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Chronique satirique de tiekorobani: Ladji Bourama s’essuie les pieds sur ses alliés

Ladji Bourama a la dent dure. Ses alliés politiques s’en sont rendu compte à leurs dépens quand, jeudi dernier, il les a reunis pour les passer au savon “Barikatigui”. Lisez plutôt…

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Comme il en a pris l’habitude depuis la chute de Kidal, Ladji Bourama a convoqué en son palais, jeudi 20 novembre 2014, les partis qui se réclament de sa mouvance. Croyant qu’il s’agirait d’une partie de méchoui agrémentée de thé à la menthe, les compères politiciens sont venus en masse: pour 65 partis alliés, 90 leaders se présentent. L’hôte de Koulouba ayant en sainte horreur les personnages habillés en charbonniers, chaque invité prend soin de porter son habit de fête et d’arborer un sourire de “Miss ORTM”. Tout ce beau monde recevra bientôt le tonnerre sur la tête.

Alliés massacrés

A peine installés en salle, ils voient débarquer avec fracas le maître des lieux, l’air mauvais. D’entrée de jeu, Ladji Bourama lance un pavé brûlant sur l’auguste assemblée: “C’est peu dire que vous m’avez déçu: vous m’avez choqué !”. Le président, d’un ton farouche, s’étonne que pendant tout le temps qu’il est jeté en pâture au sujet des marchés de l’avion présidentiel et des équipements militaires, aucun de ceux qui se prétendent ses alliés n’ait levé le petit doigt pour le défendre. Et quand ils se sont enfin décidés à le faire, ils s’en vont louer au CICB une petite salle de mille places qu’ils n’ont pu remplir. “Quelle étrange façon de me soutenir!”, s’étrangle Ladji. Qui poursuit, en agitant furieusement le doigt: “J’ai besoin d’une majorité intelligente et non d’une majorité dolosive et moribonde !”. Pour les semi-lettrés qui, dans la mouvance présidentielle, ne comprendraient pas le français greco-latin made in Sébénicoro, le mot “dol” signifie tromperie e”t le mot “moribond” signifie“comateux”. Tout est parfaitement clair: Ladji prend sa majorité pour une foule de trompeurs inintelligents et impotents qui veulent manger à ses dépens sans prendre, en sa faveur, le moindre risque !

Dans la foulée, Ladji Bourama fustige le fait que les partis de la majorité aient donné à une “opposition déterminée” un fouet pour le battre, notamment en annonçant que les maux qui régnaient sous l’ère ATT persistent sous le régime actuel. “Vous passez le plus clair du temps à vous battre pour des places au lieu de défendre le pouvoir face à l’adversité!”, tonne le chef en écarquillant de gros yeux.

Marchés publics

L’hôte de Koulouba, retrouvant un peu de son calme légendaire, en vient aux faits concrets. “L’achat d’un avion présidentiel s’imposait, assure-t-il. C’est un avion de commandement qui sert à porter la voix du Mali partout dans le monde. Je n’ai pas été élu pour regarder passer les cigognes mais pour résoudre les problèmes des Maliens. Au cas où certains l’auraient oublié, le sort du Mali ne se joue pas seulement au Mali; il se joue aussi au-dehors!”. Aux dires de l’éminent orateur, “aucun pays n’a recours à un appel d’offres pour acquérir un avion de commandement. Et je vais vous faire une confidence que je n’ai faite à personne avant vous: un officier général aujourd’hui en prison et qui avait en charge mes affaires de sécurité m’a fait savoir que l’ancien avion présidentiel n’était pas en état de voler et qu’il ne répondrait de rien si je continuais à l’emprunter. Bien sûr, dans la situation où il se trouve, il ne viendra pas confirmer mes propos!”. L’allusion au général Yamoussa Camara, ex-chef d’Etat-major particulier, ou au général Sidi Touré, ex-patron des services secrets, est nette, même si Ladji Bourama ne prononce pas leur nom. Voilà donc la nouvelle stratégie de défense: Ladji abandonne la fumeuse thèse de l’“avion sans-papiers” développée par son Premier Ministre, pour celle, plus commode, de l’avion-cercueil. Problème : Ladji n’a pour témoin qu’un bagnard; de plus, il ne nous dit pas pourquoi l’Etat a loué les services de Marc Gaffajoli, représentant du mafioso Tomi Michel, pour expertiser l’avion  du “Vieux Commando” alors que le même Gaffajoli avait reçu 2 milliards pour rechercher un nouvel avion. Devait-on logiquement attendre que le futur vendeur d’un nouvel avion déclare l’ancien en parfait état ?

