Les concertations nationales sur la transition s’achèvent ce samedi au Mali. Vendredi, la journée a été consacrée à des discussions sur la charte de la transition proposée par le comité d’experts désigné par la junte. Le document propose notamment une transition de deux ans, et un président de transition civil ou militaire. Les débats ont souvent été houleux.
Notre correspondant à Bamako Serge Daniel a rencontré deux participants qui dépassionnent le débat et abordent les problèmes de fond. Le premier s’appelle Moustapha Doucouré, gestionnaire de formation, très actif aux journées de concertations. Pour lui, pour diriger la transition, il faut un civil. « Les militaires n’ont pas assez d’expérience », juge-t-il. En face de Moustapha, un autre participant, Oumar Alassane Touré, membre de la plateforme « Front pour la défense nationale ». Selon lui, la junte doit jouer un rôle central pendant la transition. « On ne peut pas écarter la junte. Comme on dit dans le jargon, on ne peut pas refuser à celui qui abat le taureau d’en récupérer la tête. »
Un civil à la tête de la transition ou un militaire ? La charte proposée donne à la junte le pouvoir de choisir. Dans le document de travail figurent plusieurs organes, dont un gouvernement, et un organe législatif. D’autres sujets suscitent débat : par exemple, la durée de la transition. La charte propose deux ans. L’avis de Moustapha, participant aux concertations, est qu’en « 12 mois, on peut tout régler. » Réplique d’un autre participant, Oumar Alassane Touré : « Il faut aller vers 18 ou 22 mois. » Comme d’autres, nos deux interlocuteurs réclament une refondation profonde de l’Etat malien.
Vers une réforme des institutions ?
Pour l’Association malienne des droits de l’Homme, la transition pourrait durer deux ans à condition qu’elle soit dirigée par un civil apolitique, et que cette durée soit mise à profit pour lutter contre l’impunité et réformer en profondeur les institutions, notamment électorales. Drissa Traoré est le coordinateur de l’AMDH.
« L’un des facteurs de cette crise socio-politique, c’est la gestion des élections, explique-t-il au micro de Coralie Pierret. Pour éviter la récurrence d’une crise post-électorale, il faudra impérativement passer aux réformes législatives, constitutionnelles, qui vont toucher des aspects liés par exemple à la Cour constitutionnelle. Et cette réforme va au-delà de la Cour constitutionnelle. Elle doit également toucher la loi électorale, qui ne prévoit pas certaines bonnes pratiques, comme la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. »
« Elle doit également toucher la Haute Cour de Justice. C’est vrai, cela n’a rien à voir avec les élections, mais cela peut aider dans le cadre de la lutte contre l’impunité, et notamment de l’impunité liée à la corruption. Aujourd’hui, les magistrats n’ont parfois pas les mains libres. Ca va prendre du temps. Les gens peuvent se poser la question : “Est-ce qu’il faut attendre des réformes avant les élections ?” Pour nous, il est évident qu’on doit avoir les réformes avant les élections, pour ne pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets. »
La fin du M5 ?
Alors que les concertations se poursuivent, les dissensions au sein du M5-RFP s’accentuent et se confirment. Pour une partie de ce mouvement de contestation hétéroclite, composé de politiques, de religieux et de représentants de la société civile, la page doit maintenant se tourner. Depuis le coup d’Etat, les rencontres avec la junte se sont toujours faites face à un M5 uni. Mais désormais, pour la CMAS, le mouvement de l’imam Dicko, le M5 ne parle plus d’une seule voix. Pour le coordinateur de la CMAS, Issa Kaou Djim, les anciens ministres du président déchu IBK, dont certains font partie du M5, ne devraient pas participer à la transition.
« Vous avez des partis politiques, vous avez des syndicats, vous avez des associations islamiques, vous avez des personnalités de la société civile, énumère-t-il au micro de Coralie Pierret. Alors aujourd’hui, nous n’avons plus les mêmes objectifs quant à la transition. Est-ce que le peuple malien est dans la logique de conduire le pouvoir à des chefs de partis politiques ? Je ne pense pas. Donc la position de la CMAS n’est pas calquée sur la position des partis politiques. Si les chefs des partis politiques sont aussi légitimes, ils n’ont qu’à aller aux élections ! S’ils gagnent les élections, il n’y a plus de problèmes. Et si ce n’est pas le cas, la transition ne devrait pas être un tremplin. »
Source: Rfi.fr