En plus de la mission d’expertise et d’audit ordonnée par le tribunal de commerce de Bamako qui avait décelé » des anomalies de gestion portant sur plusieurs milliards de FCFA et décidé la mise sous administration provisoire de la société « , la Division des assurances de la Direction nationale du trésor et de la comptabilité publique (DNTCP) a aussi mené un contrôle de gestion au niveau des Assurances Lafia-SA. La mission, qui s’est déroulée du 20 avril au 5 mai 2020, a transmis son rapport le 12 août dernier. Il en ressort que » la gestion de la société par le Directeur Général est entachée de nombreuses irrégularités au plan administratif et financier « .
C’est par la correspondance n°0041020-1/ATLAS en date du 10 avril dernier signée par le président du Conseil d’administration des Assurances Lafia-SA, Amadou Djigué, que le Directeur national du trésor et de la comptabilité publique, Sid El Moctar Oumar a dépêché une mission des commissaires contrôleurs de son service auprès de ladite société.
Cette mission a constaté plusieurs insuffisances dans la gestion de la société, au nombre desquelles, il cite «les actions totales figurant sur les bulletins de souscription supérieures aux actions proposées dans le cadre de l’augmentation du capital social ; les statuts ne sont toujours pas modifiés une année après l’augmentation du capital ; le texte régissant le fonctionnement du fonds social n’est pas disponible».
Le rapport relève aussi l’absence d’information du président du conseil d’administration (PCA) sur les mouvements affectant l’actionnariat de la société, l’absence de compte rendu au PCA des missions du DG et de la situation de trésorerie de la société, le non-paiement régulier des impôts ayant privé la société de quitus fiscal pendant de longues périodes, la non-conformité à la réglementation du contrat de prestation de service passé avec M. Oumar Tangara. S’y ajoutent «l’existence de plusieurs comptes d’augmentation de capital, contrairement aux pratiques généralement admises dans la zone CIMA, des versions papiers signées et cachetées manquent pour les relevés de comptes courants à la date du 10 mai 2020 ainsi que l’extrait du DAT (dépôt à terme) de la BDM-SA».
Autres irrégularités mises en évidence par la mission c’est la constitution excessive de DAT au détriment des comptes courants ayant causé des tensions de trésorerie conduisant la société à recourir à des avances sur DAT ou à des nantissements de DAT.
Outre ces manquements, la mission a relevé d’autres insuffisances financières dont certaines ont un impact sur la trésorerie de la société. Il s’agit de «l’existence d’un écart de 286 408 681 FCFA entre la valeur réelle des actions souscrites et les sommes versées par les souscripteurs, le motif du prêt de 13 millions de FCFA au fonds social n’a pas été clairement indiqué, la non justification d’une somme de 2 979 785 940 FCFA entre janvier 2018 et le 31 juillet 2019, la non justification de 845 018 174 FCFA entre le 1er août 2019 et le 10 mai 2020».
En somme, la mission de la DNTCP, qui avait comme rapporteur Mamadou Traoré, arrête à 3 824 804 114 FCFA le montant à justifier par le Directeur général, Ousmane Bocoum.
Il sied aussi de souligner que dans une correspondance annexée audit rapport, le Directeur national du trésor et de la comptabilité publique écrit ceci : « Compte tenu des manquements constatés et dans le but de protéger les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurance et de capitalisation tel que prévue à l’article 300 du code des assurances, je vous informe des mesures de sauvegarde en cours, notamment la mise sous administration provisoire de la société, suivant les dispositions de l’article 321 du code susvisé « .
Comme on le constate donc, les conclusions de la mission de la DNTCP confirment les irrégularités de gestion déjà décelées par la mission d’expertise et d’audit ordonnée par le tribunal de commerce de Bamako. Cependant, le président du Conseil d’administration, Amadou Djigué, actionnaire majoritaire de la société, jusqu’à preuve du contraire, peine à installer l’administrateur provisoire désigné par le tribunal de commerce en la personne de M. Allasse Togola, représentant le cabinet IEC. Cela à cause du refus du Directeur général, Ousmane Bocoum, de procéder à la passation de service malgré l’insistance d’un huissier commis pour la circonstance.
Youssouf CAMARA
Source : l’Indépendant