Le procès de l’ex chef de la junte, Amadou Haya Sanogo et 17 autres personnes impliquées dans l’assassinat de 21 bérets rouges ouvert depuis le 30 novembre 2016 passé à Sikasso, connait déjà deux suspensions qui font douter les parents des victimes de la bonne volonté des autorités de juger convenablement les accusés. Pour ce procès les membres de l’Association des parents et épouses militaires des bérets rouges assassinés( Apembra) se sont déplacés à Sikasso. Mais leur sécurité n’est pas suffisamment assurée à Sikasso, pendant ce procès. Ils sont exposés à toute sorte de danger. De Bamako à Sikasso ils ont fait le trajet sans escorte, courant des risques d’insécurité. A Sikasso, leur lieu d’hébergement n’est pas suffisamment sécurisé, de l’hôtel à la salle d’audience ils sont sans escorte dans une ville où il y a des gens qui les insultent quand ils passent. L’organisation sécuritaire n’est pas satisfaisante. Le colonel major Sounkalo Coulibaly qui a bien voulu nous accorder une interview, déplore, en plus de l’organisation sécuritaire du procès, l’affichage des photos de l’accusé Amadou Haya Sanogo et bien d’autres aspects qui, selon lui, sont peu orthodoxes. Lisez !
Le Républicain : Comment appréciez vous la sécurité autour des membres de l’Apembra, à leur lieu de résidence en particulier et dans la ville de Sikasso en général ?
Sounkalo Coulibaly : C’est une question pertinente pour un officier que je suis. On ne peut jamais se passer des problèmes de sécurité. Depuis le départ de Bamako jusqu’ici, c’est la sécurité qui m’intéresse beaucoup. A l’hôtel ici, au début, on ne se sentait vraiment pas en sécurité. J’ai été obligé de téléphoner au gouverneur de la région pour lui dire que notre sécurité n’est pas à notre satisfaction. Il a appelé ses subordonnés de la sécurité qui ont pris certaines dispositions. Maintenant la police est à l’hôtel et tout autour, il y a des patrouilles. Une sécurité parfaite n’existe pratiquement pas. La sécurité s’est améliorée mais jusqu’à présent ce n’est pas totale car trois policiers ne peuvent pas arrêter une agression de quelques individus bien armés. Dans la salle d’audience, j’ai l’esprit tranquille parce qu’il y a des gens qui nous gardes. Ils sont responsables de notre sécurité et ils vont répondre de tout ce qui va se passer. Maintenant à l’intérieur de la ville, nous savons que la majeure partie de la population Sikassoise est pro-Haya. C’est pourquoi je ne me permets pas de me promener dans la ville.
Qu’est ce qui vous fait dire que la majeure partie de la population Sikassoise est pro-Haya, alors qu’il est accusé de complicité d’enlèvement et d’assassinat ?
On a des renseignements. Il y a des gens qui parlent bien de Haya et qui l’applaudissent. On attend « il faut libérer Haya ». Il y a des gens qui font des réunions pour dire qu’il faut soutenir Haya, des gens qui applaudissent dans la salle d’audience. Et à la sortie de Haya, on l’applaudit, ça c’est flagrant.
Quels sont vos impressions par rapport à l’affichage des photos de l’accusé Amadou Haya Sanogo et le fait qu’il fasse des photos, des accolades avec ses fans et qu’il y ait des attroupements de soutien à Haya ?
C’est une défaillance au niveau des autorités qui organisent la sécurité. Quand on doit faire une assise pour des gens qui ont certainement assassinés et qu’on autorise des fans d’afficher des photos partout ou de porter des t-shirt qui rehaussent l’image d’un assassin, il y a un certain laisser aller. Sinon on pourrait s’opposer à ça de façon ferme.
Quelle est votre appréciation par rapport à l’organisation de ce procès à Sikasso ?
C’est un procès auquel on ne croyait même plus. Le fait de donner une date et de fixer le lieu du procès nous a beaucoup comblés. Nous sommes très contents. Mais dans cette organisation, c’est la sécurité qui n’a pas été étudiée. De Bamako à Sikasso, la sécurité n’est pas bien étudiée. Et on est exposé à toute sorte de danger. Nous avons quitté Bamako pour Sikasso sans escorte. Même un ou deux individus bien armés peuvent tout faire contre nous. Qui va intervenir ? Et à l’intérieur d’ici, jusqu’à hier (Ndlr : vendredi 2 décembre 2016), on se déplaçait de l’hôtel à la salle d’audience sans escorte et dans une ville où il y a des gens qui nous insultent quand on passe. L’organisation sécuritaire n’est pas satisfaisante.
Que recommandez-vous alors aux organisateurs ?
Je demande aux organisateurs à prendre ce procès au sérieux. Le monde entier nous regarde et est au courant de tout ce qui se passe. Ce n’est pas en interdisant les téléphones dans la salle d’audience que les gens ne sauront pas ce qui se passe, c’est faux. On a tout les moyens aujourd’hui pour entendre et pour observer. Donc pour la bonne image du Mali, il faudrait que les autorités prennent le maximum de dispositions pour que ce procès se passe de façon honorable et que tout le monde soit satisfait. En tout cas, ça va rehausser l’image du Mali. On ne souhaiterait pas qu’une justice extérieure se mêle à ce jugement. En tout cas moi je serais frustré que le Mali n’arrive pas à faire ce jugement et de façon correcte.
Votre mot de la fin ?
Nous sommes là et on tiendra jusqu’au bout. On ne peut pas tuer mon enfant, que j’ai mis dans l’armée et compter sur l’impunité. Je ne baisserai pas les bras parce qu’on me menace. Même si je meurs aujourd’hui, il y a quelqu’un d’autre qui va prendre le relai. Et la vérité va obligatoirement éclater, même si c’est dans 10 ou 20 ans.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo à Sikasso
Source : Le Républicain