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Coronavirus : Les Bamakois entre respect et ignorance des mesures prises

La pandémie bouscule les habitudes et crée une psychose. Il faut donc maintenir les efforts de prévention et surtout faire une communication saine

Dans le numéro 2887 du 5 au 11 mars 2020 de « L’OBS », un journal français, notre confrère, Pierre Haski, s’interrogeait dans sa chronique. « Un virus peut-il changer le cours de l’histoire » ? Dans la foulée, lui-même apporte la réponse. « Sans doute, lorsqu’une proportion importante de la population mondiale est décimée comme ce fut le cas avec la peste noire, mais le coronavirus, présent sur tous les continents, n’a heureusement pas ce pouvoir destructeur ».
Pourtant, le coronavirus préoccupe aussi les scientifiques et met à rude épreuve les systèmes de santé, les plus performants à l’échelle planétaire. Dans notre pays, la pandémie s’invite dans toutes les discussions, angoisse les populations, bouscule les habitudes, crée une peur diffuse voire une psychose. Certains prétentieux se substituent aux médecins et s’emploient à relayer des informations erronées. Au réveil de leur sommeil, nos compatriotes veulent tout de suite s’informer de l’évolution de la pandémie au plan mondial, mais surtout s’assurer que notre pays garde le statu quo (aucun cas de coronavirus enregistré). Mais une chose est sure, on ne sent pas, aujourd’hui, la grande sérénité dans la communication tous azimuts sur le coronavirus. La peur du coronavirus ou covid-19 (parce que le virus a été détecté en 2019) peut bien se justifier du fait de son pouvoir de contagiosité. Nous avons approché un infectiologue du Centre hospitalo-universitaire (CHU) du Point G, Pr Daouda Minta. Ce scientifique qui fait autorité dans sa discipline, explique qu’on n’est pas à la première épidémie de coronavirus. Il rappelle les deux autres survenues en 2003 avec le Syndrome respiratoire aigu (SARS-cov) qui a concerné 27 pays dans le monde avec une mortalité autour de 9,6% et en 2012 avec le Syndrome respiratoire des pays du Méridien (MERS-cov) avec une mortalité de 36%. Cette dernière épidémie avait affecté seulement l’Arabie saoudite et le Qatar. Le spécialiste en infectiologie s’est dit convaincu qu’on peut arriver à atténuer le nombre de cas dans les 4 à 5 mois à venir, mais pour vraiment parler d’extinction de la pandémie dans le monde, il faut attendre bien plus. Il argumente. Toute la difficulté reste les porteurs asymptomatiques (parce que 80% des gens qui portent le virus ne développent pas de symptômes). Ceux-ci contaminent rapidement leur entourage et leur environnement en touchant les poignées des portes, les murs, les tables de travail et d’autres objets.

