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Contribution : « Je déteste ce pays qui humilie ses présidents depuis le 19 novembre 1968 jusqu’à ce 18 août 2020 »

Depuis l’effectivité de l’éviction d’IBK du pouvoir par les militaires ce 18 août 2020,  tous les démocrates sont consternés, voire écœurés de cette triste évolution de la contestation insurrectionnelle menée par une partie de la population.

 

A titre de rappel, notre Président de la République avait été démocratiquement élu et investi le 4 septembre 2018 à la suite de l’élection présidentielle de juillet-août.

Coup d’Etat : crime imprescriptible contre le peuple malien

Prendre les armes contre un président démocratiquement élu n’est ni plus ni moins qu’un crime imprescriptible contre le peuple malien. En effet, selon l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992 « le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution. La forme républicaine de l’Etat ne peut être remise en cause. Le peuple a droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’Etat. Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien ».

Alors pour revenir aux évènements du 18 août 2020, l’on a beau gloser sur le qualificatif,  affirmant d’une part que c’est un coup d’Etat ou déniant d’autre part ce qualificatif, il est constant que l’on a rompu avec l’ordre constitutionnel normal en place à travers des faits inédits dans l’histoire politique du Mali :

-Démission d’un Président de la République dans un camp militaire

-Dissolution par ce même Président de la République de l’Assemblée Nationale et du Gouvernement.

L’endroit (le camp militaire) qui a abrité tous ces actes susvisés, sachant que le bureau du Président de la République n’a jamais été le camp militaire, pose des questionnements nonobstant la répétition devant les médiateurs de la CEDEAO du Président démissionnaire de l’avoir fait de son plein gré. Bref quel que soit la qualification, perdre le pouvoir de la sorte sans cérémonie de passation en fin de mandat est bien une HUMILIATION caractérisée d’ailleurs de détention. Rien ni personne ne peut enlever le caractère humiliant de l’acte.

Et hélas, dans ma patrie MALI, ce n’est pas une première. Tous nos présidents sont passés par là (à croire finalement que le fauteuil de Président de la République est maudit au Mali) sauf le premier Président de la III ème  République Alpha Oumar Konaré, l’exception confirmant la règle. L’homme ignorait ses détracteurs pour se consacrer à sa fonction de Président qu’il exerça jusqu’au dernier jour de son mandat. En cela, il est rejoint par le Président Djoncounda TRAORE qui, bien que dirigeant transitoire, est resté stoïque face au déluge ou encore « d’un calme olympien » selon les termes du Président IBK.

Je fais mienne cette phrase du Président déchu IBK « On est Président mais n’est jamais un bon Président » parce que tout ne marche guère  comme on l’aurait voulu. On est proclamé tout puissant, mais en réalité on reste impuissant face aux tournures de bon nombre d’évènements. Mais ça, ceux qui ne sont pas dans le fauteuil présidentiel ne peuvent le comprendre. Dur dur d’être Président du Mali.

A titre de leçon : les pouvoirs civils des autres pays membres de la CEDEAO sont soutenus par des militaires républicains

Assurément, le Mali a encore du long chemin  à parcourir pour voir le bout du tunnel de la gouvernance démocratique sous la direction des civils soutenus par des militaires patriotes et républicains.

Le Mali doit savoir, au-delà des exigences statutaires de la CEDEAO, que la force en attente de la CEDEAO est constituée des forces de défense et de sécurité loyales envers les pouvoirs civils des Etats membres. Cela constitue, à l’évidence, une leçon de morale hautement symbolique pour tout auteur ou aspirant coup d’Etat. Autrement dit, le putsch ou coup d’Etat n’est pas un acte héroïque, loin s’en faut. A ce sujet, le Président Amadou T. Touré ne disait-il pas que « le mot putschiste n’est pas un qualificatif dont on peut être fier ».

A titre de rappel, le 1er Président de la IIIème République Alpha Oumar KONARE a toujours mis en garde les militaires en ces termes « aucune indiscipline ne sera tolérée au sein de la grande muette » étant entendu que le summum de l’indiscipline est de retourner les armes contre le chef suprême des armées.

