Difficile de le croire, mais après les chaudes batailles émaillées de propos incendiaires contre le régime IBK qui l’ont affaibli au point de l’amener à démissionner, sans coup férir, à la première semonce d’un quintette d’officiers, aujourd’hui, le silence est la chose la mieux partagée au sommet de l’Etat. Qui voudrait bien l’imposer au reste des Maliens. Et pourtant, lors de la mise en branle de l’attelage Assimi Goïta/ Choguel Kokalla Maïga en mai 2021, nombreux sont ceux qui ont vite remarqué le partage de rôles entre le président de la Transition et son Premier ministre.
Le premier paraissait « taiseux » pour avoir choisi le silence comme mode de communication, sans doute pour donner raison à la maxime d’Alfred de Vigny : ” Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse “. A moins que ce ne soit pour cacher certaines insuffisances inhérentes à l’apprentissage du pouvoir ou un caractère trempé de quelqu’un qui s’assume sans mot dire.
Quant au Premier ministre, il a gaillardement pris l’option de la parole au point de laisser croire que « le silence est un aveu [d’impuissance] ». En tout cas, tout donnait à penser que les foras et les commentaires fournissaient à l’homme l’opportunité d’étaler et de magnifier sa toute puissance. Lui permettant d’exprimer enfin avec plénitude son grand savoir acquis lors d’un cursus hors du commun, si l’on en croit ses thuriféraires. Cette démarche ne cadrant pas avec l’ambiance délétère qui a entouré son arrivée aux affaires, CKM s’est fait beaucoup d’adversaires et d’ennemis, qui frustrés par ses révélations peu amènes sur le premier Président malien, Modibo Keïta, qui heurtés par ses dénis sur la lutte héroïque du peuple tout entier en mars 1991 au prix de plusieurs centaines de morts et de blessés pour instaurer la liberté dont la liberté d’expression. S’y ajoute l’exercice à temps plein de sa partition au sein d’une transition qui a tangué avant son arrivée et même manqué par moments de gouvernail et de bagou. Il y a eu aussi sa propension à jouer aux sapeurs de service et au bouclier/ fusible d’Assimi dans les moments difficiles.
Cette période, grosso modo, s’est estompée, faute d’énergie, mais aussi, à cause de son trop plein d’activisme et l’homme s’est effondré. Épuisé selon ses médecins, malade selon de nombreuses autres sources. Et pour ne rien arranger, un homme, colonel Abdoulaye Maïga, assurant l’intérim, s’est révélé capable d’assumer et même de rassembler au-delà de ce qu’avait réussi son prédécesseur.
Le nouveau Choguel est revenu plus distant, moins disert et moins disant que le premier éloigné par la maladie. Ce constat est unanimement partagé. Ses rares prises de parole ne concernent que rarement l’AIGE, le projet de Constitution et même l’insécurité ou la montée en puissance des FAMa. On l’aperçoit plus sur les terrains de bienfaisance où toutes ses promesses ne sont pas encore visibles.
Mais s’abriter dans un silence de cimetière peut être un choix ; contribuer au recul de la liberté d’expression, un autre. Une attitude négative qui semble avoir cours.
Oui ! Disons le haut et fort, au Mali, la liberté d’expression ne semble plus être la chose la mieux partagée. Les interpellations/ incarcérations depuis deux ans et celles, encore récemment, de deux activistes (Mohamed Youssouf Bathily et « Rose vie chère ») en quelques heures sont là pour nous le rappeler.
Au point qu’un homme politique, père du premier, il est vrai et doublé de juriste, en a fait la pierre angulaire de son dernier pamphlet contre la Transition sur les réseaux sociaux et dans Jeune Afrique. Mohamed Ali Bathily, pour ne pas le nommer, dans une sortie ciblée contre le recul des libertés, s’illustre, en effet, comme l’un des rares hommes politiques maliens encore capables de dire tout haut ce qui se murmure dans les chaumières à Bamako : « la Transition après avoir utilisé la manche se débarrasse bel et bien de la cognée », qu’elle ne s’y prendrait autrement.
Dicko Seïdina Oumar-DSO
JOURNALISTE – ECRIVAIN – HISTORIEN
Le Sursaut