L’opérateur économique Bassam Azar est victime d’abus et d’atteinte grave à ses intérêts économiques. Le déclassement sans avertissement préalable ni suivi de procédure d’un de ses comptes, en violation de la convention de crédit signée avec sa banque, en est la preuve. Son banquier à l’origine de ce scandale est cité devant le Tribunal du Commerce.
La presse s’en est fait l’écho, il y a quelques jours. Bassam Azar, promoteur de la chaine d’alimentation et de froid Azar Libre-Service (A.L.S.) et d’autres entreprises comme la Pâtisserie Amandine, SIBEM-SA (fabricant de l’eau minérale Kati) et Azar Center a subitement constaté le déclassement de son compte N°20401040805-27 API dans la catégorie des comptes «douteux et litigieux» au niveau de la BECEAO.
Bassam Azar a contracté une dette de 1,6 milliard de FCFA. Ce crédit est soutenu par l’apport d’une garantie hypothécaire de plus de 8 milliards de FCFA, constituée de SIBEM-SA, Azar Libre-Service et Azar Center en plus du compte personnel et solidaire de M. Bassam devant intervenir après tout recours de poursuites sur ces 3 garanties. Les remboursements se sont poursuivis normalement, même s’il y a eu des retards de paiements dus à des difficultés économiques liées à la crise sécuritaire et à la COVID-19, qui ont impacté la clientèle d’A.L.S. En dépit de cette conjoncture, il ne reste à ce jour que 10 % du montant dû, soit 190 millions de F CFA à apurer sur A.L.S.
Auparavant, entre la banque et son partenaire régnait la symbiose. D’ailleurs SIBEM-SA de M. Bassam a bénéficié de plusieurs financements depuis de longues années. C’est ainsi que SIBEM-SA a vu le jour en 2015 grâce à un crédit à hauteur de 1,100 milliard de FCFA de la même banque dont il reste 160 millions à rembourser.
Selon nos investigations, un froid est survenu dans leurs relations en 2018, suite au refus de sa banque de satisfaire à des demandes de fonds dont un de 500 millions de FCFA. Des prêts qui devraient aider à éviter la rupture de stock à A.L.S. et la baisse de ses chiffres d’affaires. Buté à ce refus, malgré des lettres de relance de sa part sans réponse, M. Bassam s’est tourné vers une société financière de la place pour solliciter un crédit de 300 millions de FCFA. Après un accord verbal, ladite société y a renoncé sous prétexte que le compte de M. Bassam est déclassé au niveau de la BCEAO parce que qualifié de «douteux et litigieux» par sa propre banque.
Une procédure de déclassification qui n’a pas respecté la règle ni la convention signée entre les deux parties. Dans ladite convention, il avait été convenu que «à défaut de paiement à bonne date de toute somme due, 30 jours après mise en demeure restée sans effet, par lettre recommandée avec accusé de réception […]». Or le client n’a été informé qu’après coup de la clôture du compte courant N°20401040805-27 API et saisi de son compte personnel. C’est après référé devant la justice qu’il a obtenu main levée.
Bassam Azar est sous le coup d’énormes préjudices subis par ses autres sociétés dont les comptes sont aussi touchés par ricochet de même que son propre honneur entaché. Lors d’une rencontre de conciliation, le 10 septembre 2020, la banque a tacitement reconnu son tort indiquant que «les informations par rapport à cette situation ne sont pas remontées comme il faut, sinon on n’allait pas s’y retrouver aujourd’hui, c’est tout dernièrement que nous avons reçu les informations et nous avons pris l’initiative avec le directeur général de vous rencontrer et vous êtes venu, nous vous en remercions beaucoup». Cette rencontre n’a pas donné les effets escomptés. Les responsables de la banque ayant refusé le règlement à l’amiable qui leur a été proposé sur la base du paiement d’un dommage et intérêts de 500 millions à M. Azar.
Acharnement
Selon des sources proches du dossier, M. Azar a été victime d’acharnement de la part de sa banque, en particulier sa nouvelle direction. Tout s’est passé comme si quelqu’un ayant des vues sur son patrimoine se trouverait à la manœuvre pour la liquidation d’Azar Libre-Service. Pourtant, cette banque n’est pas n’importe laquelle puisque ayant comme actionnaire majoritaire une grande banque marocaine, dont la vocation est d’aider le secteur privé malien.
Avec sa chaîne d’alimentation, A.L.S., Bassam Azar a pignon sur rue dans notre pays depuis plus de 40 ans. Il est l’un des pionniers dans son domaine et travaille avec sa banque depuis qu’il a ouvert son commerce.
Ce droit qu’a une banque de déclasser le compte de son client n’a cependant pas été utilisé à bon escient et a sérieusement affecté ses affaires.
Déclasser le compte d’un client est un acte de dernier recours utilisé par une banque en cas de difficulté manifeste pour le paiement d’un emprunt. Avant d’en arriver-là, l’instruction n°026-11-2016 de la BCEAO, relative à la comptabilisation et à l’évaluation des engagements en souffrance a prévu une série de mesures visant le règlement à l’amiable entre le client et sa banque. Parmi ces mesures il y a la restructuration ou la renégociation du crédit en vue des concessions envers une contrepartie qui éprouve ou qui est sur le point d’éprouver des difficultés à honorer ses engagements financiers. Cela se traduit par la modification d’une ou de plusieurs conditions d’un contrat que la contrepartie ne peut pas respecter. En plus, selon un juriste réputé de banque, «entre un client et sa banque, c’est une relation de confiance. Avant le déclassement, le client est informé tout au bout de la chaine depuis son gestionnaire de compte».
Tout se passe comme des individus voudraient faire main basse sur les ressources de M. Bassam en profitant de cette affaire. Dans nos investigations, nous avons appris que ce contentieux pouvait être géré sans en arriver-là vu que M. Azar n’a jamais arrêté de payer. La preuve il ne reste que 10 % des 3 milliards de F CFA. En plus, dans le cadre de la gestion de la crise de Covid-19, la Chambre de Commerce et d’industrie du Mali (CCIM) et le Conseil national du Patronat du Mali (CNPM) ont initié des actions combinées auprès des décideurs pour trouver des mécanismes de financements et un moratoire de rééchelonnement des dettes avec les banques en faveur des entreprises. La BCEAO a adhéré à cette démarche donnant des directives aux banques dans ce sens. Parmi ces mesures, il y a la prorogation des échéances, la baisse du taux d’escompte de 2 % (il était de 4,5%). En plus, la BCEAO a procédé à la mobilisation de l’épargne pour aider l’Etat à financer l’économie. Ce qui s’est traduit par l’augmentation du volume de prêt aux banques.
Ce qui est incompréhensible dans cette affaire, un client disposant de plusieurs entreprises est l’objet d’acharnement de sa banque quand bien même il n’a jamais arrêté de payer. En plus la banque a 30 fois plus le montant restant dû en garantie. Et qui n’est pas capable de lui prêter à nouveau ni répondre à ses courriers. La banque en question va jusqu’à refuser de répondre à la demande de la restitution d’une partie des garanties pour qu’il aille voir auprès d’une autre banque. Qui veut la mort programmée des entreprises de Bassam Azar dans cette banque ?
En tout état de cause, pour se faire justice de cet énorme préjudice doublé de manque de professionnalisme de la part d’une banque, M. Azar a fait une plainte en réparation de préjudices, déposée au Tribunal du Commerce de Bamako qui va bientôt statuer.
Affaire à suivre.
Ousmane Mohamed Diarra
(Économiste gestionnaire, Bamako)
Source : INFO-MATIN