épargné. Ibrahim Boubacar Keïta avait fondé son argument de campagne majeur sur la lutte contre ce fléau. Pourtant ses deux mandats ont ouvert un boulevard à ce clan mafieux avec son fils comme commandant de bord.
Dans son rapport sur la soutenabilité de la dette africaine en 2020 le Réseau de l’entreprise en
Afrique de l’Ouest (REAO-Mali) rapporte qu’en moyenne le taux déperdition de la dette est de 40% pour le continent et le Mali fait partie des champions avec 49% de taux de déperdition. Ainsi le pays rembourse la dette avec les intérêts alors même que la moitié se retrouve dans quelques poches.
Parfois même, des chantiers sont lancés pour avoir l’opportunité des détourner les fonds publics ou les prêts accordés au pays en vue de la réalisation des travaux.
Ces requins ont formé un véritable réseau occulte au sein de l’administration. Ils se cooptent et se protègent, toujours prompts à ourdir des complots pour faire tomber ceux qui essaient de remettre les choses à l’endroit. Dans certaines affaires sulfureuses, des innocents se sont retrouvés en prison alors que les vrais coupables étaient protégés.
Alors le CNT a du pain sur la planche. Souvent le ver est dans le fruit, ceux qui doivent éradiquer le phénomène en sont les principaux animateurs.
Il est temps que la population s’implique dans la lutte parce qu’elle est la principale victime. Il est bien possible de créer des comités de vigilance à l’exemple de nos amis et frères Burkinabè. Il ne s’agit de sombrer dans une délation où les gens se dénoncent pour régler d’autres comptes. Mais de mettre en place de véritables comités qui recensent les cas circonstanciés de corruptions, extorsions de fonds, abus de pouvoir. Ces comités peuvent être mis en place par secteurs d’activités, quartiers,
villages, avec des spécialistes ou personnes reconnues pour leur intégrité.
Un professeur d’anthropologie de l’université de Bordeaux d’origine Burkinabé m’a longuement entretenu de l’expérience du Burkina Faso en la matière avec la loi N°004-2015/CNT portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso. La loi est reprise dans de petits fascicules vendus à 500 Francs CFA par le réseau national de lutte anti-corruption.
La politique ayant été vidée de son sens noble pour devenir un moyen de s’enrichir, il devient illusoire de laisser aux seuls politiciens, quand bien même il y en aurait de sérieux, le champ libre pour ce combat. Le mal est si profondément ancré que les hommes politiques honnêtes ont besoin de l’apport du peuple pour mener une lutte efficiente.
La problématique devient encore plus complexe lorsque les organes de contrôle et de répression sont eux-mêmes vérolés. Le changement doit s’amorcer à ces niveaux en priorité. Et il suffira de quelques exemples pour mettre un terme à la récréation pour ces êtres indélicats.
Le peuple doit prendre son destin en main. Comme le disait George Orwell: ” Un peuple qui élit des corrompus, renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice.”
Yamadou Traoré
Analyste politique
Source: Journal l’Aube- Mali