“Quant aux marchés d’équipements militaires, explique Ladji Bourama, leur passation était nécessaire; n’importe quel chef d’Etat aurait, à ma place, eu souci d’équiper une armée démunie comme l’était la nôtre.”. Ladji Bourama se garde bien d’entrer dans les détails des marchés, détails où réside pourtant le diable. Il se contente de proclamer avec emphase : “Vous avez devant vous le même IBK que vous avez connu, le IBK qui n’a jamais touché à un franc du trésor public ! A preuve, je n’ai mis aucune entrave au travail d’enquête du Vérificateur Général et de la Section des Comptes de la Cour Suprême ! Connaissez-vous beaucoup de chefs d’Etat qui eussent agi de la sorte ?”.

Pour ce qui est de sanctionner les ministres et autres gros bonnets impliqués dans les marchés douteux, Ladji Bourama n’y paraît guère disposé: “Ceux dont on parle bénéficient de la présomption d’innocence; je ne vais pas sévir contre eux parce que des rumeurs les accusent!”. On l’aura compris: aux yeux du premier magistrat, le Vérificateur Général et la Cour  Suprême ne propagent que des ragots…

Les menaces et sanctions financières du FMI ? Ladji Bourama s’en moque royalement. De son long monologue sur l’origine des institutions de Bretton Woods, ont retient que le Mali est membre du FMI comme la France et que nul ne mettrait un couteau sous la gorge du premier des Maliens. On croirait entendre l’empereur Soundjata après la victoire de Kirina ! Rendez-vous donc en décembre 2014: on verra si Ladji tiendra le même discours quand le FMI aura décidé de reconduire ses sanctions financières contre le régime…

Au sujet d’Ebola

Un autre sujet abordé se rapporte à l’épidémie d’Ebola qui a franchi les frontières du Mali. Visant l’opposant Soumaila Cissé qui avait, quelques jours auparavant, préconisé la fermeture des frontières avec la Guinée, Ladji Bourama martèle: “Ces frontières-là, je ne les fermerai pas ! Ceux qui demandent leur fermeture sont des démagogues qui veulent complaire pour deux sous au peuple ! Moi, je suis un homme d’Etat ! D’ailleurs, lors d’un sommet auquel j’ai participé, la CEDEAO a recommandé à tous les chefs d’Etat de ne pas fermer les frontières et l’OMS a déclaré les fermutures inutiles. Mais les dispositions seront prises pour protéger les Maliens”. 

Pourparlers d’Alger

Evoquant les négociations d’Alger avec les groupes armés du nord et le projet d’accord proposé par le médiateur algérien, Ladji Bourama est formel: ” Je sais que le peuple m’a élu prioritairement pour régler le problème du nord; je sais aussi que tout dirigeant qui signerait un mauvais accord trouverait le peuple malien sur son chemin. Je ne signerai donc aucun accord qui viole les intérêts du Mali!”.