Rappel de la triste série des coups d’Etats au Mali

Le 19 novembre 1968, un groupe de militaires composé de dix (10) lieutenants et de quatre (4) capitaines renversent le régime du père de l’indépendance Modibo KEITA en place depuis huit (8) ans en dépit des réalisations pharamineuses en terme de chantiers de développement comme suit :

Sucrerie de Dougabougou, Thé vert de Farako (usine et plantation), CMDT (Bamako, Fana, Koutiala, Sikasso, Bougouni, pistes rurales et alphabétisation en langues nationales, formations aux nouvelles techniques agricoles), Culture du blé à Diré, Centres de recherches sur les plantes nouvelles à Sikasso, Mine d’or de Kalana, Phosphates de Tilemsi et de Bourem, Hôtel de l’amitié, Tapisserie de Ségou, Laboratoire vétérinaire de Sotuba, Opération de développement du tabac, Opération riz Mopti, Opération pêche Mopti, Opération Haute vallée du Niger, Centre Ndama à Yanfolila, Usine de sacherie  à San, Ferme de Niono, Aménagement Office du Niger, EMAMA, BETRAM (Base d’entretien et de réparation auto du Mali), Régie nationale des chemins de fer, Compagnie malienne de navigation, Compagnie Air Mali avec base de réparation et d’entretien avec des techniciens maliens, Régie des transports du Mali, Banque Populaire du Mali, Banque de la République du Mali, Banque malienne de crédits et de dépôts, Société malienne d’importation et d’exportation (services techniques auto et froid), Société Nationale d’Entreprises et des Travaux publics (SONETRA), Huileries savonneries de Koulikoro (huile, savon, karitéa), Chantiers de construction navale à Koulikoro, Ateliers de Markala, Energie du Mali, Offices de céréales, fruits et légumes (OPAM), Office du Niger,  Société Nationale pour l’exploitation des abattoirs et annexes (Abattoirs de Bamako, Ségou, Gao), Société des conserveries du Mali à Baguinéda, Société des briqueteries du Mali à Magambougou, Société d’Equipement du Mali (SEMA), Société nationale de recherche et d’exploitation des ressources minières (SONAREM), Transports Urbains de Bamako (TUB),  Office des Postes et télécommunications, Pharmacie populaire du Mali, Laboratoire de préparations, Officines de pharmacies à Bamako, cercles et Arrondissements, Services pharmacopée (pharmacie d’approvisionnement), Librairie populaire du Mali+42 librairies, 8 magasins de stockage dont 5 dans les régions, Editions populaires du Mali, Marbrerie (zone industrielle), Fabrique de cahiers, matériels scolaires et de bureaux, Imprimerie du Soudan, Imprimerie nationale, Société nationale des hôtelleries du Mali, Office Malien du tourisme, Office national de cinématographie (OCINAM) avec 19 salles, 3 cinébus, production de longs et courts métrages, Union nationale des coopératives (UNICOOP), Société de crédits agricoles et d’équipement rural SCAER et Usine de matériel agricole SMECMA, Société de construction de radios électriques (SOCORAM), Société nationale des tabacs et allumettes (SONATAM) avec 2 usines et 3 plantations, Société des tanneries maliennes (TAMALI), Entreprise malienne des bois (EMAB), Compagnie malienne des textiles (COMATEX), Société des cimenteries du Mali (SOCIMA), Usine céramique de Djicoroni, Caisse nationale d’assurance et de réassurance (CNAR), Institut national de prévoyance sociale (INPS), Stade Omnisports, Pont des martyrs, Pont sur le Bani, Radio Mali, Barrage hydro-électrique de Sotuba, Hôpital Gabriel Touré, Ecole Nationale d’administration, Ecole de médecine et de pharmacie, Ecole secondaire de santé, Collège des filles de Banancoro, Lycée de Badalabougou, Ecole normale secondaire de Badalabougou, Ecole des assistantes sociales, Route Bamako-Bougouni-Sikasso-Zégoua, Route Bamako-Ségou-San-Mopti, Route Bla-Koutiala-Sikasso, Route San-Kimparana-Koutiala, Route Koutiala-Bobodjoulasso, Route Bamako-Kati, Principales artères goudronnées de Bamako : rues 14 et 18 à Médine, Rue Pachanga à Missira, Avenue de l’Indépendance, Boulevard du Fleuve, Boulevard Modibo Kéïta, Square Lumumba , avenue Kassé Kéïta, …, Cinéma Babemba, Equipements de l’Armée (infanterie, armée de l’air, génie militaire) en armes et munitions, matériels de communications, véhicules, auto, avions, chars, tanks, uniformes, outillages locaux…). Travail laborieux et dévouement qui font dire à un vieux, médaillé d’or de l’indépendance qu’en 8 ans, si le développement amorcé sous le Président Modibo se poursuivait, le Mali serait à ce jour au même niveau de développement que la Chine. Mais hélas, mille fois hélas ! L’intrusion de l’armée dans l’arène politique est passée par là.

