Quand le pays sombre dans la politique politicienne, la démocratie se résume aux luttes électoralistes. En faisant une petite rétrospective sur la lutte des pères de l’Indépendance, et du vent de démocratie qui souffla sur l’Afrique dans les années 1990, nous constatons aisément l’échec cuisant de toute la classe politique actuelle. Pour rappel, un certain nombre de personnalités africaines ont perdu la vie pour que leurs peuples accèdent à une souveraineté véritable, dépourvue de toute velléité de compromis basés sur la garantie de leur maintien au pouvoir en contrepartie de laisser l’occident faire main basse sur leurs ressources ont fini par périr ou tomber en disgrâce. Je cite au passage, Kwame Nkrumah, Modibo Kéïta, Ahmed Sékou Touré, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral et en j’en passe.
L’avènement d’un phénomène dans l’Afrique des années 1990 qui s’est fait appeler “démocratie” a apporté un palliatif aux systèmes dictatoriaux surtout dans le cadre du Mali pour endormir le peuple afin qu’il reste mobilisé pour défendre toutes les causes, sauf celles légitimes qui engagent résolument sa destinée politique. Quand la démocratie se résume de façon restrictive à la gestion du pouvoir par consensus, nous pouvons comprendre les intentions machiavéliques de soi-disant leaders de partis politiques au nombre de plus d’une centaine, tous voulant être associés au partage du gâteau. Et comme le ridicule ne tue pas au Mali, il n’ya aucune gêne à se détacher de la troupe à quelques mois des élections avec des critiques stériles tendant à berner le peuple considéré comme ignorant et facilement manipulable à dessein. En tout état de cause, le taux de participation du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2018, 34,32 % aura démontré à suffisance le dédain du peuple malien à l’égard de la classe politique qu’elle soit de la majorité comme de l’opposition.
“Le triomphalisme politique est devenu le principal moteur démocratique utilisant l’attrait des revendications démocratiques pour mobiliser les peuples sur des bases ethonorégionalistes…le vagabondage et la transhumance politique sont poussés à l’extrême avec des alliances contre nature même après avoir poussé les populations à s’affronter dans la violence, on n’hésite pas sans préalable, sans explication, à se mette ensemble dans le cadre d’un gouvernement dit d’union nationale ou pour le salut de la République, soit dans le cadre d’une nouvelle conquête du pouvoir”.
A l’approche des récentes élections présidentielles au Mali, tous les coups étaient permis, certains arborant fièrement sur des panneaux publicitaires : “Votre Mali continue de progresser”. Peut-on nous dire de quel progrès il s’agit ? Certes, on me dira le PIB (produit intérieur brute) a progressé. Ce progrès est mesuré par quelle institution ? celles de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI) ?
“Rappelons qu’en début des années quatre-vingt-dix, la quasi-totalité des pays d’Afrique noire sont sous injonction des politiques d’ajustement structurel (PAS). Par contre, revendiquer l’égalité des droits et la justice sociale, revenait à contester la politique publique appliquée sous la férule du FMI et de la Banque mondiale qui se caractérisait par des coupes dans les budgets de santé, la diminution de bouses d’étude, la réduction drastique des salaires de fonctionnaires… “ Peut-ont aujourd’hui parler de la légitimité des mêmes institutions édictant des chiffres macro-économiques pendant que le citoyen lambda continue de croupir dans la misère ? Peut-on parler de développement pendant que le Mali n’est capable d’assurer des soins de qualité fiables aux populations sans l’aide des bailleurs, à travers la soi-disant aide au développement ? Alors, faudrait-il qu’on nous définisse réellement le concept du progrès.
Les mêmes discours de campagne nous apprennent que le Mali est devenu le premier producteur de coton, devançant ainsi le Burkina Faso. Sous-entendu, le secteur du coton se porte bien. Peut-on être fier quand la CMDT (Compagnie Malienne de Développement du Textile) endette des villages entiers à travers les AV (associations villageoises), lesquels villages se retrouvent par la suite à vendre leur coton à un prix encore fixé par les acheteurs occidentaux, pour rembourser des sommes faramineuses d’intrants agricoles, sans que le pays ne soit en mesure de créer la moindre chaine de valeur, hormis l’égrenage depuis des décennies ? Là encore la question de la souveraineté se pose avec acuité. Si nous ne pouvons-nous empêcher de vendre notre coton au prix fixé par les Occidentaux, qui peut nous empêcher de faire comme le Burkina Faso dont les motifs du “Fasodanfani” ont dépassé les frontières du Faso, en créant de la chaine de valeur sur la transformation d’une bonne partie du coton localement ?
D’autre part, certains candidats et leurs soutiens criaient sur tous les toits qu’il faut l’alternance politique. Or, “l’alternance démocratique suppose le changement dans un même système politique, imparfait certes, mais qui nécessite juste des corrections grâce au changement de régime. Autrement dit, les droits politiques : droit de vote, droit d’association, liberté de circulation ou liberté d’expression, qui aboutissent en fait à aménager les règles de la compétition entre les membres de l’élite politique sans remettre en cause fondamentalement le système, constitue la base de l’analyse des acteurs du changement d’hier et d’aujourd’hui”.
“Si la démocratie ne se résumait qu’aux réussites des scrutins électoraux, pour assurer l’alternance, le vaillant peuple malien, tant vanté pour ses deux décennies de réussite de l’alternance démocratique, et dont malheureusement les droits économiques et sociaux sont réduits à la portion congrue, ne s’est pas mobilisé massivement pour défendre les acquis de la démocratie “électoraliste” et exiger le retour à l’ordre constitutionnel après le coup d’Etat du capitaine Amadou Haya Sanogo”.
“Evidemment, on peut continuer à appliquer servilement et aveuglement les plans d’ajustement structurel y compris les politiques économiques mortifères, inspirées des institutions de Bretton Woods contre les populations, cela ne sera pas une cause principale de conflit entre majorité et opposition, car l’ensemble du personnel politique est acquis à ce système anti-peuple. Tant pis, on reviendra sans vergogne à appeler le peuple à arbitrer la vraie cause principale de conflit portant sur les élections même à coups de manipulation s’il le faut”.
Peuple du Mali, beaucoup de discours ont été livrés, il est grand temps que les mentalités changent, que les habitudes changent, que notre approche envers la classe politique actuelle change, en songeant à un véritable renouvellement des instances dirigeantes politiques du pays (municipales, législatives et la présidentielle à venir), sans forcément l’émergence de nouvelles figures issues de la classe politique traditionnelle qui prend la lutte de l’avènement de la démocratie comme un veto de participation à la vie politique malienne sans jamais honorer la mémoire des martyrs en étant à la hauteur de leurs engagements vis-à-vis du peuple.
Source des citations, du livre intitulé Discours Panafricanistes, Panafrikan Edition.
Auteur de l’article : Vice-président de la ligue panafricaine UMOJA, section territoriale du Mali.
Par Didier Dakouo
Source: Aujourd’hui-Mali