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Chine : Le roi du sexe à piles

L’empereur du « sex-toy », l’homme qui fait bander les chinois, c’est lui !  Su Weiguo a ouvert son premier sex-shop à Pékin il y a vingt ans. Depuis c’est l’un des plus importants grossistes de l’industrie mondiale de la galipette. Ses jouets pour adultes consentants sont capables dit-il de réveiller une libido de panda. Ils se vendent aujourd’hui partout dans le monde et notamment en Europe.

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C’est une rampe en béton où roulaient autrefois les voitures. Dans ce tunnel en colimaçon qui s’enfonce sous un bloc d’immeubles de la périphérie de Pékin, des silhouettes gênées pressent le pas en remontant la pente avec leurs achats. L’ancien parking a été transformé en marché de gros. Bienvenue dans l’empire du sexe ! Derrière les rideaux, des centaines de boutiques qui desservent à la fois les pays étrangers mais aussi 3 à 4 000 sex-shops rien que dans la capitale chinoise ! Le patron du lieu nous accueille en survêtement. Petites lunettes, coupe en brosse, Su Weiguo n’a décidemment pas l’allure d’un homme d’affaire. C’est pourtant un redoutable commerçant et pionnier d’une industrie aujourd’hui florissante. En l’espace de vingt-ans, la Chine est devenue le premier producteur de sex-toy dans le monde.

INTERVIEW Su Weiguo:  « En Chine, les statues portent encore des vêtements, mais avec les jeunes générations les mentalités évoluent »

► Vous avez ouvert votre premier sexe shop il y a 20 ans en Chine  
Ce genre de produits pour adultes a longtemps été vendu dans les pharmacies et les centres commerciaux. C’était gênant pour les gens de passer en caisse avec ce genre de produits devant tout le monde. Mes amis et moi, on a eu alors l’idée de rassembler tous ces produits dans un magasin spécial où l’on emploierait des conseillers professionnels. L’idée c’était vraiment de décomplexer les clients. On se disait comme ça ils vont pouvoir parler de sexe librement. On a tout de suite vu aussi que le besoin des consommateurs était immense. On a donc ouvert notre première boutique à Pékin en février 1993, cela s’appelait à l’époque le « centre hygiénique Adam et Eve ».
► Pourquoi « centre hygiénique » plutôt que « sex shop » ?
 
Contrairement aux magasins pour adulte que vous connaissez à l’étranger et qui ont tout de suite été axé sur l’érotisme, en Chine nous sommes restés dans le domaine de l’hygiène et de la santé. C’est de la pudibonderie, mais à l’époque il était impossible d’ouvrir un magasin et de vendre simplement du plaisir. Nos premiers clients étaient donc des gens qui avaient des problèmes avec le sexe, que ce soient des problèmes physiques ou psychologiques d’ailleurs. Au début, beaucoup nous ont remerciés. On a même un client du Shandong qui nous a offert une corbeille de fruit. Il nous a confié qu’avant sa visite dans notre magasin, il n’avait pas eu de vie sexuelle pendant 30 ans !
► Comment ont réagi vos premiers clients ?
A l’époque, beaucoup n’osaient pas rentrer tout de suite dans le magasin. Ils tournaient autour. La première année, nous avons eu très peu de clients. Une dizaine par jour, tout au plus. On en voyait beaucoup tourner autour de la vitrine, ils s’approchaient et ils repartaient. A l’intérieur on avait recruté des femmes médecins à la retraite pour donner des conseils. Mais on s’en vite aperçu que quand ces dernières tentaient de parler aux clients, ces derniers étaient gênés et ressortaient immédiatement. On a donc décidé de ne plus prendre l’initiative d’aborder les clients, on les a laissé regarder tranquillement les produits et ils venaient nous voir s’ils le souhaitaient.
 
