Cinq ans après le début de l’opération « Serval », la guerre continue de faire rage. Les militaires français et les Casques bleus endiguent la menace à défaut de la contrôler.
Envoyé spécial à Bamako et Tombouctou
Les commerçants ont verrouillé la porte de fer de leurs échoppes. Le marché central, plaque tournante du négoce, est silencieux. Les chaussées tapissées de sable sont vides. Tombouctou, cité de légendes, est une «ville morte». Calfeutrés dans leurs maisons en terre crue, les habitants suivent massivement un appel à la grève générale lancé par des mouvements de la société civile pour protester contre l’insécurité. Quelques jours plus tôt, un douanier a été assassiné nuitamment. Un meurtre qui s’ajoute à une longue liste de règlements de comptes entre voyous.
Cinq ans après la fin de l’occupation djihadiste, l’ambiance est morose. La population noire, majoritaire, se méfie des «peaux blanches», les Arabes, accusés de tous les maux. Dénués de motivation, les gendarmes venus du sud du pays se claquemurent dans leurs locaux par crainte de se faire trouer la peau. «La symbiose entre les populations que l’on connaissait naguère a disparu. Chez nous, il n’y a que des difficultés. Les autorités de l’État nous parlent d’insécurité résiduelle et d’éléments égarés, mais comment voulez-vous croire à la paix quand des gens sont tués en pleine rue et que nous souffrons de la mauvaise gouvernance?», s’interroge Boubacar Sadek, un adjoint au maire de Tombouctou.
Une étrange faune gravite dans la cité. Les indics des islamistes armés croisent des bandits. Un pouvoir invisible, celui des mafias islamistes, politiques et criminelles, règne sur cette zone grise où des alliances mouvantes sont dictées par les intérêts du moment.
La plupart des chefs qui dirigeaient la ville sous l’occupation d’Aqmi, la branche sahélienne d’al-Qaida ont été éliminés, mais certains poissons – petits ou gros – sont passés au travers des mailles du filet. C’est le cas de Houka Houka. Arrêté en 2013, il dirigeait la justice islamiste à Tombouctou sous le règne d’al-Qaida et procédait à ce titre à des amputations au nom de la charia. Il a été libéré deux ans plus tard dans le cadre des négociations entre le gouvernement et les groupes rebelles non djihadistes. Depuis, le petit juge coupe des membres dans son fief de Zouera et réclame l’ouverture d’écoles coraniques. La déliquescence de l’État pousse une partie des habitants de la région à trouver ses méthodes expéditives peu choquantes. «Certains se disent que face au sentiment d’injustice généralisé la charia a du bon», confirme un journaliste local.
Et qui est vraiment Dina Ould Daya, l’un des chefs du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) et potentat local? S’est-il infiltré dans le système pour mieux poursuivre ses activités de narco et de trafiquant de migrants? Ou s’est-il reconverti durablement dans le business légal? Les avis divergent. En avril 2012, il avait investi Tombouctou aux côtés d’Aqmi …… suite de l’article sur Le Figaro