Invités chassés

Ayant fini de savonner ses invités, le président leur donne sèchement congé. Il ne leur a serré la main ni au début ni à la fin de la torture, pardon!, de la cérémonie. Les malheureux leaders quittent, en tremblant, la salle comme des “éboliférés” (Hé! Ne prenez pas le dictionnaire: ce mot vient de ma forge pour désigner les malades d’Ebola!). Un des derniers à se sauver des lieux prend son courage à deux mains en signalant, avec forces courbettes, au père fouettard qu’il aurait peut-être dû donner la parole aux uns et autres au lieu de les chasser sans sommation. Ladji Bourama lui donne raison. Il envoie aussitôt les gardes et les agents du protocole aux trousses de ceux qui, dans la cour du palais, démarraient rageusement leur voiture. Tout le monde se retrouve à nouveau en face du savonneur local qui leur demande s’ils ont des questions et suggestions à soumettre à sa haute attention.

Bal des flagorneurs

Premier à prendre la parole, le président de la Convention des Partis de la Majorité Présidentielle, le député Boulkassoum Haidara, lit d’un ton monocorde, un discours préparé d’avance et qui, il va de soi, ne fait nulle allusion aux vertes remontrances adressées par le chef de l’Etat à ses alliés. Le propos est si fade que nos sources n’en retiennent rien.

La deuxième oratrice s’appelle Safiatou Touré, ex-députée de la commune 3 de Bamako ayant migré du PDES vers la coalition “Mali D’abord, inch Allah!”. Elle dit comprendre les critiques du président et explique l’inaction de la mouvance présidentielle par le déficit d’information: “Nous apprenons les choses en même temps, sinon après les autres; que pouvons-nous alors faire?”.

Chiaka Diarra, héritier de feu Maître Demba Diallo à la tête du parti UFD, prend le micro. Cet homme, qui n’a apparemment rien gardé des célèbres piquants du révolutionnaire Maître Demba Diallo, se met à cajoler Ladji Bourama: “Vous avez entièrement raison, monsieur le président! Chacun des partis membres de la Mouvance présidentielle aurait pu individuellement remplir la salle de mille places du CICB. Mais nous avons péché par improvisation. Nous demandons votre clémence car l’heure n’est plus à l’improvisation! Pardonnez-nous, monsieur le président!”. On croirait entendre le renard qui, dans la fable des “Animaux malades de la peste”, flatte le lion pour se maintenir bien en cour.Il ne manquait plus à Chiaka Diarra qu’un balafon et une flûte !

Un quatrième intervenant, Tiémoko Sangaré, président de l’Adema, murmure quelques mots mielleux. A l’en croire, nul ne met en doute l’intégrité personnelle du chef de l’Etat.

Puis vient clopin-clopant un leader quasi-inconnu qui, dans un français mélangé de peulh, bafouille à mi-voix: “Bon, eh bien, monsieur le président, nous, nous sommes un peu embarrassés ! Excusez-moi, hein, si je vous dis ces choses, mais notre base nous demande pourquoi il n’y a pas encore de sanctions contre ceux qui sont accusés dans les marchés suspects!”. Ladji Bourama ne laisse pas le pauvre leader politique finir sa phrase; il lui vole sans ménagement dans les plumes: “Vous voyez combien j’avais raison ! Est-ce à moi de vous dire ce que vous devez répondre à votre base ? N’êtes-vous pas un homme politique membre de la mouvance présidentielle?”. L’homme à la base sous-informée ne s’amusera plus sans doute à demander des sanctions dans des affaires qu’il ignore…

En définitive, pas un seul des 90 leaders politiques présents n’a pu dire au président de la République que les marchés publics passés par ses ministres sont irréguliers, que des sanctions s’imposent pour rétablir la crédibilité des institutions, que l’économie nationale serait mise en péril par les sanctions du FMI et que l’alliance politique commande de guider le pouvoir dans la bonne voie et non dans l’aventure. Pas un seul, vous dis-je! Mais que voul-vous ! Ainsi vont les républiques bananières où la sécurisation du pain quotidien passe avant tout !…

 

Source: Autre presse

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