Alors que le conflit au centre du Mali s’enlise avec des tueries en masse de civils, des voix se lèvent pour demander de négocier avec les «djihadistes» maliens. Ce qui donne raison à un certain Abdoulaye Idrissa Maïga qui avait préconisé de ramener les «égarés» maliens dans le giron de la République, à travers la commission de bons offices de l’imam Mahmoud Dicko. Au moment où ce débat bat son plein, l’ancien ministre Koniba Sidibé vante les mérites de AIM.
Dans une interview en langue nationale bambara accordée à la radio Klédu dans son émission «Débat politique», l’ancien ministre de la Promotion des Investissements et du secteur Privé, Koniba Sidibé a loué les qualités de l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga pour sa vision dans la gestion des affaires publiques.
«On ne peut pas dire que le Mali a un problème de Premier ministre. Abdoulaye Idrissa Maïga est un homme d’Etat, un bon Premier ministre qui avait de la vision pour son pays. Mais, il a été fauché par le président…Nous avons un problème de président et non de Premier ministre…», a dit en substance Koniba Sidibé. Avant de poursuivre, «quand IBK veut mettre fin à la mission d’un Premier ministre, il a une technique qui consiste à cristalliser les mécontentements syndicaux et le rendre impopulaire».
A l’analyse, les anciens Premier ministres Modibo Kéita et SoumeylouBoubèyeMaïga ont tous été victimes de cette technique du président. Pour conforter tout le bien que Koniba Sidibé pense de l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, l’international Crisis Group (ICG) a pondu un rapport le 28 mai 2019 sur le conflit au centre du Mali pour préconiser la négociation avec les groupes dits djihadistes. L’ONG a-t-elle ainsi donné raison à AIM qui avait fait feu de tout bois pour ramener les djihadistes maliens dans le giron de la République non pas par le langage des armes, mais par la négociation. Il avait ainsi mis en place une commission de bons offices confiée à l’imam Mahmoud Dicko et qui avait pour objectif principal de ramener les «égarés» à la raison d’Etat.
Dans un article paru lundi dernier, le journal bihebdomadaire «Le Challenger» titrait à la une de sa livraison : «Rapport d’ICG : parler aux Jihadistes au centre du Mali, un grand pavé dans la mare». En effet, l’ONG recommande au gouvernement du Mali de changer de fusil d’épaule en négociant avec les jihadistes les plus influents.
«Cette prise de position de l’ONG internationale Crisis Group donne raison à l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga qui, en véritable homme d’Etat soucieux de la stabilité de son pays, avait mis en place une commission de bons offices présidée par l’imam Mahmoud Dicko afin d’explorer les voies et moyens pouvant instaurer la paix au centre et au nord. Cette position d’Abdoulaye Idrissa Maïga était également en phase avec les recommandations de la conférence d’Entente Nationale, laquelle avait suggéré de dialoguer avec tous les fils du Mali, y compris Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa», a souligné le journal.
En réaction au rapport d’International Crisis Group sur les ondes d’une radio internationale, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Boubacar Alpha Bah dit Bill n’a pas botté en touche comme le président de la république l’opportunité de dialoguer avec les djihadistes du centre. Pour lui, un mécanisme de concertation existe déjà avec les chefs coutumiers qui va être élargi, à l’en croire, aux autres couches sociales dans le centre.
Au même moment le ministre des Affaires étrangères, TiébiléDramé, sur la même radio a pris à contre-pied son collègue. Pour lui, la ligne du gouvernement était de ne pas négocier avec les djihadistes. Mais, quelques semaines avant d’être membre du gouvernement, Dramé développait à hue et à dia la thèse contraire.
Autant dire que la commission de bons offices de Mahmoud Dicko (qui avait essuyé une hostilité du président IBK à cause certainement des réprimandes de la France) aurait pu aujourd’hui engranger des résultats positifs. L’histoire a-t-elle alors donné raison à Abdoulaye Idrissa Maïga ? Rien n’est moins sûr. En tous les cas, le terrorisme bat son plein, les tueries de civils se multiplient partout et le conflit semble se déplacer maintenant sur une grande partie de la région de Ségou.
Cette guerre asymétrique à laquelle les tactiques de la guerre conventionnelle ne sont pas adaptées risque fort de durer si les autorités ne changent pas de politique. C’est ce qu’AIM avait certainement compris pendant sa gouvernance en créant la commission de bons offices.
En tirant la sonnette d’alarme, International Crisis Group sait de quoi elle parle. Surtout qu’International Crisis Group est reconnue dans le monde entier comme la première organisation non gouvernementale et non partisane qui propose aux gouvernants et agences intergouvernementales telles que l’Organisation des Nations unies ou la Banque mondiale des analyses et des recommandations dans le but de prévenir et de résoudre les conflits meurtriers.
Hachi Cissé
Source: Le Matin