Le royaume wahhabite n’a pas apprécié que le Canada condamne des arrestations de militants et a pris plusieurs mesures fortes de rétorsion.
Volonté de défendre les droits de l’homme d’un côté, accusation d’ingérence de l’autre… Depuis une semaine, le Canada et l’Arabie Saoudite se renvoient la balle après que le gouvernement d’Ottawa a dénoncé des arrestations de militants dans le royaume du Moyen-Orient. En riposte, Riyad a notamment gelé les échanges commerciaux avec son partenaire et fait transférer des milliers de citoyens saoudiens installés au Canada vers d’autres pays voisins.
Comment est né le conflit ?
Tout débute par un simple message sur Twitter. Dans un très court texte publié le 3 août dernier, le ministère canadien des Affaires étrangères se dit « gravement préoccupé par les arrestations supplémentaires de la société civile et des militants des droits des femmes » en Arabie saoudite.
« Nous exhortons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement ainsi que tous les autres militants pacifiques », poursuivait la diplomatie canadienne, qui demandait notamment la libération de Samar Badawi, militante des droits des femmes et soeur du blogueur dissident Raif Badawi.
Car le royaume wahhabite, s’il vient d’autoriser les femmes à conduire fin juin dernier et tente de se moderniser sous l’impulsion du nouveau prince héritier Mohammed ben Salmane (désigné en juin 2017), continue d’emprisonner de nombreux opposants, selon les ONG. « Les voix dissidentes sont réduites au silence, presque tous les militants des droits humains sont emprisonnés », indiquait fin juin Katia Roux, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International, interrogée par Le Parisien.
Quelles ont été les conséquences ?
48 heures après l’appel des Canadiens, le ministère des Affaires étrangères saoudien a répliqué dans une série de messages sur Twitter et annoncé une série de mesures très fortes : gel des transactions commerciales et des investissements entre les deux pays, transfert des étudiants saoudiens installés au Canada vers d’autres pays, expulsion de l’ambassadeur canadien etc.
Peu après, l’Arabie a également mis fin aux programmes de traitement médicaux de ses citoyens au Canada tandis que la compagnie aérienne Saudia a suspendu ses vols à destination de Toronto. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a exigé mercredi depuis Ryad des excuses au Canada qui selon lui « sait ce qu’il a à faire ».
Comment a réagi le Canada ?
Face à cette escalade, les dirigeants canadiens sont restés discrets dans un premier temps. Le Premier ministre Justin Trudeau s’est finalement exprimé pour la première fois mercredi à Montréal. Ses propos, bien qu’assez globaux, indiquent qu’il n’a aucune intention de s’excuser : « Les Canadiens attendent de notre gouvernement qu’il parle fermement, clairement et poliment de la nécessité de respecter les droits humains, au Canada et dans le monde, c’est ce que nous allons continuer à faire ».
S’il a assuré « ne pas vouloir avoir de mauvaises relations avec l’Arabie saoudite », la réaction du Premier ministre canadien risque de ne pas apaiser la colère de l’Arabie saoudite. Dans l’ombre, les discussions se poursuivent pour tenter de résoudre la crise diplomatique : Trudeau a indiqué que sa ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland s’est notamment entretenue avec son homologue saoudien mardi.
Le Parisien