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Chronique Présidentielle 2022 : Deal électoral et les moutons de Panurge

Le scrutin présidentiel à venir est-il joué d’avance ? Si l’optimisme de notre volonté et le principe démocratique nous commandent une réponse négative, le pessimisme de la réalité politique justifie, à bien des égards, une réponse affirmative. Déduction faite de toute magie divinatoire, les carottes semblent cuites, ou presque. Sur la longue liste des partants pour la course présidentielle, figureront quatre types de postulants : les vrais prétendants (4 au maximum), les troubles-faits (5 à 6), les figurants (une bonne dizaine) et les plaisantins (il faut s’attendre au pire en termes de leur nombre). Tous ces différents types de candidats ont des motivations, subjectives ou objectives, individuelles, catégorielles ou collectives.

Si les approches électoralistes ou les stratégies politiques diffèrent, le slogan restera inchangé : avec le Mali comme fond de commerce. L’analyse des présidentiables est un exercice passionnant, mais n’est pas le sujet de fond de la présente chronique. D’autres chroniques y seront consacrées. Faisons aujourd’hui le lien entre le Panurgisme électoral qui se présente et la posture Panurgique adoptée par le régime en place.

Ces deux concepts, analysés dans un contexte réciproque, trouvent leur quintessence dans une œuvre romanesque de François Rabelais intitulée « Quart livre » (parue en 1552). Panurge est l’un des personnages de ladite œuvre. Il s’est épris avec un marchand de troupeau sur un bateau. Panurge veut se venger du propriétaire de troupeau. Pour ce faire, il lui en achète un et le jette à l’eau. Tous les autres moutons, suivant le bêlement de ce dernier, en firent autant et se noyèrent tous.

Cette anecdote, mettant en lumière l’intelligence et la méthodologie, résume éloquemment le jeu politique qui se dessine au Mali, dans la perspective de la présidentielle de 2022 : un Panurgisme électoral avec une ruée vers les candidatures, des positionnements non réfléchis et une banalisation de la fonction présidentielle, expliquée par la nature de certains candidats, et un sentiment de ‘’je-m’en-foutisme général’’ ; et une posture Panurgique du régime en place qui a créé toutes les conditions et travaille intelligemment pour atteindre des objectifs bien définis.

Disons-le sans ambages, la transition a pour mission d’organiser des élections libres et transparentes. Ceci est un discours officiel qui vient se heurter à des actions qui laissent entrevoir une mainmise sur le dispositif électoral pour des fins corporatistes. Le circuit électoral en aval, reposant sur les sous-préfets, les préfets et les gouverneurs, est aujourd’hui verrouillé par les militaires. La machine électorale, conduite par les départements en charge de la sécurité et de l’administration territoriale, est entre les mains des militaires.

Le deal électoral à la malienne, orchestré par un bourrage des urnes dans les zones non accessibles du nord, est déjà scellé avec la CMA, qui a reçu toutes les garanties de mise en œuvre de l’accord et même des bonus. La caution électorale, donnée par la France, est en bonne voie car tous les intérêts français sont préservés jusque-là et rien n’est fait pour contredire la position française.

Sous réserves des positionnements politiques qui se consolideront au fil des semaines et des lobbyings religieux et diplomatiques qui s’exerceront jusqu’aux dernières heures avant le scrutin, le Comité des Colonels tient le bon bout pour imposer, par la voie des urnes, son candidat.

La seule alternative crédible pour faire échouer leur plan reste une candidature unique de la classe politique ou à défaut la constitution de maximum deux grands pôles politiques. Dans le cas contraire, pour un scrutin à chances égales pour tous les postulants, sans aucune distinction, il faudrait prier pour que les démons de la division politique s’emparent du grin des Colonels qui, visiblement bien soudé, travaille en toute intelligence, tisse sa toile, fait profil bas et surfe sur la vague des critiques et de la conjoncture.

Une autre espérance serait que la masse électorale ne se transforme pas en bétail électoral pour se jeter, comme les moutons de panurge, dans la gueule du premier loup qui sortira du chapeau des hommes forts du moment.

F.MAIGA

 

Source: BamakoNews

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