Malgré la gravité de la situation, l’OMS tente de rassurer par la voix de son directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus : « Ce que nous voyons actuellement, ce sont des épidémies liées au Covid-19 dans plusieurs pays, mais la plupart des cas peuvent encore être attribués à des contacts ou à des groupes de cas connus. Nous ne voyons pas encore de preuve que le virus se propage librement dans les communautés. Tant que c’est le cas, nous avons encore une chance de contenir ce virus, si des mesures énergiques sont prises pour détecter les cas précocement, isoler et soigner les patients et retrouver les contacts ».
Les nouvelles venues du foyer-mère de l’épidémie vont dans ce sens, les autorités chinoises ayant réussi à soumettre plus de 50 millions de personnes à des mesures drastiques de quarantaine pour espérer couper la chaine de transmission du virus de la maladie.
Quid du reste du monde ? Ce n’est pas encore la panique, mais c’est déjà un début de fébrilité voire de grosse inquiétude. Il ne peut en être autrement face au bilan de l’épidémie qui se chiffre à 4.351 cas détectés dans 49 pays et de 67 décès.
Officiellement, le continent africain est entré dans la zone rouge avec trois pays touchés : le Nigeria, l’Egypte et l’Algérie. Au Nigeria, c’est un Italien de retour de Milan le 25 février qui a été hospitalisé après avoir été testé positif au coronavirus dans l’État de Lagos. Jusque-là, le continent avait été épargné mais ces récents cas de contamination suffisent largement pour que les autorités sanitaires du continent sonnent le tocsin. Ce, d’autant que l’Afrique est considérée comme le ventre mou de la lutte contre la maladie au regard non seulement de son système de surveillance défaillant, mais aussi de la piètre qualité de son plateau technique. Les ministres de la Santé de l’Union Africaine ont déjà tenu une réunion avec le Directeur de l’OMS à Addis-Abeba, en Ethiopie, pour croiser leurs analyses respectives et activer les mécanismes de riposte qui s’imposent.
Sans aucun doute, le COVID-19, c’est le poil à gratter de ce début d’année qui réussit la lugubre performance de donner un coup de blues à notre moral collectif et à l’économie mondiale. On ne compte plus le nombre d’évènements sportifs, culturels et autres annulés en raison de la menace liée à la propagation de l’épidémie. En Italie, la Série A est très fortement menacée et d’autres championnats de football européens pourraient être compromis si l’on n’enregistre pas d’accalmie sur le front de la lutte contre le coronavirus. S’agissant des Jeux Olympiques 2020 (24 juillet-9 août)), le Canadien Dick Pound, Doyen du CIO a déclaré la semaine dernière à l’AFP que « le CIO et les organisateurs de Tokyo n’annuleront ou ne reporteront pas, ou ne feront quoi que ce soit à propos des Jeux, en l’absence de mises en garde ou de réglementations très sérieuses et précises de la part de l’OMS ou des autorités compétentes. À moins d’une crise mondiale dont la gravité empêcherait les Jeux d’avoir lieu, ou pousserait les autorités à interdire les déplacements ou quelque chose dans le genre, nous allons de l’avant ». Dans une autre interview accordée à The Associated Press, Dick Pound a insisté : « il reste encore trois mois avant qu’un éventuel report ne soit décidé ».
Sur le plan de l’économie mondiale, l’épidémie est perçue comme un grave facteur de perturbation. Lors de la récente réunion des ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales des vingt premières économies du monde (G20) dans la capitale saoudienne, Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire, a déclaré que « l’épidémie du nouveau coronavirus risque de mettre en péril la reprise de l’économie mondiale déjà fragile (…) Le virus Covid-19, une urgence sanitaire mondiale, a perturbé l’activité économique en Chine et pourrait mettre en péril la reprise ». En janvier, le FMI avait prédit une croissance globale de 3,3 % pour 2020, contre 2,9% en 2019. Avec l’épidémie, Kristalina Georgieva révise largement ce pourcentage à la baisse qui serait seulement d’environ 0,1 point.
Mais à quelque chose malheur est bon, dit-on communément. La chine qui est habituellement suspectée d’être hermétique joue la transparence et se montre par ailleurs chantre de la collaboration. En effet, « … pour mettre en place une action coordonnée et cohérente, seul moyen de faire barrage à l’épidémie, la Mission conjointe OMS-Chine a publié un rapport assorti de 22 recommandations adressées à tous les États, infectés ou non, à la communauté internationale et au grand public ». Pour votre gouverne, toutes les informations pertinentes sur la maladie peuvent être consultées à cette adresse : https://bit.ly/32BOS2c
Au plan de la réponse vaccinale, l’OMS a annoncé que plus de 20 projets sont en cours de développement dans le monde, tout comme plusieurs thérapies sont en cours d’essais cliniques. Les premiers résultats sont attendus dans les prochaines semaines.
Une importante réunion des ministres de la Santé de l’UE est prévue pour le vendredi 6 mars prochain à Bruxelles pour discuter des mesures à envisager contre l’expansion du coronavirus qui a fait déjà une vingtaine de morts sur le Vieux continent.
Revenons à l’Afrique dont la relative absence de contamination intrigue les scientifiques. Une modélisation récente publiée dans la revue médicale The Lancet a fait de l’Egypte, de l’Algérie et de l’Afrique du Sud les trois pays du continent les plus menacés, mais aussi les moins vulnérables, car les mieux préparés à repérer l’infection. Mais, malgré de nombreuses alertes, l’épidémie ne semble pas jusque-là se développer significativement sur le continent. Pourquoi ? Les épidémiologistes se perdent en conjectures. « Personne ne sait », avoue le professeur Thumbi Ndung’u, de l’Institut africain de recherche sur la santé à Durban, en Afrique du Sud. « Peut-être n’y a-t-il simplement pas tant de déplacements entre l’Afrique et la Chine ». Pourtant, Ethiopian Airlines, la plus importante compagnie aérienne africaine, n’a toutefois jamais suspendu ses liaisons avec la Chine depuis le début de l’épidémie. Et China Southern vient de reprendre ses vols avec le Kenya.
Serait-ce alors le fait d’une possible protection climatique ? « Peut-être que le virus ne pousse pas dans l’écosystème africain, on ne sait pas », avance le professeur Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat, à Paris. Hypothèse battue en brèche par le professeur Rodney Adam, de l’hôpital universitaire Aga-Khan de Nairobi, au Kenya. Qui soutient que « Nous n’avons aucune preuve d’une quelconque influence du climat sur la transmission [du virus]. A l’heure actuelle, il semble que la vulnérabilité des Africains soit la même que celle des autres ailleurs ». D’autres sont tentés d’attribuer le faible nombre de cas confirmés de coronavirus à de possibles ratés des systèmes de détection déployés dans les pays du continent. Le docteur Daniel Lévy-Bruhl, de l’agence sanitaire française Santé publique France est de cet avis : « C’est vrai qu’il y a certains pays, certaines régions dont on n’est pas certain de la capacité, ne serait-ce que par manque de ressources, à mettre en œuvre les modalités de diagnostic (…) Il y a un risque que des chaînes de transmission méconnues existent aujourd’hui dans certains pays du monde ». Une bombe à retardement donc qui sera sûrement désamorcée à temps !
Serge de MERIDIO