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Chronique du web : Inde : quand la pollution creuse les inégalités sociales

Si vous avez été étudiant en Economie, Géographie, Population & Développement… dans les années quatre-vingt, vous avez sûrement compulsé de nombreux manuels qui faisaient de l’Inde la capitale mondiale de la pauvreté. Des mégapoles comme Bombay (actuelle Mumbay), Calcutta, Delhi… étaient le reflet de cette Inde qui fascine, ce pays qui charrie les contrastes les plus saisissants au monde. Trois décennies après, l’Inde est devenue « une superpuissance… en puissance (Le Monde, 11 avril 2019). Avec une population de 1,4 milliard d’âmes, l’Inde caracole au 2ème rang des pays les plus peuplés au monde derrière la Chine, et occupe une très enviable 5ème place des pays les plus riches du monde en 2019 (Classement PIB). Mais l’Inde, c’est aussi 600 millions de pauvres (2017) et un pays particulièrement inégalitaire où la misère la plus crasse côtoie des fortunes insolentes.

Mais cette Inde qui n’en finit pas d’étonner avec son programme nucléaire, son entrée dans la course à la conquête spatiale, son économie en plein boom, son cinéma, sa culture, son exotisme… est bien plus qu’une poudrière démographique, mais un véritable désastre environnemental dans lequel la vie au quotidien relève de la gageure. La faute à une pollution de l’air cauchemardesque qui transforme de nombreuses villes en enfer. Ce mois de novembre, avec ses pics de pollution, est particulièrement dramatique, ce qui a poussé le ministre en chef de la capitale indienne ArvindKejriwal à comparer Delhi à  « une chambre à gaz ».

En guise d’illustration, l’ambassade américaine à New Delhi enregistrait le 3 novembre, dans la matinée, une concentration de particules fines PM2,5 de 810 microgrammes par mètre cube d’air, contre une moyenne journalière de 25 recommandée par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS). Le pic de pollution enregistré ce même jour dans la capitale indienne a dépassé les 1000 microgrammes de particules fines par mètre cube d’air. Du jamais vu !

Pour de nombreuses personnes, cette pollution se traduit par des douleurs à la gorge, la toux chronique, des maux de tête, des difficultés respiratoires ainsi que des yeux qui piquent. Selon le très sérieux magazine de santé The Lancet, la pollution en Inde a causé le décès prématuré de 1,2 million de personnes en 2017.

Mais cette pollution a donné l’idée d’un nouveau business très lucratif à des petits malins. Si dans d’autres villes du monde poussent des bars à vins, des cigares bars, des bars à chicha, des bars à narguilé ou des clubs de strip-tease, ici, ce sont des bars à oxygène qui voient le jour où se vend de l’air sain et pur à une clientèle privilégiée qui se bouscule au portillon. De l’air vendu comme une marchandise ordinaire !

Dans ces bars d’un genre nouveau, il faut débourser 500 roupies, soit 6,5 euros (à peu près 4300 FCFA) pour respirer de l’air sain pendant 15 minutes. Comme de banales glaces avec une large palette de choix, le cocktail d’oxygène proposé vous donne le choix entre les saveurs lavande, citronnelle, menthe, orange, cannelle, etc. « Oxy Pure », un de ces nouveaux bars, se frotte les mains. Selon son gérant, « les clients s’attachent des tubes et repartent rassurés, avec l’impression de plus avoir la gorge irritée ». Dans une récente interview à Euronews, le patron d’Oxy Pure ne tarissait pas d’éloge pour son business : «Cela détoxifie le corps et réduit l’impact de la pollution et de tout le carbone que vous inhalez. Cela dynamise également le corps et vous rend plus détendu ».

Sauf que, en Inde, 500 roupies pour une « bouffée d’air frais », c’est une fortune que ne peuvent pas se payer des centaines de millions de pauvres. Les laissés pour compte de la croissance économique indienne ne peuvent même pas s’offrir un simple masque  de protection dont la qualité moyenne est vendue 300 roupies (2500 FCFA).

Que faire pour l’écrasante majorité de la population indienne dont la préoccupante est de survivre ? Se laisser mourir de maladies respiratoires tout en fantasmant sur les privilèges des riches qui ne ratent aucune occasion pour exhiber leur réussite sociale.

Et que peut faire le gouvernement ? Pas grand chose ! La plupart du temps, il se borne à prendre des « mesurettes » comme la fermeture des écoles dans des grandes villes comme Delhi, ou l’instauration  de la circulation alternée pendant les périodes critiques. Avec cette dernière mesure, les véhicules ne pourront rouler qu’un jour sur deux selon que leur plaque d’immatriculation finit par un chiffre pair ou impair.

Pour les 20 millions d’habitants de la capitale indienne, c’est l’enfer sur terre  du à la fois à la circulation automobile, aux rejets industriels et aux fumées des brûlis agricoles qui ont cours dans les régions voisines. Jusqu’à quand cela peut-il durer ?

Comme le disent de nombreux spécialistes, l’Inde est une bombe à retardement dont la déflagration peut être très dévastatrice. NarendraModi, le Premier ministre, a du pain sur la planche ; il doit faire preuve de la plus grande ingénuité pour désamorcer cette bombe à retardement par une redistribution judicieuse des dividendes de la croissance, et en convertissant le pays à un « développement propre ».

C’est à ce seul prix que le très médiatique Modi pourrait contenir l’indignation de ses compatriotes face à ces nouveaux bars à oxygène qui l’une des multiples manifestations des inégalités criardes entre ses compatriotes.

Serge de MERIDIO

 

Source: Infosept

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