C’est comme une histoire de femmes qui en veulent. Elles sont 35 femmes qui fabriquent du savon avec uniquement des matériaux locaux. La matière de base est le beurre de karité avec des ingrédients tels que le henné, le miel, la carotte, les concombres, le gingembre, le jaune de l’œuf. Le produit fini ? Du savon naturel, purement malien, sans produits chimiques. Il n’en fallait pas plus pour conquérir le cœur d’une Princesse, Esther Kamatari,
Alors, quand Mali Health (ONG du secteur Santé mère-enfant) a approché la Fondation Princesse Esther Kamatari (FPEK), elle a fait une première commande de 1.050 morceaux de savon avec la coopérative. Et, à la livraison, la Princesse a décidé de voir la coopérative au travail parce qu’elle est décidée à chercher d’autres partenaires pour ces femmes, à condition qu’elles restent «authentiques».
C’est-à-dire, qu’elles ne travaillent qu’avec le beurre de karité, les matériaux locaux à partir desquels elles peuvent créer un label qui pourra aller au-delà de nos frontières. Les femmes sont engagées dans ce sens, mêmes les emballages sont faits à base de matériaux de chez nous. Elles font des savons de toilette, de lessive, du savon liquide et des savons ronds pour la vaisselle, communément appelés «Gabacourouni».
Aux dires du chef du département renforcement des capacités communautaires de Mali Health, Gaoussou Doumbia, la Princesse leur a fait savoir qu’elle travaille dans la protection de l’environnement. «Toutefois, dit-il, nous avons compris que nous avons des centres d’intérêt communs». «Avec sa Fondation, elle distribue aux Maliens des masques lavables accompagnés d’un morceau de savon. Nous lui avons dit que notre coopérative peut lui fournir en savons». Pour la Princesse Esher Kamatari, on a affaire à de vraies femmes qui ont des capacités extraordinaires de se surpasser : «Elles sont des travailleuses, des bosseuses. Elles sont les piliers de leur société. C’est plutôt moi qui suis honorée d’être en contact avec Mali Health et ces femmes», souligne-t-elle. «En fait, j’apporte un regard extérieur pour leur dire : faites ceci, faites cela parce que c’est plus vendable». «La spécificité de ces femmes, note la Princesse Esher Kamatari, c’est qu’elles travaillent avec des matériaux du pays, le beurre de karité, avec tous ces ingrédients, qui n’a strictement rien à voir avec l’autre savon qu’on achète sur le marché». «Donc, elles méritent vraiment d’être reconnues. Elles sont courageuses et formidables», insiste la Princesse.
En compagnie de la Princesse Esther Kamatari, notre équipe de reportage a effectué une visite, jeudi, dans la matinée, sur le site de production de savon de ces dames, à Kalabambougou. Dans leur tenue de travail (blouson et bottes), elles nous réservent un accueil des plus chaleureux avec chants et danses. La même ambiance au départ avec un chant d’honneur en hommage à l’hôte du jour qui esquissera quelques pas de danse.
PROCESSUS DE FABRICATION – Après des messages de remerciement et de bienvenue, les femmes de la coopérative Kotognontala de Kalabambougou vont recevoir, chacune un masque lavable et une tenue de travail. Ensuite, elles se mettent au travail. Dans un premier temps, on se transporte vers la table de découpe du savon moulé, en petits morceaux puisqu’il y avait une pâte faite qui attendait. Sur cette table, elles mettent le contenu de la moule entre le cadre de la machine à découper. Résultat ? Plusieurs petits morceaux de savon qui sortent. Il y a une autre table où elles procèdent aux marquages des morceaux de savon. Après cette démonstration, toujours dans une atmosphère conviviale, nous partons pour le processus de composition de la matière du savon. Ici, quelques-unes des femmes s’attroupent autour d’une grande marmite sur le feu, contenant du beurre de karité. Cette étape consiste à bouillir le beurre de karité. Ensuite, à procéder à un mélange d’huile de palme sur la base d’un dosage de 12 litres d’huile de karité et 8 litres d’huile de palme. Ce liquide est déversé dans un autre récipient pour poursuivre le mixage. Pendant que le malaxage-battage continue.