►Avez-vous notez une évolution chez vos clients justement en 20 ans ?
La Chine a beaucoup changé et les Chinois aussi. Et je dois reconnaitre que moi-même j’ai changé. Quand j’ai ouvert mon premier magasin, j’ai un peu hésité parce que c’était difficile d’expliquer mon métier à mes amis ou à ma famille. Mais j’ai réalisé ensuite que cela répondait à un besoin partagé par un très grand nombre de gens. Avec le développement de la vente en ligne, les gens connaissent mieux nos produits. De plus en plus, ils les considèrent comme des outils de divertissement pour les fêtes, ou des occasions spéciales. Ca évolue lentement, mais il y a une vraie évolution vers l’érotisme et le plaisir. Aujourd’hui on vend de plus en plus de produits uniquement destinés au plaisir, des accessoires S&M, des sous-vêtements qui sont désormais très demandés par les consommateurs. Après l’industrie des produits d’adultes en Chine reste différente de celle que vous pouvez connaitre à l’étranger. On reste sur le même principe de départ, à savoir que nos produits sont réservés aux personnes qui estiment avoir des problèmes dans leur libido et ressentent le besoin de développer leurs capacités.
► Sous les « cache sexe » santé et hygiène, c’est quand même surtout une affaire très rentable ? 
Le marché se développe très vite. Depuis l’ouverture de notre premier magasin en 1993, le nombre de fabricants et de produits a explosé. Le chiffre d’affaire du secteur a été multiplié par 100. On est passé d’un marché de quelques centaines de millions de yuans a près de 100 milliards de yuans aujourd’hui, c’est donc effectivement un gros business. En même temps, nous restons confrontés à des pressions. Et certains produits jugés sensibles, continuent à être interdits à la vente par exemple. Alors on doit se débrouiller ? Des stimulants qui favorisent l’érection tels que «  Huiren Shenbao » ou « Yilishen » sont vendus comme des remèdes « antifatigue » ou destinés à renforcer vos défenses immunitaires. Quant aux lubrifiants ou aux sprays aérosols tels que l’« indian oil » qui sont destinés à prolonger l’accouplement, ces derniers sont vendus pour des désinfectants. Les produits culturels tels que les magasines et les DVD sont toujours interdits. On est donc encore vous le voyez, confronté à pas mal de tabous.
Sex-shop à Pékin
► Est-ce que les mentalités ont aussi évolué chez les fonctionnaires ?
Nous continuons de dépendre de l’administration du ministère planning familial. C’est d’ailleurs le ministère du planning familial et le ministère de la santé qui nous soutiennent le plus. Le ministère de la Culture reste très fermé à notre égard. Le contrôle de publication est la répression des publications illégales est donc restée très stricte en Chine. On a des DVD dénudés mais ils concernent ‘l’art’, je pense par exemple aux vidéos du carnaval au Brésil ou à des tournages dans des clubs à l’étranger dans lesquels on aperçoit des danseuses nues. La vente de film érotique reste interdite je vous l’ai dis même si on note quelques progrès. Tang Jia li, la danseuse nue est désormais autorisée à vendre ses photos par exemple. La commercialisation du nu est possible lorsqu’il s’agit de « Body Art » ou de « Gender Art »
► Et le marché noir ?
Il y a effectivement des DVD ‘jaunes’ (ndlr : nom donné aux films érotiques en Chine) qui circulent illégalement sous le manteau, mais cela ne représente pas un très gros marché. Pour pouvoir vendre un DVD, il faut demander une autorisation spéciale. En plus en Chine, c’est la police qui s’occupe des publications illégales, donc on n’a pas envie d’avoir des rapports avec eux.
► Quels sont les critères pour classer un film érotique ?
Justement, on manque de critères. Le bureau des publications et les douanes ont constitué un groupe de spécialistes chargé de définir les films ‘indécents’, mais ils n’ont jamais publié leur rapport. Dans la pratique, les images de sexe sont tout simplement interdites. On n’a pas le droit de décrire de façon directe l’acte sexuel. Au Japon aujourd’hui, les producteurs de films X sont autorisés à tourner. Mais il y a vingt ans, c’était exactement comme en Chine : Il ne fallait surtout pas montrer le moindre poil, et la description des rapports sexuels était interdite. Ces dernières années, il est devenu possible de montrer une paire de sein par exemple. Et puis au Japon, il y a beaucoup de films tournés illégalement qui ne cachent rien. Je pense que sur ce sujet la Chine va s’ouvrir, mais il faut du temps.
► Qu’est ce qui empêche cette libéralisation des mœurs selon vous ?
La grande réforme n’est donc pas seulement économique, mais aussi dans la mentalité des gens et surtout de nos dirigeants. Après tout les Chinois sont comme tout le monde. Ils ont aussi des désirs et on doit pouvoir accéder au même plaisir que les étrangers. D’autant que les Chinois n’ont pas toujours été coincés. Il y a un musée consacré à l’érotisme de l’ancienne Chine à Shanghai où l’on voit que nos ancêtres des dynasties Tang et Song avaient une grande considération pour l’esthétique érotique et le plaisir. Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est que plus la Chine est puissante, plus la culture du sexe est présente.
► Les Chinois sont-ils pudiques par nature ?
Dans la tradition chinoise, le sexe est une chose dont on évite de parler en public. Par exemple, quand vous mettez du linge à étendre dans la rue, il n’y a pas de problème. Mais si une jeune femme fait sécher ses petites culottes, cela peut devenir gênant. C’est notre attitude vis-à-vis du sexe. Autre exemple, nous savons qu’en Occident il y a beaucoup de statues nues dans les jardins publics. En Chine, les statues portent des vêtements, mais on espère qu’avec les jeunes générations les mentalités vont changer progressivement.
► Qu’en est-il aujourd’hui des ventes sur internet ?
Mes affaires marchent très bien depuis 2011, et c’est en grande partie grâce à internet. Mon chiffre d’affaire a été multiplié par 3 ou 4. A Pékin, nous desservons 3 à 4000 magasins. Concernant l’exportation, nous avons des usines à Dong Wan, et l’autre à Wenzhou. Les produits chinois occupent  60 % du marché mondial, certains parlent même de 80 %. J’étais en Allemagne en octobre dernier, les produits que j’ai vus là-bas étaient quasiment tous fabriqués en Chine. On a une cinquantaine d’usines qui fabriquent des produits pour les marques étrangères. Des nouveaux produits, dont la marque allemande OVO qui est la plus tendance aujourd’hui.
►Vous organisez également un festival du sexe… 
Jusqu’à présent, on avait deux grandes expositions : Le salon du sexe de Shanghai, avec la présence de très nombreux stands étrangers ; et le festival du sexe de Guangzhou, organisé par l’industrie locale. En 2013, on a lancé un nouvel évènement. Le festival du sexe de Tianjin, le premier décembre dernier, à l’occasion de la journée de Sida. On peut dire que les mentalités ont évolué depuis 2011, car il y a de plus en plus de jeunes parmi nos clients. Du côté des autorités, là aussi on observe un changement. Ce qui est surprenant pour moi c’est que cette activité a eu le soutien de quotidien du soir et la radio de Tianjin. Or, on sait que le quotidien du soir de Tianjin est un organe du parti communiste, comme le quotidien du soir d’ailleurs. Le journal a titré en Une : Un festival pour la santé sexuelle et l’harmonie entre les couples. J’ai notamment été touché par un visiteur aveugle qui a appelé les organisateurs pour pouvoir visiter l’exposition avec ses mains, et notamment les sculptures. En 2015, nous projetons d’organiser des évènements similaires dans sept autres villes et notamment Shenzhen, Changsha ou Dalian.
SOURCE / RFI

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