OUBLIER LES AUTRES MALADIES- Une certaine opinion soutient que le virus ne résiste pas longtemps à une exposition au soleil. Tous les spécialistes vous diront que cela n’est pas scientifiquement prouvé. Au contraire, selon Pr Daouda Minta, des études scientifiques auraient démontré que le covid-19 vit 72 heures sur des surfaces en plastique et sur l’acier, 24 heures sur des cartons. Sa durée de vie serait de 4 heures sur du cuivre comme les pièces de monnaie. Ce qui explique peut-être la fulgurance de la contamination. Il faut donc s’inscrire dans la prévention à travers l’observance des règles d’hygiène individuelles et collectives pour éviter une contamination de notre pays.
Le scientifique du Point G partage l’urgence de former tout le personnel médical, y compris les techniciens de surface (les manœuvres), dans les secteurs public et privé et de faire une saine communication sur la question. Il faut donc une meilleure sensibilisation de la population avec un art consommé de la pédagogie. Pour lui, il faut se laver les mains au savon ou s’appliquer sur les mains une solution hydro alcoolique plusieurs fois dans la journée pour se préserver du virus. On peut entré en contact avec le virus en touchant soit les poignées des portes, un stylo, soit d’autres objets souillés par un porteur asymptomatique.
Le spécialiste recommande aussi d’éternuer dans les coudes et non dans les paumes de la main. Une autre mesure de prévention préconisée est la distanciation d’au moins un mètre entre les gens. À en croire notre scientifique, nos amis Chinois préconiseraient d’observer 4 mètres entre les individus. La prévention passe aussi par des mesures de confinement, notamment la mise en quarantaine (deux semaines d’observation). « Aujourd’hui, les dernières évolutions scientifiques indiquent d’aller à 3 semaines, soit 21 jours de confinement », relève Pr Minta. Lui qui se veut on ne peut plus réaliste insiste sur la prévention parce que : « une fois qu’on va déclarer des cas, les hôpitaux ne pourront pas contenir le flux et on risquera d’oublier les autres maladies. Ce qui va être la catastrophe », souligne-t-il. Notre pays n’a pas encore enregistré de cas. Pr Daouda Mina s’en réjouit mais rappelle la nécessité de maintenir la garde haute. Pour lui, il faut nuancer les choses. « Pas trouver de cas n’est pas équivalent à n’existe pas », a-t-il souligné avant d’indiquer que le virus met du temps à circuler avant d’exploser. Il cite le cas en Chine. L’épidémie est partie, selon lui, d’un marché de fruits de mer à Wuhan pour contaminer d’autres contrées de la Chine. Elle s’est propagée dans d’autres pays du monde. Pr Minta rappelle aussi l’importance de tenir compte dans la riposte éventuelle contre l’épidémie d’autres spécialistes qui joueront les premiers rôles dans la prise en charge des cas sévères au besoin. Il s’agit notamment des pneumologues et des anesthésistes parce que dans les cas graves, il faut intuber les malades, c’est-à-dire les mettre sous aspirateurs ou bien les réanimer dans certains cas. À en croire le spécialiste, les gens fragiles, notamment les insuffisants rénaux, les diabétiques, les fumeurs et ceux qui souffrent d’autres maladies chroniques sont plus enclins à développer les formes graves de la maladie et en mourir. Le Comité d’éthique nationale pour la santé et les sciences de la vie (CNESS), s’apprête à recommander au ministère de la Santé et des Affaires sociales, l’implication de ces spécialistes.

RÉSERVOIRS DE VIRUS– Des études scientifiques auraient démontré que le covid-19 s’apparente à 96% à celui des chauves-souris et 100% au covid des pangolins.
Même s’il n’est pas établi scientifiquement que ces animaux sont à l’origine de la maladie chez l’homme, il faut donc simplement se méfier de certains animaux qui peuvent être des réservoirs de virus.
Le covid-19 touche des milliers de personnes. Selon l’infectiologue du Point G, les statistiques à l’échelle mondiale attestent que les tout petits de moins de 10 ans sont moins touchés par la pandémie et on ne déplore aucun décès chez cette couche.
Par ailleurs, il relève la nécessité de se protéger. Mais la fermeture des frontières aériennes et terrestres peut-elle être envisagée sur une longue durée ? Le spécialiste recommande une collaboration très sincère à ce niveau pour minimiser les risques de contamination en évitant que les cas suspects ne franchissent les frontières d’un pays à l’autre.
L’écrivain et historien de santé, Patrick Zylberman, apporte un meilleur éclairage à ce niveau dans une interview sur le coronavirus dans le même numéro de L’OBS. « Même au Moyen âge, lorsque le commerce était plus lent, les déplacements moins denses, les maladies passaient par-dessus les palissades et les barrages érigés »
L’existence du covid-19 est une question d’urgence mondiale. Pr Minta invite à l’application des préceptes prescrits pour réduire l’incidence de la pandémie.

Brehima DOUMBIA

Source: Journal L’Essor-Mali

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