Les 16 jours d’activisme de lutte contre les violences faites aux femmes ont débuté en présence des femmes victimes qui ont pris part à la cérémonie. Très sensibles, elles n’ont pas pu tenir leurs larmes après avoir pris connaissance du décès de deux filles mineures âgées de 9 et 12 ans, dû à la gravité des viols qu’elles ont subis. C’était le lundi 25 novembre à la plateforme de veille des femmes lors de la commémoration de la journée Internationale pour l’élimination de la violence faites aux femmes. Le lancement de cette activité a été présidé par la directrice Nationale de la promotion de la femme de l’enfant et de la famille, Mme Fanta Keita.
Wildaf/Mali, fidèle à sa mission de promouvoir et de renforcer les stratégies qui lient le droit au développement pour l’émergence d’une culture d’exercice des droits des femmes au Mali, veut attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur les violences perpétrés à l’encontre des femmes. « De la paix chez soi, de la paix dans le monde, mobilisons-nous contre les violences basées sur le genre ». Selon Mme Keita Fanta Keita, ce thème retenu cadre avec les réalités du pays. A ses dires, depuis l’avènement de la démocratie au Mali, le gouvernement s’est engagé dans la promotion et la protection des droits des femmes. Mme la directrice a préconisé que chacun communique dans son domaine et dénonce sur des cas de violences. Le phénomène persiste, il faut une prise de conscience par des femmes afin qu’elles retrouvent la paix dans leurs foyers. Et d’ajouter : « Restons mobiliser pour ses 16 jours de campagne contre les violences faites aux femmes ».
En cette année 2013, Wildaf/Mali a enregistré 166 cas violences ont été inscrits dans le registre, les cas ordinaires sont en majorité des cas de divorce, de garde d’enfant les enfants sont devenus des enjeux de violence et viol sur mineur, les successions, les litiges fonciers, les défauts d’entretien, la recherche de paternité, les brulures par acide.
L’occasion était bonne pour la présidente de Wildaf/Mali, Mme Bouaré Bintou Founé, de faire l’historique sur l’origine de la violence à l’égard des femmes à travers une citation de Ban Ki-moon : « les violences faites aux femmes résident dans les relations inégales de pouvoir qui, de tout temps, ont existé entre les hommes et les femmes, et dans la discrimination générale que subissent les femmes au niveau tant public que privé. Les disparités patriarcales de pouvoir, les normes culturelles discriminatoires et les inégalités économiques nient aux femmes leurs droits fondamentaux et perpétuent la violence. La violence à l’égard des femmes est l’un des principaux moyens par lequel les hommes contrôlent la liberté et la sexualité des femmes ».
L’enquête sur l’identification des personnes victimes de violences sexuelles a permis au Wildaf/Mali d’enregistrer dans son répertoire, 71 cas de viol. Ces victimes viennent principalement des trois régions du Nord : Gao, Tombouctou, Kidal ; de la région de Mopti notamment Konna et Douentza ainsi que du cercle de Diabaly. Parmi ces personnes victimes de viols et infractions connexes, 47 survivantes souhaitent porter plaintes pour réclamer justice et réparation intégrale des préjudices subis ; contre seulement 23 personnes qui ne souhaitent pas porter plainte. En revanche, une victime reste indécise. Ainsi, les 43 personnes déclarent avoir subi des viols collectifs contre 19 personnes qui affirment avoir été victimes de viol à caractère individuel.
Selon les explications de Mme Bouaré, les personnes qui ont subi ces violences sexuelles sont en majorité des femmes mariées. Elles sont âgées de 9 à 55 ans. Il faut aussi noter que les conséquences de ces viols ont été particulièrement dramatiques chez certaines femmes qui ont vu leurs maris les abandonner tout simplement et d’autres assassinés sous leurs yeux.
« Autres conséquences : certaines victimes sont tombées enceintes de leurs agresseurs présumés alors qu’elles sont mariées, d’autres étaient déjà enceintes au moment du viol et ont fait de fausses couches plus tard après l’’incident. Pour échapper à leurs agresseurs, certaines femmes étaient obligées d’abandonner leurs enfants, parce qu’ils étaient nombreux et elles ne pouvaient pas les amener tous. C’était une situation de survie. Jusqu’à nos jours, ces enfants restent introuvables », a-t-elle affirmé.
Parmi les cas recensés, dira-t-elle, il convient de signaler un cas très particulier. Il s’agit du viol d’un homme arrêté et emprisonné à Tombouctou par les islamistes. L’auteur du viol sur lui était le gardien de la prison. Il le décrit comme un islamiste d’une cinquantaine d’années, barbu et physiquement costaud, a-t-elle ajouté.
De l’avis de Mme Bouaré Bintou Founé, tous ces viols ont été en général commis lors de la prise des différentes villes par les bandits armés. Les victimes viennent de Diabaly, de la Région de Mopti (Konna et Douentza), et des régions du Nord. Certaines victimes déclarent reconnaitre leurs agresseurs, tandis que d’autres disent ne pas pouvoir identifié leurs agresseurs qui étaient encagoulés.
Parlant de l’état psychologique, pour la majorité des victimes, il ne s’est pas amélioré. Elles se sentent abandonnées, stigmatisées, impuissantes et vivent dans des conditions sociales et économiques misérables.
Elle a noté aussi le cas d’une fillette de 4 ans grièvement blessée avec des séquelles conséquentes ainsi que les séquestrations et maltraitances, le viol d’une personne handicapée, les coups et blessures volontaires, les grossesses non désirées ou avortements, les violences psychologiques, les menaces de morts, les dommages.
Les contraintes auxquelles le Wildaf/Mali est confronté sont entre autres, le non accès à la justice, l’inexistence ou l’insuffisance des centres d’hébergement ou des centres appropriés de prise en charge des victimes. Les difficultés d’insertion économiques des victimes L’insécurité résiduelle, la non mobilisation de la société civile féminine autour des victimes.
Le silence coupable des uns et des autres est déplorable, quand on sait qu’une femme est à chérir et protéger dans ce monde ici bas.
ENCADRE
Le Wildaf/Mali recommande à l’Etat
La manifestation de sa volonté à ne pas cultiver l’impunité, l’ouverture d’une enquête, la poursuite et l’inculpation des auteurs ; La mise en place de tribunaux spéciaux pour juger les cas de violences sexuelles et autres perpétrées sur les femmes au Nord du Mali, Garantir aux victimes les moyens d’obtenir efficacement réparation. Mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de la protection et de la lutte contre les violences faites aux femmes, Mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs.
A la société civile : Renforcer la mobilisation autour des victimes jusqu’à ce que justice soit faite, Veiller et exiger la mise en œuvre des engagements pris par l’Etat ; Accompagner les victimes vers l’accès à la justice; la réparation du préjudice subi; la restitution; l’indemnisation; la satisfaction; la réinsertion; et les garanties de non récidive et de prévention.
Mariétou Konaté
Source: L’Annonceur