Mohamed Vi revient sur les bords du Niger. Ce n’est plus une rumeur. C’est plutôt une information. Elle est étonnante, pour dire le moins. Mais c’est comme ça : le Mali a ses charmes et il a décidé de faire battre au souverain chérifien un certain nombre de records.
Dont celui du 19 septembre dernier où, pour la première fois de son règne, Mohamed VI a daigné assister à l’investiture d’un Chef d’Etat. Ibrahim Boubacar Kéita aura alors eu ce que Barack Obama n’a pas eu, car c’est un ministre que le souverain chérifien a dépêché à l’investiture pourtant plus qu’historique du président américain. Deuxième record : le Roi avait oublié de rentrer à Rabat, après quatre nuits et une journée. Troisième record détenu par notre pays: ce sera la seconde visite royale sur les bords du Niger dans l’intervalle de quatre mois. Peu de provinces marocaines ont un tel privilège.
Qu’est-ce qui fait donc courir le roi ? Le souverain est le Vrp de son pays qu’il promeut partout. Il n’est pas peu fier d’attirer les regards du monde sur l’exemple du Maroc, un des pays-phares du continent. Mais, ce n’est pas vraiment ce qui explique la relation Bamako-Rabat. Il y a comme une sorte d’envoûtement pour le Mali. Le père Hassan II s’exorcisait par l’application de ce qu’il appelait « l’exception malienne ». Le fils a dépassé le père. En d’autres termes, relativiser l’amère potion qu’est la reconnaissance de la République Arabe Sahraouie Démocratique par le Mali. La relation Mali-Maroc était loin d’avoir la qualité de l’axe Rabat-Dakar. Mais la coopération entre les deux pays a continué, montant en puissance avec les années. Aujourd’hui, et surtout depuis la crise malienne au cours de laquelle, le Maroc a témoigné une solidarité totale, Bamako et Rabat frôlent l’idylle. Bientôt, cinq cent imams formés à l’islam soufi et contre l’extrémisme salafiste, distilleront dans les coins et recoins du pays la sympathie qu’ils auront gardée de leur hôte chérifien.
Mais le grand frère algérien surveille. Si Mohamed VI effectue cette deuxième visite, Ibrahim Boubacar Keita, sera alors le seul président malien à avoir reçu trois visites de chef d’Etat maghrébin en moins de six mois, car n’oublions pas que le président tunisien Moncef Marzouki a également assisté à l’investiture du 19 septembre dernier. Mais le Mali était un enjeu pour Alger et Rabat. Et il le reste. C’est loin, en effet, le temps où de bonne foi, la gauche locale assimilait le Polisario à un mouvement de libération du genre Anc ou Swapo. Avec le temps, la vérité a fini par éclater. Et aujourd’hui, rares sont les Maliens qui ne savent pas que le rapport du Mali à la Rasd est un déterminant de sa relation avec Alger. Une totale curiosité en matière de relations internationales. Le président Kéita en est-il conscient ? S’il est allé à Alger, le communiqué final de sa visite mentionne un fait sans précédent : la référence au processus onusien en cours pour le règlement amiable de la question du Sahara Occidental.
Une diplomatie maghrébine équilibrée. Après Nouackchott, Alger, Tunis, et sans aucun doute, Rabat demain, pour couronner sa tournée maghrébine, Ibrahim Boubacar Kéita court derrière une diplomatie équilibrée, « dans l’intérêt des deux pays concernés » comme il l’a souhaité dans son adresse de nouvel an au gouvernement de Oumar Tatam Ly. Histoire donc de prouver que le Mali peut bien être avec Rabat sans perdre Alger et inversement. Le Mali fait face à de nouveaux enjeux géopolitiques, au cœur d’un Sahel en tourment et aux portes de la menace sud-libyenne. Sa survie commande l’équilibre, pas l’équilibrisme. Loin des situations adultères qui font raser le mur, ce pays a l’âge adulte qui lui impose d’agir dans la clarté du jour. Il est digne de respect. Il doit se respecter et respecter les autres. Seul doit compter l’intérêt du Mali et la République du Niger, à cet égard, est de bonne inspiration.
Adam Thiam