Une fois le beurre de karité rendu en huile, les femmes commencent le mélange. Tour à tour, avec la quantité d’huile de karité qu’elles ont sous la main, elles mettent la bonne dose des autres produits locaux. Elles y ajoutent du miel, du jus de gingembre, de concombre, de la carotte, du jaune de 10 œufs, de l’argile, du henné jusqu’à obtenir la pâte de savon. Puis, elles laissent la pâte de ce savon de luxe au repos durant 5 heures, sous les manguiers, à l’air frais pour qu’elle durcisse avant la table de coupe en morceaux. Comme c’est une commande spéciale, elles décident de marquer les morceaux de savon du sigle de la Fondation de la Princesse. Auparavant, elles avaient rempli de pâte de petites calebasses confectionnées pour la cause. La Princesse avait demandé le savon spécial qui contient tous les ingrédients d’un cocktail de parfums, de douceurs et de matières. Un genre de savon très prisé par les nouvelles mariées. Dans cette préparation, la coopérative pratique une combinaison de tous les intrants que veulent les nouvelles mariées pour rajeunir leur teint et rendre leur peau très lisse.
L’idée, inspirée de la tontine des femmes est venue de l’ONG Mali Health. «Nous avons mis ce programme en place sachant qu’on ne peut pas parler de la santé de la femme et de l’enfant, tant que les femmes ne sont pas impliquées», nous explique Gaoussou Doumbia.
Et d’ajouter : «C’est pourquoi, elles sont les premières victimes en cas de maladie dans la société. Quel que soit le programme, si elles n’y prennent pas part, il est voué à l’échec. Pour Mali Health, personne ne peut subventionner ou prendre en charge la santé de quelqu’un d’autre à 100%. Il faut que la personne elle-même s’implique». «C’est partant de cela que nous avons jugé nécessaire d’organiser les femmes de manière qu’elles puissent participer à leurs soins. C’est ainsi que nous avons mis en place ce projet de coopérative consistant à les réunir autour d’activités collectives et génératrices de revenus de leur choix».
DIFFICULTÉS DE PROMOTION – C’est en 2017 que la coopérative a commencé la production et la commercialisation du savon à partir du beurre de karité. Depuis, tout marche bien, sauf que la coopérative a des problèmes pour écouler ses produits.
Selon la secrétaire exécutive de la coopérative, Fatoumata Doumbia, le groupement souffre également de l’absence de visibilité. «Nous ne sommes pas connues du grand public et nous n’avons pas de fonds aussi», déplore-t-elle. Aussi, elle regrette le manque de siège (la coopérative est logée dans la famille de la secrétaire exécutive, ndlr), ce qui complique la tâche de nos braves dames.
«Nous ne cherchons qu’à être sous la lumière pour que le maximum de clients puissent voir notre production afin qu’on se trouve un siège et d’autres avantages pour notre épanouissement», plaide Fatoumata Doumbia. «Sinon, ajoute-t-elle, nous parvenons à jongler entre la production et nos travaux domestiques. Ici, nous nous comprenons bien, nous nous écoutons dans le respect mutuel. Nous travaillons généralement les samedis et tous les jours, s’il y a commande. Aucune personne de notre voisinage ne se plaint car la production n’émet pas de gaz toxique», dit-elle.
Fatoumata Doumbia assure que les 35 femmes de la coopérative arrivent à prendre en charge leurs petits besoins, ainsi que celui de leurs enfants. Elle se réjouit de l’accompagnement désintéressé de Mali Health et de l’engagement de l’ONG à chercher des partenaires de taille comme la Fondation Princesse Esther Kamatari. «Nous comptons énormément sur la Princesse pour qu’elle contribue à notre promotion. Toutes les actions de bonne volonté allant dans ce sens sont aussi les bienvenues».
Oumar DIAKITÉ
et Moussa DIARRA
Source : L’ESSOR