Au nom de la quête de liberté et avec l’appui de puissantes mains invisibles étrangères, l’Armée manipulée à souhait renversa ce régime dédié au travail par le Président Modibo KEITA et le remplaça par le Comité militaire de libération nationale (CMLN) dont les membres finirent par se détruire entre eux au fil des ans.

Et l’histoire de putsch militaire, bien que changeant de méthode, est loin de connaitre son épilogue au Mali.

Le 26 mars 1991, Moussa Traoré, ex président du CMLN devenu Secrétaire général du parti unique UDPM est renversé à son tour par l’Armée, suite à une insurrection populaire ayant fait des morts (au moins 200 recensés) Le cauchemar continue car le refus de céder au multipartisme immédiat a occasionné l’évolution dramatique de la gouvernance militaire même si le treillis est troqué contre le boubou bazin, « un militaire reste un militaire » disait le Président Alpha Oumar KONARE.

Ce n’est pas pour rien que l’Occident et même les autres parties de la planète terre ont cantonné les militaires dans un rôle d’obéissance aux civils politiques pour gouvernerBon sang, pourquoi  l’Afrique constitue l’exception dramatique à cette règle universellement positive, afin que les armes se taisent à jamais sur le terrain politique ? La question vaut son pesant d’or étant difficile à répondre. Est-ce une fatalité ou une ignorance généralisée des peuples d’Afrique due en partie à l’illettrisme ? Bien malin qui pourra répondre.

En se penchant un tant soit peu sur la crise née de la contestation de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle, l’on est tenté de croire que les règles de  fonctionnement de l’auguste Cour viennent d’être établies par Manassa en personne. Or, il n’en est rien. Ces règles sont là depuis le premier Président de la Cour du nom de Abdoulaye Dicko. De ce fait, l’impossibilité de faire recours aux arrêts est aussi vielle que la mise en place de ladite Cour. Cela est connu mais les mauvaises fois l’ignorent royalement car assises sur leurs grands chevaux de combat contre la légalité, d’où la chienlit généralisée dans le pays face à un pouvoir qui ne parle que de  dialogue.

Et dans la série chronologique des coups d’Etat au Mali, l’on se souvient du 22 mars 2012 avec le renversement du Président Amadou T. Touré.

En effet, ce jour-là, Amadou H. Sanogo et sa troupe de Kati (encore et toujours Kati qui fait peur à Bamako) se révoltèrent contre le pouvoir en place en bombardant le palais présidentiel. La tragédie déboucha sur la démission forcée d’ATT et son exil tout aussi forcé. Quelle énième humiliation pour le premier responsable de Maliba !

Ces quatre (4) putschs militaires prouvent à suffisance qu’au Mali, les militaires n’ont jamais manifesté du désintérêt vis-à-vis de l’exercice du pouvoir politique. Bien au contraire, ils l’ont toujours lorgné avant de s’en accaparer.

A l’exception notable des trois précédents, celui du 18 août contre la 1ère Institution constitutionnelle ne s’est pas soldée par la dissolution des sept (7) autres institutions de la République d’autant que, comme en mars 2012, la Constitution est maintenue, même si une note du fameux CNSP est récemment publiée.

Conclusion :

J’invite les démocrates de tous bords à mettre de la politique saine et engagée au cœur de la gouvernance, bannissant la corruption, le népotisme et l’affairisme pour constituer un rempart solide contre l’intrusion de l’Armée  dans la sphère politique, plus précisément dans la gouvernance démocratique.

De même, les Forces de défense et de sécurité doivent savoir en tout lieu et en toute circonstance que les politiciens incapables de mobiliser et convaincre l’électorat ne rêvent qu’à les instrumentaliser pour la satisfaction de leur soif de pouvoir. Solution : rester hors du jeu politique et demeurer républicains. Regardez le pays de la teranga frontalier du Mali (Sénégal), un exemple de soldats républicains ni plus ni moins.

Bamako, le 28 août 2020

Mamadou Fadiala KEITA, Juriste, Coordonnateur d’ONG AJCAD, Président de COMED, Secrétaire à l’Organisation Cri-2002.

22 Septembre

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